Les armaillis sont peut-être à la Gruyère, ce que les cow-boys sont au Far-West. Un mythe qui renvoie à la figure éternelle du berger de montagne, vivant seul sur l’alpage avec son troupeau, respectueux d’une nature riche et dure à la fois. Et si le cow-boy a son lasso, ses bottes et son cheval, l’armailli revêt son bredzon, vit dans son chalet au toit de bardeaux et chante son hymne, le Ranz des vaches.
Chapitre 1
La vie à l'alpage
Là-haut sur la montagne, la vie n'est pas de tout repos. Les journées sont rythmées par les différentes étapes de la fabrication du fromage dont le processus semble inchangé depuis des centaines d'années.
En 1963, l'équipe de l'émission Horizons a suivi la journée d'un armailli : traite des vaches, collecte du caillé, mise en moule du Gruyère. Une vie simple et dure.
Dix ans plus tard, Horizons est à nouveau dans les alpages et il semblerait que rien n'a changé. S'occuper des bêtes, fabriquer le fromage, livrer le Gruyère ! Avec son accent fribourgeois bien marqué, l'armailli Brodard nous livre ses secrets de fabrication. Du caillage au moulage, un savoir-faire exceptionnel.
Si on se lève seulement quand le soleil vous tape sur la figure, eh bien, c'est un peu tard !
Et c'est à nouveau avec la famille de l'armailli Brodard que nous nous rendons au chalet. Femme et enfants participent aux travaux de la ferme et s'occupent des quarante-deux vaches que compte le troupeau.
En 1964, l'émission Découverte de la Suisse rencontre Louis Charrière, un armailli gruérien de 80 ans dont la vie semble faite de solitude, de piété et de sagesse et surtout de beaucoup de travail.
Chapitre 2
Inalpe et désalpe
KEYSTONE - Laurent Gillieron
La Gruyère vit au rythme de ses alpages. Pour les paysans de la région, la montée dans les pâturages de montagne est un événement important qui marque le début de plusieurs mois de labeur pour la fabrication du fromage.
La montée à l'alpage
En 1960, Télé-Flash s'attarde sur les festivités qui marquent la montée à l'alpage. Cor des Alpes, bredzons brodés, sonnailles décorées et prairies fleuries, messe en patois : tout y est !
Cette émission de Folklore suit la préparation du troupeau de vaches et offre de très belles images qui semblent défier le temps et la modernité. Gare aux embouteillages !
La désalpe
Après quatre mois passés dans les pâturages, les troupeaux et leurs armaillis descendent de la montagne, c'est la désalpe. Les bêtes parées de fleurs et de cloches pour l'occasion, accompagnent les armaillis vêtus de leur bredzon. Le son de ce document datant de 1959 est malheureusement manquant, mais les images parlent d'elles-mêmes.
Chapitre 3
L'art choral
KEYSTONE
Très présente dans le canton de Fribourg, la tradition des choeurs, profanes ou religieux, a su trouver un chantre en la personne de l'abbé Bovet. Chef de choeur et compositeur, sa chanson Le vieux chalet lui a valu une renommée internationale. En 1911, il publie le Ranz des vaches sous le titre Les armaillis de Colombette. Cette version harmonisée du chant traditionnel des armaillis contribua à son renouveau et à sa popularité.
Le village de Sales, en Gruyère, qui a vu naître Joseph Bovet, célèbre en 1971 le 20e anniversaire de la mort du compositeur.
Le Choeur des Armaillis
Il a été créé en 1955, à Bulle, par le professeur de musique André Corboz et par Henri Gremaud, alors conservateur du Musée gruérien. En 1976, après la disparition de son chef-fondateur, c'est Michel Corpataux, chef aussi talentueux que dynamique qui prend la relève avec un répertoire de chants populaires et de chant grégorien. Lors des concerts, ses membres portent le costume traditionnel de l'amailli.
Le Ranz des vaches
Selon le Dictionnaire Historique de la Suisse, les premiers témoignages écrits sur l’air ou la mélodie du Ranz des vaches datent de 1545. C'est une version, chantée en patois gruérien, dont la partition et les paroles sont publiées en 1813 par le pasteur vaudois Bridel, qui s'impose finalement. Ce chant, utilisé pour signaler l'heure de la traite ou le départ aux alpages, est repris dans les grandes fêtes populaires. Dès 1819, il est associé à la Fête des Vignerons et devient l'hymne et le symbole du paysan suisse de montagne.
Lyoba, Lyoba, voix des bergers, voix des abîmes, voix des torrents, des rocs déserts, il vient à nous, du fond des airs, comme un écho des blanches cimes.
A Vevey, la Confrérie des Vignerons organise une fête qui rend hommage aux traditions et au monde viticoles. Très prisé du public, voici un des moments forts du spectacle avec l'interprétation du Ranz des vaches, ou Lyoba, par un armailli.
Dans une ambiance champêtre, quinze armaillis sont candidats pour chanter l'air du Lyoba. C'est finalement l'armailli-fromager Bernard Romanens qui sera choisi pour interpréter ce chant traditionnel à la Fête des Vignerons de 1977.
Les tribulations d'un armailli en Chine
En 1980, l'armailli-fromager Bernard Romanens est en tournée en Chine populaire avec le corps de musique Landwehr de Fribourg. C'est devant un parterre d'officiels chinois trié sur le volet qu'il chante le Lyoba, l'hymne des bergers suisses.
Chapitre 4
L'artisanat
KEYSTONE - Jean-Christophe Bott
Décorer les bredzons avec de jolis edelweiss, bâtir son chalet avec des toits de bardeaux, confectionner des cornettes avec de la corne de vache, embellir les sonnailles avec de belles courroies de cuir ou peindre la montée des troupeaux à l’alpage, la Gruyère a su préserver toutes ces traditions artisanales attachées à la vie des armaillis.
C’est le costume d’armailli. Il se porte couramment. Tous mes fils portent le bredzon.
Il est le symbole de la Gruyère, ce vêtement porté au quotidien par l'armailli pour faire son travail. En mai 1968, Madame TV est partie à la rencontre de ces dentellières, brodeuses ou couturières vivant dans les fermes de la région. Elles parlent de leur passion et de l'importante de maintenir cette coutume du bredzon.
Les armaillis gruériens portent en bandoulière une poche à sel appelée le "loyi", avec de chaque côté une cornette. Il s'agit d'un petit godet taillé dans une corne de vache et qui contient de la graisse à traire. En 1971, Courrier romand a interviewé Monsieur Gremaud, l'un des derniers artisans qui confectionne ces récipients en cornes naturelles.
Le Gruérien Camille Charrière est tavillonneur. En 1988, une équipe de Viva le suit à toutes les étapes de son travail, depuis le choix du pin épicéa à abattre jusqu'à la pose des tavillons sur un toit de chalet d'alpage. C'est une tradition dans cette région de montagnes, comme le dit l'abbé Bovet dans Mon beau chalet.
En 1980, l'armailli Bernard Bovet est l'invité de l'émission Courrier Romand. L'occasion d'évoquer la tradition de la fabrication des cloches et des sonnailles pour les vaches. Sans oublier, bien sûr, la confection de magnifiques courroies de cuir décorées par le sellier pour orner le cou des plus belles vaches lors de la désalpe.
La vie de l'armailli est organisée autour de la transhumance de ses vaches entre la ferme et les pâturages d'été. A partir de 1800, des artistes de la Gruyère ont à coeur d'immortaliser la poya, la montée à l'alpage. Issues de cette tradition populaire, des grandes peintures sur bois, dans un style souvent naïf, sont exposées sur les frontons des fermes en signe de prospérité.
Chapitre 5
Portraits d'armaillis
KEYSTONE - Laurent Gillieron
La Télévision Suisse Romande (TSR) a dressé le portrait de nombreux armaillis, barbus ou non. En voici un petit florilège.
Dans le chalet de Bernard Bovet, la façon de fabriquer du fromage n'a pas changé depuis 200 ans. Et c'est avec son doux accent que l'armailli nous raconte la vie des paysans des montagnes gruériennes.
S'il a tous les signes distinctifs de l'armailli, il en possède aussi l'âme : l'amour de son troupeau. C'est avec fierté que ce Gruérien, mêlant français et patois local, évoque ses plus belles bêtes de concours.
Des armaillis fribourgeois racontent avec humour leur vie de barbu pour l'émission Mon oeil en 1986. Comment dormir avec sa barbe, les propriétés inflammables de leurs poils, tout y passe !