Auguste Piccard: un savant à la conquête des extrêmes

Mais qui est donc Auguste Piccard?

Auguste Piccard naît avec son frère jumeau Jean-Félix le 28 janvier 1884 à Bâle dans une famille de scientifiques d'origine vaudoise qui a ses racines sur les rives du Léman. Après des études à l'Ecole polytechnique de Zurich, il deviendra physicien et ingénieur.

Une interview de rue en 1984 montre que le souvenir du savant vaudois disparu en 1962 est parfois un peu flou. Seuls les plus anciens semblent se remémorer les exploits de leur compatriote.

Le Professeur Tournesol

Mais Auguste Piccard pour le grand public, c'est tout d'abord celui qui a inspiré au dessinateur Hergé le distrait professeur Tryphon Tournesol, fameux personnage qui accompagne les aventures de Tintin dès 1944.

J’ai pensé au professeur Piccard parce que pour moi, il représentait le type même du savant.

Mais si pour Hergé, « un tel homme doit être distrait », le professeur Auguste Piccard, physicien et ingénieur est, quant à lui, moins distrait qu'absorbé par ses expériences, des expérimentations qu’il mènera toujours avec une extrême rigueur.

Doté d’une riche imagination, le professeur rêve tout d’abord de construire un sous-marin, un véritable laboratoire pour explorer les fonds des océans.

Son poste de professeur à l’Université de Bruxelles, dès 1922, sera le tremplin pour une série de travaux et d’inventions qui l’amèneront d’abord à la conquête du ciel.

Premier dans la stratosphère

Passionné de ballon libre dès l’enfance, Auguste Piccard acquiert son brevet de pilote, pendant la Première Guerre mondiale.

En 1926, il monte jusqu’à 4'500 mètres à bord du ballon Helvetia pour confirmer les fondements de la théorie de la relativité d’Albert Einstein, son collègue et ami. Puis intéressé par les rayons cosmiques, il obtient des crédits du Fonds national belge de la recherche scientifique pour se donner les moyens de monter à 16'000 mètres.

Keystone/Photopress-archives/Str

C'est le début de l'invention du ballon stratosphérique. Elle ne va pas sans mal car il faut concevoir et construire une nacelle étanche. Ce sera chose faite grâce à un fabricant belge de cuves de bière...

Keystone/Str

En 1931, partie d’Augsbourg en Bavière, la première expédition d’Auguste Piccard et de son assistant Paul Kipfer est chahutée par de forts vents lors du décollage. L'ascension se déroule de manière rocambolesque. Les deux pilotes font face à une succession d’ennuis: une fuite d’air dans la cabine doit être colmatée d’urgence et une commande bloquée empêche la descente du ballon. L’ascension se terminera 17 heures plus tard avec un atterrissage de fortune et une nuit de bivouac sur le glacier du Gurgl dans le Tyrol. Une péripétie qu'Auguste Piccard rappellera avec un bel optimisme.

Keystone/AP Photo

La 2e expédition dans la stratosphère en 1932, en compagnie du physicien belge Max Cosyns sera, elle, couronnée de succès: elle leur permettra d’atteindre les 16'000 mètres et les résultats scientifiques escomptés. Les mesures effectuées prouvent que les rayons cosmiques n'existent pas. Et dès le retour sur terre de l'équipage, l'aviation s'intéresse aux cabines étanches et pressurisées.

Un peu de vulgarisation scientifique

Dans les années 40, auréolé d’une belle célébrité, Auguste Piccard donnera sur les ondes de Radio-Lausanne une série de causeries, comme on appelle alors ces conférences. Il éclaire pour l’auditeur différents sujets scientifiques de l’époque : la force des fourmis, l’annonce d’un nouvel avion fonctionnant à l’air comprimé, l'insuline pour les diabétiques ou encore la météorologie.

Cineac

L’invention du bathyscaphe

Après la conquête du ciel, Auguste Piccard décide de retourner à sa première idée et de construire un submersible, sur le modèle du ballon stratosphérique : il conçoit le bathyscaphe. Le professeur en parle à Maurice Huelin en 1960:

Après les plongées d'un premier submersible, le FNRS2 au large du Cap Vert en 1938 en compagnie de Max Cosyns et Théodore Monod, qui se concluent sur un semi-échec, les travaux d'Auguste Piccard connaissent un coup d'arrêt lié à des difficultés budgétaires et au désengagement du Fonds national de la recherche scientifique belge. Mais c'est alors que le fils d'Auguste, Jacques, le rejoint sur son projet. Il trouve soutiens et fonds pour la construction en Italie d'un nouveau bathyscaphe Le Trieste.

Père et fils travaillent en symbiose et bientôt ils mènent des plongées d'essai en mer Méditerranée. Le 30 septembre 1953, c'est l'exploit : Le Trieste et son équipage constitué d'Auguste et Jacques Piccard atteignent la profondeur de 3153 mètres au large de l'île de Ponza. Quelques années après, le récit d'Auguste Piccard:

Keystone/Photopress-archiv/Str

Sur les pas d’Auguste

Dans la foulée de ces exploits, le fils d'Auguste, Jacques prendra la relève avec un record encore inégalé. Le 23 janvier 1960, à bord du bathyscaphe Le Trieste construit avec Auguste et passé aux mains de la marine américaine, il plonge en compagnie de l'officier des Marines Don Walsh au plus profond de l’océan Pacifique, atteignant près de 11'000 mètres dans la fosse des Marianne, Challenger Deep.

Jacques Piccard et Don Walsh seront décorés des mains du président Eisenhower.

Le 24 mars 1962, Auguste Piccard décède d'une crise cardiaque. Jacques Piccard s'attache à poursuivre l'oeuvre de son père et propose une attraction sensationnelle à l’Expo 64. Le mésoscaphe, imaginé par le professeur Piccard, deviendra le premier sous-marin touristique du monde. Malgré des bisbilles avec la direction de l'Expo qui oblige Jacques Piccard à se retirer du projet, L'Auguste Piccard emmènera des centaines de passagers au fond du lac Léman.

Sa curiosité et son ingéniosité associées à sa rigueur scientifique et à ses capacités d’émerveillement ont donc fait d’Auguste Piccard un scientifique de haut vol, à la fois théoricien et pionnier de l’exploration du ciel et des abysses. Son fils Jacques d'abord, devenu océanographe, puis Bertrand Piccard, son petit-fils à bord du ballon Breitling Orbiter et de l'avion solaire Solar Impulse, assureront la succession d’Auguste. Ce dernier demeure dans l'histoire de la science comme un savant à part qui, en explorant les extrêmes, a permis d’élargir le champ des connaissances humaines.

Vous retrouverez en lien l'intégrale d'une série d'entretiens radiophoniques avec Auguste Piccard réalisés en 1954 ainsi que d'autres documents autour du savant vaudois.

Marielle Rezzonico pour les archives de la RTS