Jeunesse et vie militaire
Né à Morrens en 1670, Abraham Davel est fils de pasteur. Il étudie à Lausanne puis travaille comme notaire à Cully. En 1692, âgé de 22 ans, il commence une carrière militaire d’abord à l’étranger, puis en Suisse aux côtés des Bernois. Il participe notamment en 1712 à la Seconde bataille de Villmergen, qui renversera l’hégémonie catholique sur le territoire suisse. Nommé major, il bénéficie alors d’une rente à vie, et prend la tête des milices vaudoises de l’arrondissement de Lavaux.
En 1970, la télévision romande se rend à Morrens, lieu de naissance d’Abraham Davel. Que savent les habitants de leur illustre concitoyen ?
La belle inconnue
Dans les interviews entendus plus haut est évoquée l'histoire de la belle inconnue. Quelle est cette histoire? Durant sa jeunesse à Cully, Abraham Davel dit avoir vécu une expérience mystique au cours de laquelle une jeune femme lui aurait révélé que Dieu avait pour lui une mission: libérer le pays de Vaud du joug bernois. Une émission de la série Histoire redonne voix à la belle inconnue. Ecoutons-la.
Vaud est sous l’autorité du canton de Berne depuis la fin du 15e siècle. La région est divisée en plusieurs bailliages, administrés par des représentants de Berne, les fameux baillis, qui prélèvent de lourds impôts sur la population. Vaud possède ses autorités locales, mais celles-ci demeurent sous la sujétion bernoise.
La tentative de révolution
Le 31 mars 1723, le major Davel entre à Lausanne accompagné de 500 militaires, un jour où les baillis bernois sont absents. Davel présente au Conseil des Deux Cents (le législatif municipal) un manifeste qui expose son projet de libérer le Pays de Vaud. Il dénonce les baillis, qui sont à ses yeux aussi vénaux qu’incompétents.
Le Conseil des Deux Cents fait mine de s'intéresser au plan de Davel afin de gagner du temps. Les velléités de révolte du militaire sont transmises à Berne. Les officiers qui l'avaient d'abord soutenu lui tournent le dos. Et finalement Abraham Davel est arrêté.
On le soumet à la torture. Les juges qui l'interrogent, loin de considérer la dimension politique de son action, le décrivent comme un dangereux illuminé. Davel est condamné à mort. Il est décapité à Vidy le 24 avril 1723. De ce chemin de croix, l’écrivain Charles-Ferdinand Ramuz a fait un poème, qu’il lit lui-même en 1942 au micro de la radio romande.
Ceux pour qui il allait mourir l'ont laissé aller sans rien dire
Reconnu, puis vandalisé
Davel aura donc échoué dans sa tentative de révolution et il est condamné comme un traître. Il faudra attendre 1798 pour que Vaud proclame son indépendance, aidé par les armées de Napoléon. Et il faudra attendre les années 1830 pour que le major devienne enfin une figure positive de l'histoire vaudoise.
Signe de ce respect retrouvé, la commande faite par le canton au peintre Charles Gleyre d'un tableau le représentant. L'artiste choisit de fixer l'instant précédant l'exécution, lorsque la major s'adresse à la foule.
Exposé au Palais de Rumine, L'exécution du major Davel sera victime d'un acte de vandalisme en 1980. Un inconnu se laisse enfermer dans le musée et met le feu à la toile durant la nuit. Au matin, Jacques-Edouard Berger, conservateur du Musée cantonal des Beaux-Arts de Rumine, découvre les restes calcinés du tableau.
Vers une réhabilitation officielle ?
La destruction du tableau de Charles Gleyre ne réussira pas à faire tomber Abraham Davel dans l'oubli. Au contraire: à l'approche du tricentenaire de sa mort, l'intérêt pour le personnage historique reste grand. En 2022, l'émission Couleurs locales se rend dans les locaux des archives vaudoises, sur les traces du héros cantonal.
Allons-nous vers une réhabilitation officielle du major Davel ? Dans la perspective du tricentenaire de la mort de celui-ci, le député vert Raphaël Mahaim a déposé une motion en ce sens. Une commission du Grand Conseil a examiné cette requête et l'a rejetée. Pour quel motif? La réhabilitation de Davel pourrait, selon elle, être interprétée par certains comme un encouragement à la désobéissance civile. Dans le climat actuel, la commission ne voudrait pas prendre ce risque. 300 ans après sa mort, le major Davel continue à faire vibrer les Vaudois.
Sophie Meyer pour les archives de la RTS