Berne et Jura: disputes et divisions
Souvent organisée avec la collaboration des autorités civiles, la "Dispute" théologique est le moyen que les protestants mettent en place pour faire basculer un canton dans le camp de la Réforme. Mais les débats sont souvent faussés et visent avant tout à donner une légitimité à une décision déjà prise. C’est le cas de Berne en 1528. La Dispute, qui accueille une majorité écrasante de représentants de la Réforme, sera immédiatement suivie de l’interdiction de la messe. Quant au territoire qui englobe les actuels Jura et Jura bernois, il dépend du prince évêque de Bâle. Le nord restera catholique alors que le sud, proche de la Confédération passera à la Réforme. Une frontière territoriale et confessionnelle qui perdure jusqu’à nos jours.
Le sommaire de l’émission
- Émission entièreCulte en direct de la Cathédrale Saint-Pierre, avec Vincent Schmid, pasteur, pour la prédication et Samantha Gaya Reichenbach pour la liturgie.
Avec la participation musicale de François Delor à l'orgue.
Présentation : Tristan Miquel
Lectures bibliques : Marc, chapitre 2 , versets 21 à 22
Romains, chapitre 11 , versets 16 à 20
Entre tradition et modernité
" Je ne cherche pas les maîtres du passé, je cherche ce quʹils ont eux-mêmes cherché " a dit un maître indien.
Telle est la situation de la conscience chrétienne dans le monde, héritière dʹune histoire longue et ayant vocation à trouver des réponses spirituelles pour aujourdʹhui. Avec ou contre la tradition, faut-il choisir? - Fribourg: une résistance solitaireAlors que le mouvement de la Réforme se répand comme une traînée de poudre en Suisse, le canton de Fribourg choisit de rester fidèle à l’ancienne foi. Son lien diplomatique fort avec la France, de même que sa participation importante à la garde pontificale créée par le pape Jules II en 1506 explique en partie ce choix. Rapidement le canton va se retrouver isolé au milieu de ses voisins protestants.
- Bâle: entre tolérance humaniste et fureur iconoclasteLa ville de Bâle est connue au XVIe siècle pour son rayonnement intellectuel lié à son université. Savants et philosophes s’y pressent pour faire imprimer leurs ouvrages ou pour rencontrer le célèbre humaniste Erasme de Rotterdam. Après Zurich et Berne, la cité rhénane va passer à la Réforme en 1529. Cette importance de l’humanisme teintera le mouvement réformateur d’une plus grande tolérance même si, le 5 février de 1529, la population descend dans la rue et saccage toutes les statues de la ville.
- Les iconoclastes: les casseurs de la RéformeLa colère populaire contre les abus du clergé va prendre des formes violentes en Suisse et en Europe, avec notamment, la destruction systématique des statues, des autels et des portraits des saints. L’iconoclasme sera encouragé par certains Réformateurs qui voient dans le culte des images une manifestation de l’idolâtrie de l’ancienne foi. Ce sera aussi pour eux une manière de brûler définitivement les ponts avec le passé.
- Mercenaires: l’argument massue de Zwingli pour propager la RéformeAvant la Réforme, un Suisse sur dix gagne sa vie comme mercenaire. Ulrich Zwingli, qui a assisté au carnage de la bataille de Marignan au cours de laquelle 10'000 de ses compatriotes sont massacrés, fait du renoncement au mercenariat un argument pour propager la Réforme. Zurich et Berne, qui peuvent compter sur d’autres revenus financiers, vont suivre le Réformateur. Moins riches, les cantons de Suisse centrale mais aussi Lucerne et Fribourg vont, eux, rester catholiques et continuer à envoyer des contingents en France et pour la garde pontificale.
- Neuchâtel: les excès de Guillaume Farel et un vote très serréSitôt passé à la Réforme, Berne va envoyer des émissaires pour propager la nouvelle foi, notamment à Neuchâtel. Le bouillonnant Guillaume Farel va multiplier les provocations, allant jusqu’à écraser des hosties durant une messe ou pousser la population à détruire toutes les statues de la Collégiale. Alerté par les autorités neuchâteloises, Berne s’inquiète de ces troubles à l’ordre public. Alors que le grand canton n’organise de vote que lorsqu’il est sûr de l’emporter, Berne convoque en toute urgence une réunion des bourgeois de Neuchâtel. Le 23 octobre 1530, la ville se rallie à la Réforme, à 18 voix près.
- Vaud: une Réforme peu populaireLorsque les Bernois conquièrent le pays de Vaud en 1536, ils imaginent que la nouvelle foi va s’imposer facilement. Mais devant la réticence de la population, ils convoquent une "Dispute". Les clercs catholiques refusent d’y participer, estimant que seul un concile universel peut légiférer en matière de foi. Au terme des débats, un édit impose la Réforme aux Vaudois. A 25 ans, le romand Pierre Viret est nommé pasteur de Lausanne. Un poste qui ne sera pas de tout repos, tant la résistance des jeunes lausannois à son austérité morale sera vive.
- Genève: la Rome protestanteGenève, trop heureuse de couper les ponts avec la Savoie, va passer à la Réforme en 1536. Ce changement de foi, l’arrivée de réfugiés huguenots qui dynamisent l’économie, de même que la personnalité de Jean Calvin vont rapidement transformer cette ville de province en un centre de référence pour les réformés européens.
- L’anabaptisme: une Réforme radicaleLe grand mouvement de Réforme religieuse du XVIe voit émerger des mouvements radicaux qui défendent une approche littérale des textes bibliques et militent pour l’abolition du baptême des enfants. Ce sont les anabaptistes. Certains, notamment en Allemagne, prendront les armes pour hâter la venue de Dieu sur terre. D’autres, comme les "Frères suisses" seront résolument pacifistes, refuseront de prêter serment et de porter une arme. Considérés comme subversifs, ces anabaptistes subiront de violentes persécutions, notamment de la part de Zwingli qui les noiera dans la Limmat. Beaucoup d’entre eux se réfugieront alors dans les terres alors peu fertiles de l’actuel Jura bernois.
- Michel Servet et Sebastien Castellion: les rebelles de la RéformeEn 1553, le médecin Michel Servet est condamné au bûcher pour hérésie par les autorités civiles et religieuses genevoises. Cette affaire pose la question des limites de la liberté de conscience, que l’on attribue généralement au protestantisme. Au XVIème siècle, "l’hérétique" est considéré par tous comme un malfaiteur social qu’il est légitime d’éliminer, et rares seront les intellectuels à s’élever contre cette manière de voir. A l’exception de Sébastien Castellion, qui s’opposera à Calvin, avec cette phrase devenue célèbre: "Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme".
- Le Valais: à deux doigts de la RéformeDurant le XVIe siècle, la grande majorité de l’élite politique et économique valaisanne passe à la Réforme. Une partie d’entre elle a fait ses études dans les écoles de Thomas Platter, un humaniste haut-valaisan installé à Bâle et converti au protestantisme. Peu à peu pourtant, le pragmatisme et le calcul politique vont l’emporter sur le désir de nouveauté. A l’exemple de Michael Mageran. Ce commerçant, l’homme le plus du riche du Valais et responsable de la puissante communauté protestante de Loèche va renier sa foi pour accéder aux plus hautes charges du gouvernement valaisan.
- La Réforme et l’ADN suisseL’arrivée de la Réforme dans l’ancienne Confédération a modifié en profondeur l’histoire de la Suisse. Elle a engendré une diversité religieuse qui a marqué les identités locales et cantonales. Mais elle a aussi obligé les cantons et les communautés à apprendre à gérer la diversité religieuse. Cette aspiration à vivre ensemble, où l’on renonce à convertir son voisin, est également à l’origine du choix de la neutralité de la Suisse qui lui a permis de se maintenir en dehors des grands conflits européens et, ainsi, subsister comme Etat indépendant au cœur de l’Europe.
- Berne et Jura: disputes et divisionsSouvent organisée avec la collaboration des autorités civiles, la "Dispute" théologique est le moyen que les protestants mettent en place pour faire basculer un canton dans le camp de la Réforme. Mais les débats sont souvent faussés et visent avant tout à donner une légitimité à une décision déjà prise. C’est le cas de Berne en 1528. La Dispute, qui accueille une majorité écrasante de représentants de la Réforme, sera immédiatement suivie de l’interdiction de la messe. Quant au territoire qui englobe les actuels Jura et Jura bernois, il dépend du prince évêque de Bâle. Le nord restera catholique alors que le sud, proche de la Confédération passera à la Réforme. Une frontière territoriale et confessionnelle qui perdure jusqu’à nos jours.
- Les bailliages communs: une expérience de coexistence unique en EuropeLes Fribourgeois et les Bernois ont fait alliance pour conquérir certaines parties du pays de Vaud. Mais avec le passage de Berne à la Réforme et la décision de Fribourg de rester fidèle à l’ancienne foi, les choses se compliquent. De quel côté vont passer les bailliages communs d’Orbe, Echallens et Grandson? Les décisions se feront paroisse par paroisse. C’est « Le Plus », un processus démocratique unique en Europe, pas dénuée de coups fourrés.
- Zurich: un homme et des saucissesZurich sera la première ville de Suisse à passer à la Réforme en 1525. Derrière ce changement radical, un homme: Ulrich Zwingli. Ce prêtre, contemporain de Luther et ami d’Erasme de Rotterdam, rêve d’une Eglise moins corrompue et d’une société plus équitable. Une banale affaire de saucisses va lui donner l’occasion de déclencher le mouvement réformateur.