Répondant l'appel des "jeunes de la révolution syrienne" pour participer au "vendredi de la colère", des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi contre le régime syrien. Dénonçant un "génocide", les Frères musulmans avaient eux aussi appelé à participer à la protestation, pour la première fois.
Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule, faisant 62 morts (dont 33 à Deraa), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. A Damas, où 2000 personnes ont manifesté, des policiers auraient tiré des gaz lacrymogènes et des munitions réelles pour disperser la foule. On ignore s'il y a eu des victimes. Des policiers en civils ont aussi tiré sur les manifestants à Lattaquié (nord-ouest). A Deir Ez-Zor, à 460 km de Damas, des manifestants auraient été réprimées "à coups de bâtons et de câbles électriques".
Des manifestations se sont aussi tenues à Homs (centre), à Banias (nord-ouest), à Saqba, près de la capitale, et dans les régions à majorité kurde, selon des militants.
Interdit bravé
Les autorités syriennes avaient mis en garde la population contre toute manifestation, prévenant qu'elles appliqueraient "les lois en vigueur" le cas échéant.
"Dans les circonstances actuelles, le ministère de l'Intérieur appelle les frères citoyens à contribuer de manière efficace à la stabilité et à la sécurité (...) en s'abstenant de mener des manifestations ou des sit-in sous n'importe quel slogan, sans avoir obtenu d'autorisation officielle", selon un communiqué diffusé par l'agence officielle Sana.
L'armée tire sur la foule à Deraa
A Deraa, point de départ de la contestation il y a deux mois, au moins seize personnes ont été tuées vendredi et des dizaines d'autres blessées par des tirs des forces de sécurité syriennes, ont indiqué des militants des droits humains.
Les forces de sécurité auraient ouvert le feu sur "des milliers de personnes" venues des villages voisins de Deraa "pour apporter de l'aide et de la nourriture" aux habitants. Car la ville, assiégée depuis lundi par l'armée, est comme paralysée. L'électricité et l'eau ont été coupées. Et les habitants sont terrés chez eux de peur d'être la cible de tireurs embusqués sur les toits, a expliqué un habitant à l'afp.
L'armée poursuit les résidus de groupes terroristes extrémistes armés, a expliqué un porte-parole militaire. "Nous sommes des gens pacifiste, à aucun moment nous n'avons porté les armes ni contre l'armée ni contre les services de sécurité", a répondu A.Abazid.
Quatre soldats syriens ont été tués et deux autres enlevés vendredi lors d'une attaque contre un poste militaire par un "groupe terroriste armé", selon un porte-parole militaire. Trois policiers, dont un officier, auraient aussi été tués par balles dans la ville de Homs.
Le Conseil des droits de l'homme veut une enquête
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH) a voté vendredi à Genève une résolution américaine condamnant la sanglante répression des manifestations pro-démocratie en Syrie. Le texte demande aussi l'envoi urgent d'une mission en Syrie pour enquêter sur les violations des droits humains.
A cette réunion, Berne a invité les autorités syriennes à mettre un terme à l'usage disproportionné de la force. L'ambassadeur suisse auprès de l'ONU a demandé la mise en place d'une enquête indépendante et impartiale. Et a appelé à libérer les prisonniers détenus arbitrairement.
Sanctions américaines
Barack Obama a imposé vendredi des sanctions contre plusieurs responsables du régime syrien, dont le frère cadet du président Bachar al-Assad, en raison de violations des droits des humains. Ces sanctions gèlent les biens des personnes ou entités visées, et interdisent toute transaction entre ces personnes et des Américains.
Les 27 membres de l'UE, en discussion depuis vendredi, ont eux l'intention de décréter un embargo sur les armes et de préparer d'autres sanctions contre le régime syrien en réponse à la répression sanglante des manifestations dans le pays, a-t-on appris vendredi de sources diplomatiques à Bruxelles.
La Turquie, acteur régional influent, a décidé de son côté l'envoi d'un émissaire pour inciter le régime à mettre en oeuvre des réformes, tandis que le chef de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu, appelait à la retenue.
Le 19 avril, Bachar al-Assad a promulgué un décret stipulant la levée de l'état d'urgence, une des principales revendications des contestataires. Mais les manifestants réclament son départ, alors que le pays est dirigé d'une main de fer par un parti unique, le Baas, depuis 1963.
agences/bri
Plus de 500 victimes
Depuis le début de la contestation, plus de 500 personnes ont été tuées dans tout le pays, selon le "Comité des martyrs du 15 mars", proche des opposants.
Mais le porte-parole militaire a démenti ce chiffre, affirmant que seulement 148 personnes avaient été tuées, 78 militaires et policiers et 70 civils.
Des centaines de Syriens, pour la plupart des femmes et des enfants, ont par ailleurs commencé à fuir au Liban voisin, selon un correspondant de l'AFP.
En outre, environ 250 villageois syriens tentant d'entrer en Turquie vendredi ont été stoppés à la frontière par les forces de sécurité turques, selon l'agence de presse Anatolie.