Le camp du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo a menacé jeudi la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) et la force française Licorne de "sanctions" après leur refus de respecter une interdiction de vol du territoire ivoirien.
Cette montée des tensions entre le camp Gbagbo et les forces internationales intervient au moment où l'Union africaine tentait de trouver une solution négociée à une grave crise post-électorale qui menace de dégénérer en guerre civile.
Sanctions jugées illégitimes
"Ils ont décidé de violer la loi. Lorsqu'on viole la loi, on s'attend à des sanctions. Qu'ils ne soient pas surpris des sanctions qui vont arriver", a indiqué le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello, sans préciser toutefois la nature et la date d'éventuelles sanctions.
L'Onuci a poursuivi jeudi ses activités dans le pays, ignorant l'interdiction de vol décidée par le camp du président sortant, a-t-on constaté. En milieu d'après-midi, un journaliste de l'AFP a vu un hélicoptère de l'Onuci survoler le quartier de la Riviéra, à Abidjan.
L'Onuci "maintiendra" ses vols dans le pays et juge "inacceptable" leur interdiction décidée par le camp Gbagbo, a dit jeudi le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, cité par un porte-parole. "Nous continuerons de mener nos activités au bénéfice du peuple ivoirien", avait déclaré un peu plus tôt le porte-parole de l'Onuci, Hamadoun Touré.
Mandat des Nations unies
La France avait également récusé jeudi comme "nulle et non avenue" la décision du camp Gbagbo d'interdire à sa force Licorne de survoler et d'atterrir dans le pays, une résolution de l'ONU garantissant sa "liberté de mouvement".
"Je vous rappelle que l'Onuci et l'opération Licorne tiennent leur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies et notamment de la résolution 1962 qui leur garantit une totale liberté de mouvement", a dit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Bernard Valero a souligné que les "autorités légitimes de Côte d'Ivoire (le camp d'Alassane Ouattara, selon Paris) ont confirmé à nouveau hier (mercredi) que l'Onuci et Licorne sont toujours autorisés à survoler et atterrir".
Alassane Ouattara absent
L'arrêté du gouvernement Gbagbo stipulait que "les aéronefs de l'Onuci et de l'opération Licorne sont interdits de survol et d'atterrissage" dans le pays. Cette décision avait été annoncée mercredi quelques heures après le départ d'Alassane Ouattara --pour la première fois depuis le début de la crise-- du Golf Hôtel d'Abidjan où il vit retranché.
M. Ouattara, président reconnu par la communauté internationale, s'est rendu jeudi à une réunion de l'Union africaine (UA) à Addis Abeba, destinée à trouver une issue à cette crise de plus en plus meurtrière.
Le camp Gbagbo réclame depuis fin 2010 le départ de l'Onuci et de Licorne, accusées de soutenir Alassane Ouattara. L'Onuci assure traditionnellement le transport, grâce à ses hélicoptères, des personnalités du camp Ouattara qui quittent le Golf Hôtel et y reviennent.
Mais ni la force onusienne ni l'équipe de M. Ouattara n'ont voulu dire par quel moyen celui-ci est parti pour le siège de l'UA. L'Onuci est une opération de maintien de la paix créée en 2004. La force est actuellement composée de près de 10'000 hommes. Licorne (900 hommes) lui apporte son appui.
agences/olhor
LAURENT GBAGBO ACCUSÉ DE "CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ"
La Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme (FIDH) a souligné la responsabilité du président sortant Laurent Gbagbo dans des "crimes contre l'humanité" commis en Côte d'Ivoire, où selon elle près de 400 personnes ont été tuées depuis fin novembre.
"La politique de tension, de haine et d'affrontements, décidée et engagée par Laurent Gbagbo pour peser sur les médiations diplomatiques et faire accepter son coup d'Etat de facto, se traduit en fait par de graves violations des droits de l'Homme qualifiables de crimes contre l'Humanité", indique la FIDH dans un rapport publié à la suite d'une mission en Côte d'Ivoire, du 22 février au 2 mars.
"Cette situation fonde la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) saisie de la situation en Côte d'Ivoire et doit mener le Procureur à ouvrir dans les plus brefs délais une enquête en vue de poursuivre les auteurs de ces crimes", ajoute la même source.
"Selon les éléments ramenés par la mission de la FIDH, on dénombre depuis le second tour de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010, près de 400 personnes tuées et 68 personnes disparues", poursuit l'ONG. L'ONU recense plus de 370 tués depuis fin 2010.
"Les organisations de défense des droits de l'Homme ont en outre répertorié des centaines de blessés, une centaine de cas d'actes de torture et de mauvais traitements, des centaines d'arrestations et de détentions arbitraires et des allégations de crimes sexuels", indique encore la FIDH.
Détérioration des droits de l'homme
La Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a dénoncé jeudi la "détérioration alarmante" des droits de l'homme en Côte d'Ivoire.
Elle a fait état d'assassinats quotidiens au cours de la semaine écoulée. Selon le décompte de l'ONU, au moins 392 personnes ont été tuées en Côte d'Ivoire depuis la mi-décembre, dont au moins 27 ces sept derniers jours.
"De manière générale, la crise s'aggrave de manière alarmante, avec une forte augmentation des affrontements interethniques et intercommunautaires", a affirmé Navi Pillay dans un communiqué diffusé à Genève.
Les violations des droits humains, dont des viols, enlèvements et assassinats, sont commis par les deux camps, a-t-elle souligné. Elle a averti que les responsables de ces actes, contraires au droit international, en seront tenus responsables individuellement.
La Haut Commissaire a condamné l'utilisation de boucliers humains par des commandos et demandé à toutes les parties de respecter les droits des civils.
Elle a aussi réprouvé les appels à la violence lancés par des dirigeants politiques, en particulier Blé Goude, contre des opposants, des groupes ethniques, des immigrés d'autres pays d'Afrique de l'Ouest ainsi que le personnel de l'ONU en Côte d'Ivoire.