Entre sa chronique sur France Inter et sa rubrique dans Quotidien sur TMC, le Vaudois Yann Marguet a trouvé sa place dans la capitale française. Signe de son succès, son spectacle au théâtre Le Lucernaire (Paris VIe) affiche complet. Et le public en redemande: "C'est la quatrième fois que je viens", témoigne une spectatrice parisienne assidue, "il y a toute une bande d'humoristes suisses qui sont juste géniaux".
Et pour séduire un public qui dispose d'une offre pléthorique de spectacles d'humour, il a fallu s'adapter un peu, mais surtout savoir prendre sa place. "Il y a tout un narratif quand tu arrives à Paris, qui pose que le public est difficile. Mais j'ai l'impression que c'est plus comme le tennis, où en fait tu as le même potentiel à la base. Mais comme on t'a dit que c'était Nadal en face, du coup tu vas jouer petit bras. Mais dès que j'ai senti que c'était la même chose, j'ai commencé à lâcher mon coup droit", raconte Yann Marguet.
Mais comment expliquer cet engouement pour les humoristes romands? Vincent Sager, directeur d'Opus One, qui produit le spectacle de Yann Marguet, se réjouit d'un enthousiasme qu'il a pourtant du mal expliquer: "Sinon par l'effet d'entraînement positif qui fait que, l'humour, le stand up, c'est une corporation d'individus qui se connaissent, qui s'apprécient, qui se retrouvent sur des plateaux, qui jouent ensemble, qui se poussent mutuellement sur les réseaux, dans des émissions. C'est un momentum assez intéressant".
Paris, à tout prix?
Sur la petite scène du Caustic Comedy Club à Carouge (GE), les humoristes suisses et français enchaînent les vannes et rodent leur spectacle loin de la pression parisienne. "Paris est un territoire qui semble très sauvage comparé à ici", souligne Emilie Chapelle, qui co-dirige la salle genevoise. "C''est beaucoup plus compliqué qu'ici, même s'il y a beaucoup plus de possibilités de jeu. Ça semble être une route obligatoire mais en réalité, nous, on pense que ça ne l’est pas forcément."
L'humoriste genevoise Cinzia Cattaneo le confirme: la capitale française peut être à double tranchant. "Tu peux beaucoup plus jouer, donc tu as plus d'opportunités de t'améliorer, et potentiellement de rencontrer des gens qui peuvent te faire grimper. Mais en réalité, il y a plein d'humoristes qui restent en Suisse parce que c'est plus détendu et que tu peux vite vivre de ça si tu travailles bien", explique-t-elle. D'ailleurs, certains humoristes réussissent en Suisse romande sans passer par Paris. C’est le cas des deux Vincent, Veillon et Kucholl.
La rançon du succès
D'autant que la Ville Lumière a ses revers. "On joue au Lucernaire et je me rappelle avoir entendu la phrase 'Ok, super, si on fait complet sur les 30 dates, on perd moins de 5 000 euros'. Moi Je pensais que c'était quand même un peu plus lucratif, mais c'est un investissement sur le futur", raconte Yann Marguet.
Paris, c'est la plus grande vitrine culturelle de la francophonie
Vincent Sager abonde: "Ça veut dire que vous investissez sur une salle qui sera plus grande la prochaine fois, ou une tournée qui va se faire dans des salles plus importantes, où vous pourrez compenser ce qui a été perdu dans l'exploitation parisienne. Paris, c'est la plus grande vitrine culturelle de la francophonie. On pourrait presque dire que jouer à Paris, ça équivaut à se payer une campagne d'affichage".
"C'est un marathon où il ne faut pas regarder derrière", conclut Yann Marguet, "mais je peux difficilement me plaindre du chemin emprunté".
Reportage radio: Tristan Miquel
Adaptation web: Cédric Guigon