Enfance volée
- Enjeux de société
- Vidéo 30 min.
5 octobre 1984
Tell Quel
Le 3 juin 1986 le conseiller fédéral Alfons Egli présente ses excuses officielles pour les injustices commises contre la communauté des gens du voyage en Suisse. De 1926 à 1973, en effet, l'organisation Pro Juventute avait retiré entre 500 et 600 enfants à leurs familles, au prétexte de les sortir de la misère et leur éviter l'influence néfaste de leur milieu familial. A son tour, Pro Juventute présentera ses excuses le 6 mai 1987.
Deux ans plus tôt, la TSR avait alerté l'opinion publique dans l'émission Tell Quel Gens du voyage: les enfants arrachés du journaliste Francis Luisier et du réalisateur Jean-Pierre Moutier. Leur reportage dénonçait l'opération Kinder der Landstrasse de Pro Juventute.
Les autorités et la société de l'époque considéraient le mode de vie des Gitans et gens du voyage comme inadapté à la société moderne. Des enfants de mères célibataires ou de milieux sociaux désavantagés connurent le même sort. Les enfants les plus jeunes, certains enlevés à la naissance, furent adoptés et les plus âgés placés dans des fermes pour travailler ou dans des institutions. Beaucoup de tentatives de réunir ces familles déchirées restèrent sans résultat, ces enfances et vies brisées demeurent sans réparation.
Entre 1800 et 1980, ils sont sans doute une centaine de milliers d'enfants à avoir été placés de force dans des familles d'accueil ou dans des institutions en Suisse. L'expression d'"Enfance volée" caractérise le traitement infligé à ces enfants, orphelins ou issus d'une famille jugée indigne de les élever pour différentes raisons, pauvreté, divorce, naissance illégitime ou "abandon moral" de la part de parents ne vivant pas selon les règles de la société de l'époque.
Ces enfants ont souffert de terribles conditions de vie: souvent considérés comme de la main-d'oeuvre bon marché dans les familles qui les accueillaient, ils ont été victimes de violences physiques et morales et ont souffert de graves abus. Surtout, leur sort est resté caché. Ce n'est que dans les années 90 que des témoignages de certains d'entre eux ont dévoilé ce pan sombre de l'histoire suisse.
En 2003, un crédit a été voté par le Parlement pour initier une recherche approfondie sur ce thème. En 2013, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a présenté les excuses de la Confédération aux victimes et à leurs familles.