Visite de l'Auge
Le quartier de l'Auge est le plus emblématique de la Basse-ville de Fribourg. En 1973, l'émission Temps présent part à la découverte de ce territoire à cheval sur la Sarine, dont les frontières sont délimitées par la porte de Berne, le pont du Milieu et les escaliers du Stalden.
Il arrive encore aux gens d'en haut de dire "les voyous de la Basse" pour désigner les gens de l'Auge.
Les mangeurs de chiens
En 1964, une rumeur se propage, relayée par la presse locale et même dans les journaux de Suisse alémanique: la Basse-Ville de Fribourg serait le décor d'un trafic de viande de chiens. Les habitants de ces quartiers, enfants compris, en seraient de grands amateurs. Intriguée par ces allégations, une équipe de Continents sans visa se rend sur place pour enquêter. Loin d'amuser, l'affaire agace et blesse. Si la pauvreté et l'insalubrité ont bien existé et existent encore dans ce que certains nomment les bas-quartiers de Fribourg, l'étiquette de "population arriérée mangeuse de chiens" ne passe pas. On peut entendre dans cette archive le chanoine Noël, une figure bien connue de Fribourg.
Ni langue, ni dialecte : le bolze
La Sarine, qui traverse Fribourg, marque la frontière linguistique entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. En Basse-Ville, cette singularité géographique a donné naissance à un parler bien spécifique, le bolze. Plus proche d'une forme de créole que d'une langue proprement dite, le bolze mélange, sans règles fixes, le français et l'allemand, ou plutôt le singinois, parlé dans la partie alémanique du canton de Fribourg. En 1985, dans une émission de la radio romande, un habitant de la ville explique ce qu'est pour lui le bolze.
Il faut savoir mal le français et mal l'allemand, alors vous parlez un excellent bolze!
Le carnaval des "Bolzes"
La tradition du carnaval des Bolzes est plutôt récente: elle remonte à 1968. L'engouement de la population est immédiat et les festivités de la Basse-Ville figureront rapidement dans l'agenda des grands carnavals romands.
En ce début de mois de mars 1971, la fièvre monte en Basse-Ville. Les enfants ont construit et achèvent de peindre un des principaux chars du défilé. Paul Morel est le fondateur du carnaval des Bolzes. Il explique qu'il n'a fait que renouveler une tradition bien ancrée à l'Auge.
Le Rababou est au centre du carnaval. Cette créature serait la personnification de serfs de la région, qui allaient le visage masqué braconner sur les terres de leurs maîtres. Huit jours avant le carnaval, les enfants de l'Auge se transforment eux-mêmes en Rababou. Défiant les règles de la bienséance, ils parcourent leur quartier armés de bas remplis de chiffons et abattent une pluie de coups sur tous les étrangers, et surtout sur les enfants du haut de la ville, qui osent s'aventurer chez eux.
Le grand jour du Carnaval est arrivé. C'est le moment des chars, des confettis et du grand cortège. Ce dernier se conclut sur la place du Petit-Saint-Jean avec le procès et la mise à mort par le feu du Grand Rababou.
La défense d'une culture
Derrière le folklore et le pittoresque, les habitants de la Basse-Ville revendiquent et défendent une culture. Dès la fin des années 60, les bâtiments historiques de ces quartiers de Fribourg suscitent l'appétit des investisseurs. Pour les habitants d'origine modeste, entretenir une maison ou trouver un logement devient problématique. Les promoteurs du tourisme lorgnent aussi vers la Basse-Ville. L'esprit de Bolzes est-il en danger? C'est ce que pensent ces habitants réunis à l'occasion du carnaval, parmi lesquels on trouve le chanteur Gaby Marchand.
Allez Gotteron
La Basse-Ville de Fribourg a son carnaval, elle a aussi son club de hockey, le HC Gotteron, dont le fief est la patinoire des Augustins. En 1967, le HC Gotteron fusionne avec le club de la haute-ville de Fribourg. Les gens du bas ont dû accepter de voir apparaître Fribourg avant Gotteron dans le nom du nouveau club. En 1980, les changements se précipitent : un projet de faire migrer la patinoire dans le quartier de St-Léonard voit le jour, tandis que le HC Fribourg Gotteron est promu en Ligue A, l'équivalent de la National League. Le club de la Basse va devoir évoluer sans perdre son âme. On retrouve dans cette archive le chanteur Gaby Marchand et le chanoine Noël, tous deux fervents supporters de Gotteron.
Hubert Audriaz
Les personnages hauts en couleur ne manquent pas en Basse-Ville. Hubert Audriaz en fait partie. Parcourant son quartier au guidon de son "teuf"(ou vélomoteur) sans casque et sans permis, cet artiste incarne à merveille l'esprit libertaire et original du Bolze. En 2008, Le journal dresse son portrait.
La Basse-Ville: passé et présent
Comme toutes les vieux quartiers historiques, la Basse-ville de Fribourg a connu durant les dernières décennies un phénomène de gentrification. La spéculation immobilière, dénoncée déjà en 1973, a fait son oeuvre. Pourtant, des gens continuent de se mobiliser pour que ces quartiers conservent un caractère populaire. C'est le cas des membres de la coopérative d'habitat de l'Auge, créée en 1981 déjà. En 2017, la RTS rencontre Jean-Marie Pellaux, habitant et concierge et Roland Vonlanthen, le fondateur de la coopérative. Au-delà des générations, les deux hommes partagent un même idéal.
Sophie Meyer pour les archives de la RTS