Selbstols im Lavabad
En 1994, Pipilotti Rist est l'invitée de l'émission culturelle Sortie Libre et du Musée d’Art et d’Histoire de Genève où une exposition lui est consacrée. On peut y admirer sa création Selbstols im Lavabad, visible grâce à un minuscule écran de quelques centimètres de diamètre caché dans le plancher qui projette une vidéo où elle se met en scène et appelle à l'aide. Rencontre et portait de la Saint-Galloise qui, en plus de son travail de vidéaste et plasticienne, chante depuis 1988 dans le groupe de musique expérimental et féministe Les Reines prochaines.
Shooting Divas
Deux ans plus tard, c'est au tour du Centre d'Art Contemporain de Genève d'accueillir dans ses murs l'artiste et son équipe pour la création d'une vidéo-opéra, Shooting Divas, entièrement filmée et réalisée sur place. L'émission Sortie Libre est à nouveau sur le pont pour suivre cette performance en live.
Dans un grand espace, six scènes servent de décor à l'enregistrement d'une dizaine de chanteuses conviées pour interpréter le rôle d’une diva. Ce matériel visuel et sonore est transformé par ordinateur et mit en scène par Pipilotti Rist qui dirige et improvise en intégrant parfois le passage inattendu d'un visiteur. Dans cette performance, la vidéaste s'interroge sur l'identité féminine et sur ses désirs.
L'expérience d'Expo.01
Nommée directrice artistique de l’Exposition nationale Expo.01 en août 1997, la Saint-Galloise est conviée avec Jacqueline Fendt, directrice exécutive de l'expo, sur le plateau de la TSR en janvier 1998. Vêtue d'un costume d'homme, elle répond aux questions du journaliste Massimo Lorenzi sur ses projets qui paraissent encore flous pour la population suisse.
C'est aussi l'occasion de la voir au travail avec son équipe dans les sous-sols des locaux de l’Expo.01 à Neuchâtel. L'artiste a surnommé cet espace "La Cuisine", véritable laboratoire à images et à idées.
Peut-être que les gens vont avoir des costumes collectifs. A Morat, tout le monde est jaune, à Bienne, tout le monde est rouge, je ne sais pas, c’est une idée, parmi mille idées
Mais qui est donc Pipilotti Rist ?
C'est peut-être pour mieux la faire connaître en Suisse Romande que l'équipe de l'émission Viva consacre une émission à la vidéaste en novembre 1998. Dans cet extrait, on rencontre sa famille. Avant d'entamer sa carrière d'artiste, elle a grandi avec ses parents et ses soeurs à Grabs, dans le canton de Saint-Gall. Les Rist évoquent l'enfance et la personnalité de Pipilotti. Et cette dernière raconte ses souvenirs d'adolescente, comme sa prise de LSD ou sa grande myopie.
Toucher un nouveau public
Toujours pour Viva, la journaliste Laurence Mermoud fait le voyage entre Zurich, où la vidéaste et plasticienne poursuit son travail, et le siège de l'Expo.01 à Neuchâtel. Entre deux séances, elle s'entretient avec elle sur ses craintes et ses objectifs pour la poursuite de cette aventure culturelle, alors que son engagement comme directrice artistique est soit admirée, soit contestée.
La démission de Pipilotti
Le 18 décembre 1998, après une année et demie au poste de directrice artistique d'Expo.01, Pipilotti Rist annonce sa démission avec effet immédiat. Elle dit ne plus pouvoir assumer la charge croissante des tâches administratives et de management liées à sa fonction. Impossible à prévoir au départ de l'aventure, cette situation ne lui permet plus de mener son activité créatrice dans de bonnes conditions.
Les graines sont semées. Il s'agit maintenant de concrétiser ces bases en les rendant compatibles avec les contraintes techniques, architectoniques, financières et politiques.
Durant cette période, elle a tout de même poursuivi des réalisations avec une oeuvre très remarquée Ever is Over All (1997) qui montre une jeune femme marchant dans une rue d'une ville brisant les vitres des voitures garées avec un gros marteau en forme de fleur tropicale. En 1998, c'est l'installation vidéo Atmosphère & Instinct dont le lieu de présentation change à chaque exposition ou encore sa place de finaliste au Prix Hugo Boss, décerné par la Fondation Guggenheim pour des réalisations significatives en art contemporain.
Open My Glade
Au fil de sa carrière, les installations multimédias de la vidéaste et plasticienne prennent de l'ampleur passant d'oeuvres minuscules comme Selbstols im Lavabad à un écran géant installé sur Times Square.
En 2000, à la demande de la Fondation Public qui veut sortir l'art moderne des musées, Pipilotti Rist présente son premier projet d'art public sur le célèbre rond-point new-yorkais. Le film, composé de seize parties, est montré par séquences d’une minute pendant six semaines, seize fois par jour toutes les heures. Dans ces vidéos, on voit son visage, en gros plan, écrasé contre la paroi de verre de l'écran, dont elle essaie de sortir sans y réussir.
On essaie de tout mettre derrière cet écran, c’est cette réflexion qui a constitué le point de départ de mon travail
Homo sapiens, sapiens
On retrouve la Saint-Galloise en 2005, dans le cadre de la 51ème édition de la prestigieuse Biennale d'art contemporain de Venise où elle présente Homo sapiens sapiens. Cette installation vidéo onirique, visible dans l'église baroque de San Stae, met en scène deux jeunes femmes nues courant dans l'herbe d'un jardin inspiré du Paradis terrestre qui ne connaît pas le péché originel. La vidéaste souhaite représenter un monde dans lequel on ne se sent pas coupable en permanence.
La journaliste de la TSR Anne Marsol, envoyée spéciale pour l'occasion, nous fait découvrir cette oeuvre avant la fermeture de l'église suite à la plainte d'un groupe de catholiques !
A la belle étoile
2007. Pour célébrer ses 30 ans d’existence, le Centre Georges Pompidou de Paris demande un travail à la vidéaste suisse Pipilotti Rist. En 2007, elle crée A la belle étoile, une oeuvre magistrale qui se déploie sur l'esplanade devant Beaubourg. La conservatrice du centre Pompidou Christine Van Assche revient sur la trajectoire très contemporaine de l’artiste suisse qui a su inventer un langage qui s’adapte à des surfaces très différentes poursuivant ainsi son exploration de l'espace artistique et de sa relation avec le monde.
C'est, selon elle, la première fois qu'une artiste donne une telle ampleur à une oeuvre et aussi à un bâtiment. Dans cette création, elle supprime les limites du corps en offrant au public d'entrer dans A la belle étoile en marchant sur la Piazza de Beaubourg. Les personnages flottent dans l'espace et évoluent d'un monde urbain vers un monde plus organique. Et comme souvent, la Saint-Galloise fait partie de l'oeuvre.
Je pense qu’il y a un message par rapport à la femme, on peut dire que c’est politique, peut-être, mais c’est plutôt une sorte de reconnaissance de l’identité féminine et de la créativité de la femme
Hommage à l'artiste
La ville de Saint-Gall rend hommage à son artiste la plus célèbre du canton en organisant, pour son 50ème anniversaire, une rétrospective des oeuvres de la plasticienne et vidéaste Pipilotti Rist. La journaliste Anne Marsol nous retrace les points forts de cette exposition dans Le Journal du 2 juin 2012. On y retrouve ses vidéos des années 80 pour petit écran jusqu'à ses installations plus récentes et de grand format.
Se jouant de l'espace et du temps, la vidéaste et plasticienne immerge et plonge le spectateur dans des environnements oniriques, au travers de paysages très colorés, des combinaisons d'images sans véritables structures narratives et d'une musique douce qui offrent une véritable expérience artistique, à la fois sensuelle, poétique et joyeuse.
Martine Cameroni pour Les archives de la RTS