Modifié

Obtenir son certificat de maturité lorsqu'on est dyslexique, un parcours du combattant

Le parcours du combattant des étudiants dyslexiques
Le parcours du combattant des étudiants dyslexiques / La Matinale / 5 min. / le 14 mars 2024
Obtenir son certificat de maturité peut s'avérer très compliqué pour les étudiants dyslexiques. Ceux-ci s'appuient souvent sur des tablettes ou des ordinateurs, mais les recommandations fédérales n'autorisent pas ces outils lors des examens finaux. Une motion vient d'être déposée au Parlement pour changer cette pratique. 

Mathilde a 16 ans. Comme environ 10% de la population, cette Valaisanne est dyslexique. Cela signifie qu'elle mélange les lettres, ce qui représente un réel handicap pour la lecture. Mais elle est également dysgraphique et dysorthographique, ce qui rend également l'écriture très compliquée.

Depuis quatre ans et demi, elle utilise un ordinateur pour l'aider à l'école: "Il me lit le texte, à voix haute, dans mes écouteurs. Il y a aussi un dictionnaire intégré", explique-t-elle jeudi dans La Matinale. "Sans lui, je ne pourrais pas suivre la moitié des cours."

Durant sa scolarité obligatoire, tout se passe bien, mais lorsqu'elle entre dans un collège à Sion l'an dernier, les choses se compliquent: "J'ai demandé à ce que je puisse utiliser mon ordinateur. On m'a répondu que je pouvais le faire durant les cours et les évaluations ordinaires, mais que je n'y aurai peut-être pas droit pour les examens finaux. Ce n'était pas clair du tout."

Face à cette incertitude, Mathilde décide d'arrêter le collège. Elle est actuellement en échange linguistique aux Etats-Unis, le temps que ses parents trouvent une solution avec les écoles pour un aménagement particulier l'année prochaine.

"C'était comme si la dyslexie n'existait pas"

L'adolescente ressort marquée de cette expérience. Elle dit s'être sentie incomprise: "On m'a traitée comme si je n'avais rien et comme si j'étais juste un peu bête et que je ne savais pas lire."

Elle relève également le caractère aléatoire de l'encadrement: "Certains professeurs étaient réceptifs, d'autres ne l'étaient pas. Ils disaient que c'était trop compliqué et que c'était de la triche par rapport aux autres élèves et que ça m'apportait des avantages. C'était comme si la dyslexie n'existait pas."

Craintes d'inégalités entre les élèves

Contacté, l'établissement en question renvoie au responsable du secondaire 2 pour le canton du Valais, Yves Fournier. Celui-ci ne se prononce pas sur ce cas de figure précis. Mais, plus généralement, il admet que l'encadrement des élèves qui ont besoin de mesures particulières n'est pas toujours simple: "C'est un véritable défi. Les choses sont compliquées sur le terrain. Au quotidien, il faut beaucoup de patience et de technique pour que cela fonctionne", indique-t-il.

Il ajoute: "Le canton du Valais est conscient de ces difficultés puisqu'il vient d'engager une personne qui est à la fois enseignante spécialisée et professeure du secondaire 2 et qui tente de gérer l'ensemble du canton".

Le responsable relève par ailleurs un risque d'inégalité lié à l'utilisation d'ordinateurs dans les salles de classe: "Il s'agit pour ces élèves de bénéficier d'outils qui leur permettent de compenser leurs désavantages. Mais il ne faut pas que ces outils-là donnent davantage de possibilités qu'un élève considéré comme standard..

La crainte d'une certaine inégalité se retrouve également au niveau fédéral. Dans ses recommandations concernant les examens finaux, la Commission suisse de maturité (CMS) autorise d'accorder du temps supplémentaire pour les étudiants dyslexiques, mais ne mentionne pas les ordinateurs. Elle précise même que "les logiciels de correction ne sont pas autorisés".

Une volonté d'assouplir les règles

Cette question a pris une tournure politique. Une motion a été déposée récemment au Parlement par le conseiller national Sydney Kamerzin (Centre/VS). Le texte veut permettre aux étudiants avec des troubles d'apprentissage d'utiliser des supports techniques lors de leurs études, y compris durant les examens finaux.

Alexandre Moulin est directeur de l'école Ardévaz, un établissement privé à Sion. Il soutient la motion: "On se vante en Suisse, à juste titre, d'avoir une école performante. Ces applications et autres moyens de soutien sont appliqués dans d'autres pays depuis des décennies. On demande donc à la Commission suisse de maturité de pouvoir utiliser ce qui existe. Car les règles qui sont édictées par la CMS, qui concernent toutes les écoles et tous les cantons, datent du siècle passé."

La motion sera discutée dans quelques mois, lors d'une session parlementaire.

Mathieu Henderson

Publié Modifié

Le financement des moyens auxiliaires pour les élèves en question

L'assurance invalidité (AI) ne financera plus les tablettes, ordinateurs portables ou logiciels utilisés en classe par les élèves présentant des troubles de l'apprentissage. C'est désormais aux cantons d'assumer les coûts de ces moyens auxiliaires.

Les offices AI cantonaux ont reçu fin janvier une lettre signée par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) les informant de ce changement qui touche notamment les enfants dyslexiques, dysorthographiques ou dyspraxiques.

>> Lire:  : L'AI ne doit plus financer les moyens auxiliaires mis à disposition des élèves