Le geste du chef
- Culture et Arts
- Vidéo 14 min.
8 décembre 1963
Personnalités suisses
A Radio-Genève, répétition du Concerto pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle de Manuel De Falla, avec Sylvia Marlowe et un groupe de musiciens de l'OSR.
Ernest Ansermet parle de sa conception du rôle de chef d'orchestre et de la cadence qu'il doit insuffler aux musiciens. On retrouve ici des notions fondamentales de la philosophie du chef face à la musique.
Le journal «Radio-TV Je vois tout» du 5 décembre 1963 présente l'émision:
«II pouvait paraître étrange que la série «Personnalités suisses» n'ait pas encore consacré une émission à Ernest Ansermet. La débordante activité du maître de I'OSR avait retardé jusqu'ici l'heureuse rencontre avec nos caméras. C'est maintenant chose faite. Mais encore ne fallait-il pas répéter à la télévision ce que l'anniversaire de quatre-vingts ans d'une féconde activité avait déjà permis de dire. Une heure de programme au petit écran ne pouvait avoir la prétention de contenir ce que treize entretiens radiophoniques, d'innombrables interviews, articles ou livres n'avaient pu épuiser. II fallait surtout compléter ce que ni le livre, ni la radio ne pouvaient montrer.
C'est pourquoi nous avons tenté de suivre Ernest Ansermet dans la préparation d'un concert avec l'Orchestre de la Suisse romande. A travers cette activité, nous avons voulu lui permettre de dégager quelques grandes lignes de ses préoccupations essentielles. Pour le mélomane ce sera l'occasion d'une approche inédite du maître au- delà – ou plutôt en deçà – du concert ou du disque.
Quant au profane, il se rendra compte que la musique ne se règle pas aussi facilement que le papier du même nom. Enfin tous comprendront pourquoi – selon les propos d'Ernest Ansermet lui-même – . le chef d'orchestre n'est pas là pour présenter le spectacle de sa personne, mais pour communiquer la musique au public ».(J.-J.L.).
Ernest Ansermet est né à Vevey en 1883, dans une famille de musiciens amateurs. Attiré dès son plus jeune âge par la musique, il se tourne pourtant vers des études de mathématique approfondies. En 1903, il reçoit une licence en sciences mathématiques et physique à l'Université de Lausanne. Souhaitant faire un doctorat, il poursuit ses études à la Sorbonne tout en suivant les cours du Conservatoire de Paris. De retour en Suisse, il se décide finalement à entrer dans une carrière musicale. En 1909, il passe une année à Berlin où il assiste aux répétitions de la Philharmonie, dirigées par Nikisch, R. Strauss, Mottl, Muck, entre autres.
En 1910, il commence à diriger des concerts à Lausanne, puis obtient, sur concours, la direction du Kursaal de Montreux. On le voit déjà diriger des oeuvres de Debussy, qu'il rencontre pour la première fois à Paris. S'étant lié d'amitié avec Ramuz, il se lie d'amitié avec Stravinsky: cUn certain jeudi après-midi, comme j'étais déjà féru de musique russe (j'en donnais souvent), j'ai vu arriver dans ma chambre un petit bonhomme qui s'est présenté, c'était Igor Stravinsky.» Du compositeur, il vit la genèse du Sacre du Printemps, de Petrouchka, de l'Histoire du Soldat.
En même temps que Genève offre à Ansermet la direction des concerts d'abonnement, Diaghilev lui propose la direction de l'Orchestre des Ballets Russes. Le chef se partage alors entre Genève, les tournés de ballets et l'Argentine où il a créé un orchestre national. Sa réputation internationale est faite. Son amitié avec Stravinsky le conduira à créer l'Histoire du Soldat, le Chant du Rossignol, Pulcinella, les Noces, Renard, le Capriccio pour piano, la Messe, durant la même période il dirige les premières auditions du Tricorne de De Falla, de Chout De Prokofiev, de Parade de Satie.
En 1918, il crée l'Orchestre Romand dans le but de créer une tradition symphonique en Suisse romande. En 1932, il fait signer une convention avec Radio-Genève pour assurer la diffusion de tous les concerts de l'Orchestre Romand. Mais 3 ans plus tard, la SSR décide de transférer cet orchestre à Lausanne. Un partie des musiciens reste pourtant à Genève, fidèle au «patron». Après quelques années d'incertitudes l'Orchestre de la Suisse romande trouve sa stabilité. En 1938, Radio-Genève construit un nouveau studio, doté d'une grande salle de concert dans laquelle Ansermet dirigea plus de 450 concerts,(aujourd'hui «Studio Ernest Ansermet»). L'OSR prend son siège définitif à Genève. Ansermet restera à sa tête jusqu'en 1967: à 84 ans, il décide de prendre une demi-retraite et cède a place à Paul Klecki. Il dirigera pourtant encore l'OSR jusqu'au 30 décembre 1968, emmenant son orchestre aux Etats-Unis et au Japon. Il s'éteint le 20 février 1969.
Durant sa vie de chef, Ansermet aura fait connaître la Suisse romande à travers le monde entier, notamment grâce au disque. Il a créé un nombre considérable d'oeuvres majeures du 20e siècle: Stravinsky, Britten, Debussy, Copland, Hindemith, Lutoslawski, Kodaly, Martin, Honegger, Beck ou Bloch.
Ecrits :
Le geste du chef d'orchestre (Lausanne, 1943)
Débat sur l'art contemporain (Neuchâtel, 1948)
Les fondements de la musique dans la conscience humaine (Neuchâtel, 1961)
Entretiens sur la musique (av. J-C. Piguet) (Neuchâtel, 1963)