La PDG, ces 3 lettres ouvrent un univers fascinant, celui de la haute montagne et du ski-alpinisme. Tous les deux ans depuis quarante ans, une nouvelle édition de la course de la Patrouille des Glaciers réunit des athlètes et des passionnés de montagne. Ces concurrents se mesurent à leurs limites lors d'une performance hors du commun entre Zermatt et Verbier. Un défi sportif et logistique extrême à découvrir dans nos archives.
Chapitre 1
Une course militaire de légende
En pleine guerre mondiale, en avril 1943, une idée caressée dès 1939 par deux officiers suisses - Roger Bonvin qui allait devenir conseiller fédéral, Rodolphe Tissières, futur fondateur de Téléverbier SA - et par un guide de montagne d'Arolla, Basile Bournissen, se concrétise. Dix-huit patrouilles militaires composées de trois soldats de la Brigade de montagne 10 effectueront ce qu’on appelle déjà la « Haute Route », ralliant d’une seule traite Zermatt à Verbier avec leurs armes mais sans ravitaillement. La Patrouille des Glaciers est née.
Les aléas de l’après-guerre font obstacle à la tenue régulière de cette course militaire. En 1949 pourtant, se déroule la 3e édition de l’épreuve mais elle est marquée par un événement tragique: une patrouille disparaît dans une crevasse du glacier du Mont Miné, sur le trajet entre Zermatt et Arolla. Ce drame entraînera l’interdiction de l'événement jusqu’en 1984.
Relancée par des amoureux de la montagne, la Patrouille des Glaciers reprend alors sur le parcours original de 53 km entre Zermatt et Verbier dans la version "Grande Patrouille" et entre Arolla et Verbier pour la "Petite Patrouille", des défis d’une exigence folle.
A travers les éditions de 1986, 2004 et 2010, voici un résumé des points clés et des moments forts de la PDG.
Chapitre 2
La PDG change
Keystone - Anthony Anex
Si le parcours de cette course de ski-alpinisme de haut niveau est demeuré inchangé depuis 1984, la Patrouille des Glaciers a vécu durant quatre décennies des évolutions, voire quelques révolutions.
La foule au départ
En 1984 à la renaissance de la Patrouille des Glaciers, 187 patrouilles s'alignent au départ : la course est désormais ouverte à la participation civile. Au fil des éditions, le nombre de concurrents explose. Ainsi pas moins de 1'600 patrouilles s'élanceront en 2024. La limite fixée par le commandant Marius Robyr en 2000 a été dépassée depuis bien longtemps.
Femmes bienvenues
Initialement, les femmes sont uniquement autorisées à participer à la "Petite Patrouille" se déroulant entre Arolla et Verbier. Elles deviennent des concurrentes à part entière dès la 2e édition. En 1986, deux patrouilles 100% féminines s'engagent dans la course. Mais les conditions météorologiques extrêmes contraignent le commandement à ordonner l'arrêt de l'épreuve.
Tenue, matériel, la Patrouille des Glaciers s'adapte aux progrès et aux innovations dans le domaine du ski-alpinisme. Matériel plus performant et plus léger, meilleure protection thermique, avancées technologiques dans le domaine de la sécurité, la course se gagne aussi avec le bon équipement!
Une question de look
Les patrouilles militaires représentent l'armée suisse à la PDG et se distinguent donc par le port de leur uniforme. Avec le temps, cet équipement a bénéficié d'améliorations significatives, tant en termes de confort que de design. Pour la plus grande satisfaction des participants militaires.
Une liaison moderne
La sécurité occupe une place centrale dans l'organisation de cette course de haute montagne. En 2006, les moyens de communication se modernisent: les lourdes radios qui équipaient les patrouilleurs sont remplacées par des téléphones portables.
Dopage sur les sommets
La Patrouille des Glaciers célèbre avant tout une aventure humaine forgée par l'amour de la montagne, l'esprit de cordée et le dépassement de soi. Aucune place dans cette énumération pour la question du dopage, une pratique à l'opposé de l'éthique et des valeurs de cette compétition qui se veut authentique.
A la Patrouille des Glaciers, il n'y pas de place pour les tricheurs.
Le commandant de la Patrouille des Glaciers Marius Robyr, certain de l'intégrité des compétiteurs, s'est toujours refusé à instaurer des contrôles antidopage lors de la course. Pourtant en 2007, la décision du chef du Département et de l'Armée tombe : Swiss Olympic pourra décider de procéder à des tests sur les concurrents.
En 2008, premier contrôle, premier cas de dopage à l'EPO : le ciel tombe sur la tête de Marius Robyr et de la communauté du ski-alpinisme. C'est la fin d'un mythe : il apparaît que la soif de performance peut parfois l'emporter sur les valeurs de la PDG.
Chapitre 3
Des organisateurs sans failles
Depuis Adrien Tschumy, commandant de la division de montagne 10, qui se voyait confier la mission de relancer la course en 1984, plusieurs officiers se sont succédé à la tête de la Patrouille des Glaciers. Au commandement et à la direction technique de la compétition, des figures emblématiques ont incarné cette compétition légendaire. On citera notamment le commandant René Martin et le guide Camille Bournissen qui ont largement oeuvré au développement de l'épreuve avec le concours des soldats suisses.
Deux hommes clés auront particulièrement marqué de leur empreinte la Patrouille des Glaciers. Respectivement à la direction de la course et à la tête de la logistique technique de l'épreuve, le commandant Marius Robyr et le guide de montagne Jean-Michel Bournissen auront assumé des fonctions lourdes de responsabilités pendant de nombreuses éditions.
Marius Robyr
Durant 18 ans, de 1990 à 2008, l'organisation de la Patrouille des Glaciers a un visage, celui de Marius Robyr. Le fidèle brigadier de l'armée suisse commande alors l'épreuve. Ce Valaisan infatigable a véritablement insufflé une âme à cette course de légende. Homme d'action, dirigeant avec passion ses subordonnés, le chef souligne le travail collectif qui fait exister la PDG.
J’ai 980 officiers, sous-officiers, soldats qui travaillent bénévolement (…), sans eux la Patrouille ne serait rien, je suis un peu le chef d’orchestre
Alors que Marius Robyr, le patron de la PDG, s'apprête à tirer sa révérence après avoir dirigé dix éditions de main de maître, ses collaborateurs, au micro de Marie-Ange Schoepflin, expriment leur admiration et leur affection envers leur commandant.
Jean-Michel Bournissen
Depuis 2002, Jean-Michel Bournissen, guide de montagne à Arolla et capitaine à l'armée, a pris le relais de son père Camille à la direction technique de la course. Ayant collaboré avec six commandants différents de la PDG, il porte sur ses épaules la sécurité de la course durant 11 éditions. Trait d'union entre deux mondes, celui de la montagne et celui de l'armée, Jean-Michel Bournissen sait aussi bien arrondir les angles que prendre des décisions lourdes de conséquences. Le Journal le suit dans son travail lors de l'édition de la Patrouille des Glaciers 2010.
Chapitre 4
Dangereuse beauté
Courir la Patrouille des Glaciers, c'est pour les concurrents se confronter à leurs propres limites physiques et mentales mais aussi affronter la montagne, sa dangereuse beauté et ses conditions changeantes, si soudainement hostiles. Et pas seulement durant la course, mais aussi lors des innombrables sorties d'entraînement qui précédent le jour J.
Si la Patrouille des Glaciers a été marquée par le drame initial de 1949, les éditions ultérieures n’ont heureusement jamais eu à déplorer de graves accidents, la course étant très sécurisée par l’armée et par des guides. Mais c'est lors d’entraînements sur le parcours de la Patrouille que le drame s’est joué à plusieurs reprises. Un lieu, le plateau de Tête-Blanche, point culminant de la PDG, a été le théâtre d’accidents en 2000 et en 2024 : des randonneurs y ont perdu la vie dans le mauvais temps.
Durant l'édition 2008, la tempête qui fait rage à Tête-Blanche durant la nuit s'est un peu calmée à l'heure où les premiers concurrents arrivent mais ces images donnent une idée des conditions extrêmes qui peuvent prévaloir en haute montagne.
On sait que la montagne dicte toujours ses lois, je n’ai pas vu des petites montagnes, seulement des petits hommes dans ma vie
Chapitre 5
Records sur records
KEYSTONE - Olivier Maire
Au départ des 53 km (et 100 km effort) de la grande course, chaque patrouille porte des ambitions propres. Pour certains concurrents, au-delà de la compétition, c'est le partage solidaire avec des compagnons de cordée qui prime, avec un seul objectif en vue: atteindre l’arrivée, peu importe le temps réalisé.
D'autres participants, au terme de deux ans d'entraînement acharné, visent la performance en se mesurant à des adversaires et au chronomètre. Aussi année après année, des records sont battus, des équipes gagnent à plusieurs reprises, s'érigeant en héros de cette course mythique.
7h59
1984, les trois frères Salamin - Marcelin, Aurel et Armand - triomphent lors de la reprise de la course. Leur temps? Tout juste moins de 8h. Cette victoire marque le couronnement d'une patrouille valaisanne originaire du Val d'Anniviers.
Un quadruple vainqueur
1990, 1996, 1998, 2000, lorsque la course se termine, un même athlète figure dans le trio gagnant: Emanuel Buchs. Le Fribourgeois, membre d'une patrouille des garde-frontières, a le privilège d'être l'unique quadruple champion de la Patrouille des Glaciers encore à ce jour. Alors qu'avec ses camarades, il a établi le nouveau record du parcours en 7h03 lors de l'édition 2000, Emanuel Buchs répond à Raphaëlle Aellig sur la ligne d'arrivée.
5h52
En 2010, une patrouille franchit la ligne d'arrivée en moins de 6 heures ! Florent Troillet, vainqueur pour la 2e fois de la PDG, Martin Anthamatten et Yannick Ecoeur remportent l'édition et créent l'exploit, pulvérisant le record de la compétition de 24 minutes, en 5h52.
Côté femmes, une certaine Marie Troillet, soeur de Florent, termine au premier rang en compagnie de Nathalie Etzensperger et Emilie Gex-Fabry : là encore, record battu, avec le meilleur temps réalisé par une patrouille féminine en 7h41.
Cette édition de la Patrouille des Glaciers inscrit donc une belle page dans les archives familiales des Troillet. La commune de Bagnes accueille et fête dignement ses deux champions.
Mais le dernier mot n'est pas dit : en 2018, une patrouille italienne n'hésite pas à ravir aux Valaisans le meilleur temps de l'épreuve. Robert Antonioli, Matteo Eydallin et Michel Boscacci rallient Verbier en 5h35. Un nouveau temps de référence qui sera difficile à battre!
Chez les femmes, le record de la compétition détenu par Séverine Pont-Combe, Laetitia Roux et Maude Mathys depuis 2014 tombe aussi en 2018 avec les 7h15 de la patrouille franco-suisse composée à nouveau de Laetitia Roux, d'Axelle Mollaret et de Jennifer Fiechter.
Quarante ans après sa reprise en 1984, la Patrouille des Glaciers n'a cessé de renforcer son pouvoir d'attraction, aimantant à chaque édition un nombre croissant d'adeptes de la montagne, du ski-alpinisme et de l'effort. Si cette épreuve devenue mythique s'est forcément adaptée aux évolutions techniques, le plus grand changement réside dans les impressionnantes performances des concurrents.
Alors que les premières patrouilles de 1944 mettaient 13 heures pour parcourir la distance Zermatt - Verbier, le record de l'épreuve est donc descendu en-dessous de 6h00 chez les hommes et il est de 7h15 chez les femmes. Sur la distance Arolla - Verbier, 2h44 représente le meilleur temps des patrouilles masculines, 3h32 celui des concurrentes féminines. Qui fera mieux?
Chapitre 6
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