Les débuts
Claude Torracinta entame sa carrière de journaliste dans la presse écrite. Dès 1960, il travaille pour la Tribune de Genève, où il occupera plusieurs postes. Il sera successivement responsable de la rubrique économique et correspondant à Paris pour le quotidien genevois. Durant cette même période, il commence également à collaborer de façon ponctuelle avec la télévision romande.
Sur le terrain pour la télévision
En 1964, on retrouve Claude Torracinta dans l'émission d'actualités Carrefour-Soir Information. Il est sur le terrain pour suivre à Genève le début des négociations du Kennedy Round, l'accord général sur les droits de douane et le commerce (GATT). Très à l'aise, il tend son micro en direct et en anglais à Christian Herter, délégué américain spécial au commerce. Il s'entretient également avec le ministre français des finances et des affaires économiques Valéry Giscard d'Estaing.
Continents sans Visa
En 1967, Claude Torracinta présente une émission de Continents sans visa portant sur la campagne électorale des élections présidentielles françaises. Le journaliste récite son introduction en marchant dans une rue de Grenoble. Cette mise en scène peut sembler ordinaire aujourd'hui, mais elle est très inhabituelle pour la télévision de l'époque. Le jeune journaliste montre déjà son intérêt pour de nouvelles formes de réalisation télévisuelle.
L'épopée Temps présent
En 1969, Claude Torracinta quitte la presse écrite et rejoint officiellement la Télévision suisse romande. En avril de cette même année, il participe à la création d'un nouveau magazine d'enquête et de reportage : Temps Présent. L'émission deviendra le magazine d'information de référence de la RTS et gagnera de nombreux prix. Elle est toujours à l'antenne aujourd'hui. Si la formule a évolué au fil des années, les fondamentaux des débuts sont toujours valables. Expression d'un journalisme critique et indépendant, ce rendez-vous alterne des sujets politiques, sociaux, économiques, historiques et des faits de société puisés dans l'actualité, au sens large, suisse ou internationale.
Avec ses enquêtes pointues sur des thèmes marquants, son regard critique sur des sujets parfois dérangeants, Temps Présent s'efforce d'éclairer les crises et les conflits de notre époque et n'hésite pas à ouvrir des dossiers délicats.
En Suisse, Temps présent reste une fenêtre ouverte, une émission modèle
En 1970, Claude Torracinta, alors rédacteur en chef de Temps présent, invite sur son plateau Jacques Thibau, l'ex-directeur de la 2e chaîne de l'ORTF. Ce dernier vient de publier Une télévision pour tous les Français, un essai sur la télévision et son avenir. C'est l'occasion d'une discussion sur le futur de la télévision. Notamment à travers l'exemple des Etats-Unis, qui disposent de nombreuses chaînes tv, contrairement à la Suisse romande à cette même époque.
Mais Temps présent, c'est surtout des reportages sur des thématiques jusque là peu racontées à la télévision. En 1974, une émission est consacrée à la prostitution, et donne la parole aux prostituées. Elles évoquent leur métier, les proxénètes et les clients. L'écrivaine, artiste peintre et prostituée suisse Grisélidis Real témoigne avec sincérité, elle parle notamment de sa première fois dans ce milieu.
>> Le site de l'émission : Temps Présent
En direct avec...
Parallèlement à Temps Présent, Claude Torracinta lance en 1969 l'émission En direct avec... Pas de reportages ni d'enquêtes pour cette production, mais un entretien d'une heure avec une personnalité issue d'horizons variés. Au-delà de l'interview personnelle, c'est le portrait d'une époque et de ses enjeux de société. Au mois de juin 1973, Jean Dumur et Claude Torracinta accueillent sur le plateau de l'avocate franco-tunisienne Gisèle Halimi. Cette dernière revient sur le procès de Bobigny qu'elle a transformé en réquisitoire contre la loi française interdisant l'avortement.
Destins
Dès 1971, Claude Torracinta crée une autre émission de grands entretiens avec des personnalités d'envergure : Destins. En 1982, une édition de Destins trace le portrait d'une personnalité de la politique africaine et de la littérature francophone: Léopold Sédar Senghor, poète et ancien président du Sénégal.
Sur le plateau, avec le journaliste Claude Torracinta, Léopold Sédar Senghor fait appel à son érudition pour rétablir l'image de l'Afrique mise à mal par les crises politiques et économiques qui assaillent le continent. Rappelant tout ce que le monde occidental doit à la négritude, il propose également une relecture africaine des apports de l'Occident.
Table Ouverte
Dès le début des années 1980, Claude Torracinta collabore activement à l'émission Table ouverte. Cette émission de débat hebdomadaire se concentre sur une thématique en lien avec l'actualité nationale ou internationale. La discussion peut parfois être animée, selon la portée polémique du thème abordé.
La question du retour du loup en Suisse est le genre de débat qui crée la controverse. En 1995, Table ouverte consacre une émission au retour de ce grand prédateur, qui n'a pas bonne réputation parmi les éleveurs de moutons. Entre partisans et opposants au loup, le débat est lancé.
Le 26 juin 1996, après trente ans de bons et loyaux services,Table ouverte tire sa révérence. Les émissions de débat ne disparaissent pas pour autant de la grille des programmes. En effet, Droit de cité reprendra la flambeau dès septembre 1996.
Pour cette toute dernière édition de Table Ouverte, Claude Torracinta, producteur de l'émission, ouvre le plateau aux jeunes Suisses, avec une émission intitulée "Place aux jeunes !" Une place que la jeunesse aura finalement peu prise durant les 30 ans d'existence de l'émission. Ce sera aussi l'occasion pour la direction de la TSR d'offrir un magnifique bouquet de fleurs au journaliste pour marquer la fin de l'émission.
Le choix du directeur
En 1992, l'émission Temps présent consacre un épisode à un nouveau phénomène télévisuel. De plus en plus de chaînes européennes diffusent des "reality shows". Ces programmes mettent en scène les problèmes quotidiens des gens, en privilégiant l'émotion et le spectacle au détriment de l'information. On reproche à ces émissions de chercher à attirer le maximum d'audience, à moindres frais et au détriment du contenu. À cette époque, Claude Torracinta est directeur de l'information de la TSR. Il donne son point de vue sur cette question, sans ambigüité.
J’espère qu’il n’y aura jamais de reality show à la Télévision suisse romande. Ce que je leur reproche, c’est de confondre information et spectacle.
Au service de la collectivité
En décembre 1998, l'émission Zig Zag Café accueille Claude Torracinta. A cette époque, ce dernier poursuit toujours sa carrière à la Télévision Suisse Romande, mais en tant que journaliste. Il a renoncé au poste de directeur de l'information qu'il occupait jusqu'en 1993 pour se consacrer à son premier métier ainsi qu'à plusieurs autres mandats dans des domaines extérieurs à la télévision. En effet, en 1994 le Conseil d'État genevois l'a nommé président du Conseil d'administration de l'Hospice général de Genève et président de la section suisse de la Licra. Il consacre ainsi une partie de son temps au service de la collectivité.
Dans cet extrait, nous le suivons durant une de ses journées.
La dernière émission
Pour Les grands entretiens de février 2000, le journaliste Claude Torracinta reçoit Anne Bisang, directrice du théâtre de la Comédie de Genève. Ils discutent de la carrière de la comédienne, et notamment de mise en scène. Cette émission marque la dernière apparition du journaliste à l'antenne de la Télévision suisse romande.
Claude Torracinta prend sa retraite en 2006, après une carrière riche et variée. Il est décédé le 29 mai 2024 à l'âge de 89 ans.
Martine Cameroni et Anne-Isabelle Gomez pour Les archives de la RTS
Biographie
Né le 11 novembre 1934 au Havre (France), Claude Torracinta a rejoint Genève à l’âge de 14 ans. Après une licence en sciences commerciales et une licence en sciences politiques à l’Université de Genève, il a commencé une carrière dans l’enseignement puis est devenu journaliste à la Télévision Suisse Romande (TSR) dès 1963. Il a collaboré aussi pour la Tribune de Genève, dont il a notamment été correspondant à Paris.
Fondateur en 1969 du magazine Temps présent, qu’il incarne jusqu’en 1988, Claude Torracinta a produit et présenté plusieurs autres émissions d’information de la TSR, dont il est devenu chef du Département des magazines en 1972, puis directeur de l’Information de 1989 à 1993. Durant son parcours dans l’entreprise qui deviendra ensuite l’actuelle RTS, il a également été journaliste à la Radio Suisse Romande (RSR).