L'Art de trahir
- Personnalités
- Audio 24 min.
16 octobre 1972
Histoire et littérature
Dans L'Art de trahir, Casamayor, nom de plume de Serge Fuster, magistrat et écrivain français, interroge avec lucidité et humour le système judiciaire français, et au-delà, la relation ambiguë qui relie le citoyen aux institutions de son pays.
Une approche critique et lucide de la Justice qui ne passa pas inaperçue lors de sa parution en 1972.
(Source photo: TSR 1966)
Nom de plume de Serge Fuster, magistrat français né à Alger en 1911, Casamayor est l’auteur de 25 livres et de nombreuses chroniques dans Le Monde et dans la revue Esprit, pour la plupart des essais sur la justice mais aussi sur les relations complexes qui s’établissent entre le citoyen et les institutions, qu’elles soient judiciaires, policières, politiques ou sociales.
De Où sont les coupables ? (1953) à L’Avenir commence hier (1986) en passant par L’Art de trahir (1972) ou La Tolérance (1975), les livres de Casamayor ont marqué ses contemporains, parmi lesquels Albert Béguin ou Henri Guillemin, par sa liberté de ton, la finesse de ses analyses et le courage de ses remises en question. Loin de vouloir détruire une institution à laquelle il appartient et qui le passionne, il désigne plutôt qu’il ne dénonce, il redéfinit plutôt qu’il ne démonte, traçant des pistes d’avenir qui ne seront pas toutes suivies, loin s’en faut.
Ses cibles ? Les archaïsmes de la justice française, ses relations troubles avec le pouvoir et les médias, l’idôlatrie mal placée dont elle se pare pour effrayer le citoyen et le soumettre, ses réflexes de justice de classe dont elle ne parvient pas à se défaire.
Ses armes ? Une série d’essais dans un style à la fois limpide et teinté d’humour, une critique sévère, venue de l’intérieur, des déviances institutionnelles, un certain optimisme teinté de fatalisme quant à l’application des solutions et évolutions qu’il propose.
Son but ? Non pas redonner au citoyen non sa confiance en la justice (« On ne peut pas faire confiance à une institution ») mais l’éclairer sur son fonctionnement, ses travers et ses dangers, partant de l’idée qu’un homme (un justiciable) averti en vaut deux.
Partant de son sujet de prédilection mais l’élargissant logiquement vu les connexions intimes et parfois cachées de la justice avec l’ensemble de la société, Casamayor (pseudonyme évoquant la « grande maison », et donc dans une certaine mesure la Cité) se fera au cours de ses écrits sociologue, philosophe, géopoliticien et même historien (Nuremberg, la guerre en procès, 1985) ou romancier (Désobéissance, 1968).
On retrouve ici une illustration de la pensée multiple de ce « démaquilleur de la justice » – ainsi que le surnomma Le Monde le jour de son décès en 1988 – qui écrivait entre autres : « Il est plus grave de décourager la jeunesse que de forcer le coffre d’une banque. »