En mars 1972, quelques jours après une lettre du Conseil fédéral soutenant le projet du Grand-Marais, une manifestation réunit les adversaires de l'aéroport du Seeland. La mobilisation de la population de la région des Trois-Lacs est forte et les pancartes brandies ne laissent pas place à l'ambiguïté: c'est non au projet. Le Ciné-Journal suisse filme:
Un aéroport nécessaire?
Après Kloten, Cointrin et les installations du Belpmoos, pourquoi faut-il un 4e aéroport dans notre pays? L'émission Affaires publiques enquête:
L'aéroport bernois Belpmoos se trouve à l’étroit dans un territoire qui limite sa capacité aérienne. Sa situation ne permet pas le développement des nouvelles infrastructures nécessaires pour répondre aux besoins de Berne et de sa région et développer des vols intervilles. D’autant plus que l’augmentation constante du trafic aérien menace de saturation les aéroports de Cointrin et de Kloten, et cela à brève échéance.
Dès 1967, une Commission est mandatée pour étudier des solutions. En 1970, l’avis de la Commission tombe : seule la région du Grand-Marais (Grosses Moos) dans le Seeland éloignée des grandes villes est adaptée à la construction d’un nouvel aéroport.
Un expert explique le choix du Grand-Marais:
Le Seeland, jardin potager national
Cependant la population du Seeland ne l’entend pas de cette oreille. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le Seeland a affermi sa vocation maraîchère. De longs et difficiles travaux entrepris au 19e siècle ont permis la transformation en terres arables des sols marécageux de la région des lacs du pied du Jura. Ces coûteux efforts portent désormais leurs fruits. L’existence même de certains agriculteurs est liée à cette vaste plaine devenue fertile et vouée à la culture intensive des fruits, légumes et des céréales.
Des répercussions négatives
L'installation d'un aéroport dans cette région agricole aurait de nombreuses conséquences négatives pour le Grand-Marais et pour les habitants du Seeland, comme l'explique cet extrait du reportage du Ciné-Journal suisse. L'ajout d'un fond sonore de trafic aérien sur certaines images donne d'ailleurs un certain relief aux arguments défavorables...
L'avenir touristique dont rêve le Seeland paraît mis à mal par le bruit que ne manquera pas de générer le trafic aérien de l'aéroport du Grand-Marais. Pourtant du côté des initiants, le conseiller d'Etat Henri Huber minimise le conflit avec la protection de l'environnement et les nuisances sonores. Ses propos s'appuient sur des expertises et cet homme politique soucieux du développement économique bernois se montre confiant dans les progrès technologiques à venir:
Une levée de boucliers
La farouche résistance qu’opposent à ce projet les autorités de Fribourg et des cantons voisins du Seeland ainsi que celle de
la population locale surprennent experts et politiques. Des motions sont déposées au Grand Conseil bernois, des interpellations adressées au Conseil d'Etat fribourgeois.
Les organisations de protection de la nature comme l'association "Nos oiseaux" dénoncent les possibles atteintes à un site naturel d'importance national situé sur la rive droite du lac de Neuchâtel: un aéroport proche de cette région aurait des répercussions désastreuses pour la protection des oiseaux.
A l’été 1972, quelque 3'000 manifestants se rassemblent devant le Palais fédéral et certains Seelandais menacent même de rejoindre les rangs des séparatistes jurassiens alors en conflit ouvert avec le canton de Berne.
Face à cette levée de boucliers, la Commission des transports de l’exécutif bernois se résout à abandonner le projet « pour raison d’Etat » : l'affaire du Grand-Marais trouve ainsi son épilogue.
Les intégrales de l'enquête d'Affaires publiques ainsi que le reportage du Ciné-Journal Suisse sont accessibles en lien.
Marielle Rezzonico pour les archives de la RTS