Le rapport confirme pour l'essentiel les informations révélées par la presse sur le libéral-radical, 36 ans, qui a démissionné en août 2010.
Après avoir entendu 36 personnes, dont le principal intéressé, la Commission d'enquête parlementaire (CEP) passe en revue de manière très critique le comportement de Frédéric Hainard au gouvernement sur plus de 6000 pages, pour un coût de quelque 200'000 francs. Elle souligne sa "maladresse" ainsi que ses interventions "inopportunes" et "déplacées" sur le terrain.
"Son attitude ne correspondait pas à ce que les Neuchâtelois attendent d'un conseiller d'Etat élu", a relevé le député libéral-radical Philippe Bauer, également membre de la CEP. Les faits ont par ailleurs montré que le ministre a outrepassé ses compétences en faisant pression pour engager sa maîtresse au sein de son département.
"A la limite de la légalité"
Au niveau du fonctionnement du Service de surveillance et des relations de travail (SSRT), au coeur de ce qui est devenue l'affaire Hainard, la CEP remarque qu'il a "sans doute posé un juste diagnostic", mais "il n'a pas choisi les bons remèdes". Le rapport fort de 102 pages dont 27 annexes note que "s'il a identifié les problèmes, il ne les a pas résolus, mais en a plutôt ajouté de nouveaux".
"Frédéric Hainard et son amie ont totalement dérapé", a même déclaré Michel Bise en référence à cette affaire impliquant une femme soupçonnée d'abuser de l'aide sociale. C'est d'ailleurs dans le dossier SSRT que le comportement du ministre, qui a utilisé des méthodes à la "limite de la légalité", est le plus "critiquable".
Un chapitre entier est consacré au mode de fonctionnement du libéral-radical. Le rapport souligne ainsi la personnalité "complexe et imprévisible" du libéral-radical, évoque son hyperactivité, présentée notamment dans un "Temps Présent" de la Télévision suisse romande, et se demande si faute d'avoir été "traitée", elle n'a pas conduit à des écarts de conduite.
Gouvernement et PLR critiqués
S'agissant de l'attitude du Conseil d'Etat, la CEP affirme ne pas avoir constaté de graves dysfonctionnements. Elle déplore toutefois l'"individualisme et la rivalité permanente" qui ont prévalu au sein du gouvernement, notamment en matière de communication. Les membres de la CEP sont également étonnés qu'aucun signal d'alarme ne se soit allumé au sein de l'administration ou du Conseil d'Etat face à l'attitude de l'ancien ministre.
Mais le rapport épingle également le Parti libéral-radical (PLR) et son choix de présenter Frédéric Hainard au Conseil d'Etat. La CEP estime ainsi que le PLR porte une part de responsabilité. "Avec le recul, son arrivée au Conseil d'Etat ne pouvait que déboucher sur un échec. Partout ou il a travaillé, il a causé problèmes parce qu'il a été l'auteur de dérapages", a déclaré Veronika Pantillon, la présidente écologiste de la CEP.
Elle a par ailleurs déploré l'attitude de Frédéric Hainard vis-à-vis de la commission: "il ne nous a pas simplifié la tâche en ne cessant de critiquer et en multipliant les accusations infondées". Tout au long de l'enquête, l'ancien ministre n'a cessé de minimiser la gravité de ses actes. Il a finalement reconnu du bout des lèvres avoir commis quelques fautes. Son comportement a porté le discrédit sur les institutions du canton, plus particulièrement sur le Conseil d'Etat. Il a donné à l'extérieur une image "pitoyable", regrette la CEP.
Reste le volet pénal
Pour la CEP, il est grand temps de tourner la page de "l'affaire Hainard": c'est le seul moyen pour restaurer la sérénité. Dans son rapport, elle émet plusieurs propositions, dont celle d'instituer une commission de gestion pour examiner le travail des autorités.
Le rapport sera débattu au Grand Conseil neuchâtelois le 25 mai prochain. "A partir de là, le volet politique de l'affaire sera clos", a souligné Veronika Pantillon. Reste le volet pénal, puisque l'immunité de l'ancien conseiller d'Etat a été levée.
ap/ats/cmen
Plusieurs procédures pénales en cours
Si la publication du rapport de la CEP annonce la fin prochaine du volet politique de l'affaire Hainard, son côté judiciaire n'en est qu'au début.
Le procureur Renaud Weber a entamé l'instruction d'un dossier multiple au début février. Il espère avoir terminé avant l'automne.
L'ex-ministre fait notamment l'objet d'une plainte pour contrainte, abus d'autorité et faux dans les certificats, déposée par une femme soupçonnée d'abus de l'aide sociale.
Frédéric Hainard fait l'objet d'autres investigations. L'été dernier, la ministre de la justice de l'époque, Eveline WidmerSchlumpf a exigé l'ouverture d'une enquête sur d'éventuelles irrégularités commises au Ministère public de la Confédération alors que le Neuchâtelois y exerçait la fonction de procureur adjoint.
Un juge extraordinaire a été désigné par le Conseil fédéral. Deux mois plus tard, on apprenait que des actes d'enquête menés en Argentine par Frédéric Hainard et son amie ont dû être annulés pour vice de forme.
Rappel des faits
- 29 avril 2010: le quotidien "Le Matin" dénonce les méthodes de shérif de Frédéric Hainard contre des personnes soupçonnées d'abus de l'aide sociale. Le conseiller d'Etat se livre à des interrogatoires rocambolesques en compagnie d'une mystérieuse "amie de quinze ans", selon le quotidien.
- 25 mai 2010: le Grand Conseil nomme une commission d'enquête parlementaire (CEP).
- 26 mai 2010: le Grand Conseil retire à Frédéric Hainard la responsabilité du Service de surveillance et des relations au travail (SSRT), qui figure au coeur des reproches.
- 28 mai 2010: après des semaines de déni, Frédéric Hainard admet que son "amie de quinze ans" est en réalité sa maîtresse. Mais il continue de démentir tout favoritisme dans la promotion éclair de celle-ci au rang d'inspectrice du SSRT.
- 19 août 2010: l'amie du ministre est suspendue de ses fonctions au SSRT par le Conseil d'Etat.
- 21 août 2010: Frédéric Hainard annonce sa démission du gouvernement. Le Conseil d'Etat est informé de sa décision par les médias.
- 6 octobre 2010: le Conseil d'Etat annonce l'ouverture d'une procédure de renvoi définitif à l'égard de l'amie de Frédéric Hainard.
- 25 janvier 2011: le parlement neuchâtelois lève l'immunité de l'ancien ministre. Cette décision ouvre la voie à une enquête pénale du Ministère public.
- 9 mars 2011: l'Etat fait le ménage dans le Service de surveillance et relation au travail (SSRT). Comme déjà décidé, le mandat de l'amie de Frédéric Hainard arrive à terme le 30 avril et ne sera pas renouvelé.