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Témoignage: vivre avec un parent dépendant à l'alcool

En Suisse, près de 100'000 enfants vivent avec un parent ayant une consommation problématique d’alcool ou d’une autre substance
En Suisse, près de 100'000 enfants vivent avec un parent ayant une consommation problématique d’alcool ou d’une autre substance / 19h30 / 2 min. / le 15 mars 2024
En Suisse, près de 100'000 enfants vivent avec un parent qui a une consommation problématique d’alcool ou d’une autre substance. Des enfants pour qui briser la spirale du silence et demander de l'aide est souvent difficile. Témoignage.

Leyla danse depuis toute petite. Sa passion qu'elle considère comme une bouée de sauvetage lui a permis de fuir une réalité difficile, elle qui a grandi avec une mère dépendante à l’alcool pendant près de 14 ans.

Aujourd’hui, sa maman guérie, elle revient sur son expérience. "Elle venait me réveiller au milieu de la nuit, parce qu’elle était ivre et qu’elle voulait me parler. J’avais peur car je ne comprenais pas pourquoi l’état de ma mère changeait brusquement: un jour elle était adorable, le lendemain plus du tout. Tout était influencé par sa consommation", confie la jeune femme aujourd’hui âgée de 27 ans.  

Des années où elle s'est sentie emmurée dans le silence. "En tant qu’enfant, personne ne nous explique rien. Je n’osais pas en parler car j’avais peur qu’elle parte. Je ressentais de la culpabilité, un sentiment de trahison: si j’en parlais autour de moi, son comportement allait être mis en lumière et je n’avais pas du tout envie de lui faire ça. C’était un secret, il fallait que je la cache", détaille-t-elle. 

Aujourd’hui, Leyla décide de parler pour briser le silence. "On se sent très seul: on pense que l’on est le seul humain à qui ça arrive. C’est un grand tabou dans notre société car la consommation d’alcool est banalisée et légale. Ce qui manque, c’est une conscience collective du problème. Il faut reconnaître que l’alcoolisme est une maladie qui existe et qui s’est infiltrée dans toutes les couches de notre société. Il ne faut plus avoir honte d’en parler", poursuit-elle.  

Rôle de l'entourage

Leyla n’est pas la seule à avoir vécu cette expérience. Selon Addiction Suisse, près de 100’000 enfants vivent avec un parent qui a une consommation problématique d’alcool ou d’une autre substance. Selon plusieurs études, ces enfants ont six fois plus de risques de développer des problèmes de dépendance à l’âge adulte. Ils sont aussi plus susceptibles de développer des troubles psychiques tels que l'anxiété ou la dépression.

Pour sensibiliser le grand public à cette thématique, Addiction Suisse a lancé cette semaine une campagne de prévention. "Les enfants qui grandissent dans une famille touchée par une addiction aiment leurs parents et veulent les protéger. Ces derniers, quant à eux, veulent être de bons parents et cachent leurs problèmes par peur et par honte", explique Sarah Vilpert, cheffe de projet prévention chez Addiction Suisse. "Les enfants portent le fardeau du secret de ces situations familiales difficiles tout au long de leur enfance et leur souffrance est rarement identifiée", analyse-t-elle.

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Face à cette situation, l'entourage joue un rôle primordial. "Il ne faut absolument pas fermer les yeux. En tant qu'adultes, nous sommes des personnes ressources. Si un enfant vient vers vous pour se confier, il faut l'écouter et essayer de rentrer en contact avec un membre de sa famille, ou d'autres individus qui évoluent autour de lui comme le corps enseignant. Ensuite il faut contacter les structures d'aides déjà existantes pour recevoir l'aide professionnelle adaptée" souligne Sarah Vilpert.

Chemin vers la guérison

C'est grâce à une copine durant l'adolescence que Leyla a pu s'en sortir. Alertée par le comportement de sa mère, son amie prévient le corps enseignant. "Au début, ça a été très dur. J'ai eu honte et j'avais l'impression que tout s'écroulait autour de moi. Maintenant, je me rends compte que c'était un cadeau de la vie", confie Leyla.

Briser le silence a permis à Leyla et à sa mère de trouver le chemin vers la guérison. "On a pu la diriger vers l'aide dont elle avait besoin: je pense que sans ça, elle n'aurait pas survécu. De mon côté, j'ai aussi pu trouver les ressources nécessaires pour traverser cette épreuve", conclut-elle.

Sarah Jelassi

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