La protection de la vie privée, le cryptage, la drogue, le crowdfunding, les réseaux sociaux… Des nouveautés de ce début de 21e siècle? Pas du tout. L'histoire ne fait que se répéter. Sous forme de dessins animés de 3 minutes, Paléofutur revisite le passé à la lumière du présent pour mieux comprendre l’évolution de nos vies numériques.
Paléofutur 1
Présentation
Nouvelles donnes économiques, culturelles, sociétales, politiques, techniques... Les disruptions actuelles ne sont pas les premières auxquelles les humains doivent faire face.
En dix-neuf épisodes, Paléofutur vous montre que manger, ce n'était pas forcément mieux avant, que Paris a été la capitale mondiale des nouvelles technologies bien avant la Silicon Valley, que la guerre des taxis ne date pas d’aujourd'hui ou encore que la surveillance étatique est vieille comme le monde.
Le respect de la vie privée est un droit, qui n'est pas toujours respecté aujourd'hui. Les programmes d'écoute comme Echelon, Prism, Project 6, ou le grand firewall de Chine existent.
Inédite par son ampleur, la surveillance des moyens de communication numériques inquiète. Et pourtant, la vie privée est une invention récente dont l'humanité s'est passée pendant des millénaires.
Le début de la vie privée peut se situer au 4e siècle avant JC, quand Hippocrate édicte dans son célèbre serment le droit au secret médical: "je tairai ce qui n'a jamais besoin d’être divulgué".
Quelques années plus tard, Aristote distingue l'Oikos (le foyer privé), le Koinos (les lieux communs) et le Polis – la cité peuplée "d'animaux politiques" qui font le choix de vivre ensemble. Trois niveaux d'intimité qui rappellent les options disponibles sur les réseaux sociaux.
Mais pour les antiques Romains et Grecs, "privé" et "public" n'a rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui!
La suite ci-dessous dans la déclinaison texte de cet épisode!
Un sondage sur les sports majeurs de notre époque aurait de fortes chances de couronner le football comme sport roi, loin devant les tournois de chevalerie. Et pourtant, le ballon rond n'a pas toujours fait partie du paysage, alors que l'art de se taper dessus à coups de lance a déchaîné les passions médiévales.
Retour sur l'histoire des disciplines sportives qui nous semblent indéboulonnables, mais vont et viennent comme les modes.
Le football naît de la "soule", jeu pratiqué en Angleterre dès le 12e siècle. Mal vu, il est interdit par le maire de Londres en 1314 "en raison des grands désordres causés dans la cité". On l'accuse de distraire l'Homme de son noble ouvrage, et même de créer un problème de sécurité nationale selon Edouard III.
Mais rien n'y fait, le virus prend et le jeu s'organise. Les règles deviennent universelles. Les clubs pionniers naissent et c’est en Angleterre qu'un premier championnat apparaît en 1888. Exporté à travers tout l’empire, le football devient un sport de masse, jusqu'à la création de la fédération internationale en 1904. La Coupe du monde est lancée en 1930.
La globalisation s'accélère encore via l'arrivée des premières retransmissions en mondovision et plus d'un milliard de personnes ont regardé la dernière finale de la Coupe du monde! Et pourtant, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Toute discipline peut disparaître, comme… les tournois de chevalerie, un sport violent, physique et spectaculaire.
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Le passé est un paradis pour hipster: pas besoin de se laisser pousser la barbe, les rasoirs jetables n'ont pas encore été inventés. Pas besoin de chiner aux fripes, la peau de bête est la seule option.
Et puis il y a l'alimentation authentique de nos ancêtres: tout est bio et local, garanti sans pesticide… Mais au fait, manger, c'était vraiment mieux avant?
Dans l'Europe du 21e siècle, l'heure n'est plus à la famine. On ingurgite souvent trop de calories et on jette des tonnes d'aliments encore emballés. Mais si les bons petits plats d'arrière-grand-maman ne contenaient ni glutamate de sodium ni colorant E324, la cuisine des anciens n'était pas pour autant une panacée.
Dès l'Antiquité et jusqu’au 19e siècle, pour éviter d'aller rencontrer St-Pierre trop vite, il fallait recracher l'eau croupie, slalomer entre mets mal fumés ou mal salés, rejeter les faisans trop faisandés et les aliments à risque comme les champignons. Champignons qui coûtèrent d'ailleurs la vie à l'empereur Claude, assassiné via la diabolique stratégie de… l'omelette aux champignons vénéneux!
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L'époque est au télétravail, à la télémédecine, à la télépathie ou encore à la télé-apathie. Personne n’échappe aux joies de la vie à distance, pas même les plus jeunes qui se retrouvent à suivre leurs cours du salon de leurs parents.
Les débats sur les technologies à l'école sont vifs. Et ça l'a toujours été, car l'école a toujours cherché l'équilibre entre tradition et innovation.
Dans la Rome antique, les étudiants font déjà face aux choix que nous connaissons encore aujourd'hui: écoles publiques ou privées? Enseignement théorique, en classe, ou pratique via les guildes et le compagnonnage? Études dans les bibliothèques d'Alexandrie, de Rhodes ou de Pergame? Comme quoi l’éducation est un monde qui évolue très… prudemment: on reste dans une logique de lieux de savoir dans lesquels les savants viennent édifier la jeunesse.
Autre point commun entre les époques, et pas des moindres: le salaire des enseignants. Pour les contemporains de César, enseigner était déjà un métier que l'on faisait plus par passion que par appât du gain… À l'exception de quelques stars comme Sénèque, un précepteur que s'arrachent les grandes familles de l'époque, ancêtre des conférenciers stars d'aujourd'hui.
La suite ci-dessous dans la déclinaison texte de cet épisode!
Il vous semble peut-être inconcevable qu'un Bitcoin, qui n’est qu'une suite de chiffres, puisse peser plusieurs milliers de dollars. Et pourtant il est banal d’échanger ce bout de papier contre bouteilles de champagne, gadgets électroniques, ou... 1300kg de maïs.
Alors les Bitcoins, Ethers, Ripples et autres Jesus Coins, vraie révolution ou simple continuité de la dématérialisation des monnaies?
Avant tout: "Une monnaie est un référentiel commun pour régler les échanges, et contourner les difficultés du troc". Au cours de l’histoire, les porte-monnaie ont été remplis de tout un tas d’objets plus ou moins bizarres: fèves, coquillages, pierres semi-précieuses comme l'ambre… ou encore le sel, utilisé dans la Rome antique pour payer les légionnaires, donnant au passage naissance au mot "salaire".
C'est le roi de Lydie Alyattès, né en 610 avant JC, qui fait circuler les premières pièces de monnaie. Elles deviennent vite un instrument de propagande, le portrait du souverain pouvant être frappé sur le métal. Le succès est immédiat, et cette invention se répand petit à petit dans le monde, jusqu'à la création des monnaies que nous connaissons aujourd'hui. Le mark apparaît à Cologne au 12e siècle, Henri II créé la livre en 1158, Jean Le Bon lance le Franc en 1360. Puis arrivent les doublons, les pistoles, et le thaler de Bohême qui deviendra... le dollar.
Et là, c'est le boom! Puisque rien n'entrave la création d’une nouvelle monnaie, chaque ville ou région s'y met, jusqu'à ce que l’Europe du 17e siècle compte plus de 400 devises. C’est l'anarchie, une époque qui ressemble furieusement à la nôtre. Vu que lancer une cryptomonnaie aujourd'hui comme le Bitcoin ou le Ripple ne nécessite que quelques minutes, on en recense déjà 1600 en 2019, un chiffre probablement fortement sous-estimé.
Après les piécettes arrive une nouvelle révolution: le papier-monnaie. Apparaissant au 10e siècle au Sichuan, les jiaozi sont des sortes de chèques qui s'échangent contre une quantité de métal certifiée par le sceau impérial. Les banques centrales d'Europe se mettent à émettre leurs propres billets à partir du 17e siècle. Mais les débuts de l'ère papier ne se font pas sans problème: la France tombe en faillite deux fois quand l'État oublie d'éteindre les rotatives… et les "biftons" sont vite accusés de colporter un tas de passagers clandestins plus ou moins féroces. Une peur toujours tenace à notre époque, où le virus de la grippe peut parfois survivre jusqu'à 5 jours dans un porte-monnaie.
Des fèves aux piécettes, des billets à l'e-banking, les cryptomonnaies ne sont qu'une étape supplémentaire de la longue histoire de la monnaie. Et pourtant en ce début de 21e siècle, le marché des adeptes du troc est en pleine inflation!
Vous êtes-vous déjà demandé comment les sociétés passées vous auraient jugés?
Car si aujourd'hui le café fait partie de notre quotidien, au 17e siècle, il vous aurait conduit directement dans les geôles du sultan ottoman Mourad IV.
Peu de temps avant, à la cour du roi de France, le tabac est promu par un certain Jean Nicot comme une fantastique plante médicinale. Il va jusqu'à en envoyer à Catherine de Médicis pour traiter les migraines de son fils. Mais qu'est-ce qui est bon ou néfaste pour la santé? Qu'est-ce qui devrait être permis ou interdit?
Les sociétés antiques utilisent déjà les psychotropes comme médicaments. Et ce pendant des millénaires, des Sumériens qui découvrent les premiers les propriétés du jus de pavot, en passant par Hippocrate ou Pline l'Ancien. En 312, à Rome, on trouve 800 magasins d'opium.
Même si à l'époque on régule et on permet l’utilisation de ces substances, on avertit la population! Galien écrit: "En grandes quantités, les graines de pavot affectent la tête en lui envoyant des vapeurs chaudes et toxiques". La version antique de notre "à consommer avec modération"! Les premiers cas de dopage apparaissent dès les Jeux Olympiques antiques ou l’on fait la chasse aux athlètes ayant consommé du lait maternel!
Avance rapide jusqu’au 19e siècle, où un certain Sigmund Freud fait la promotion acharnée de la cocaïne. Il y voit un traitement idéal de la mélancolie.
En 1886, un pharmacien américain donne un avenir radieux à la Coca. Il crée un soda qui la mélange aux graines de Kola, très riches en caféine. Épuisé, il ne se creuse pas trop pour trouver le nom de sa boisson. À la même période, un chimiste Corse mélange cocaïne et vin de Bordeaux. Le "vin Mariani" connaît un succès ahurissant, et devient pendant des décennies le "médicament" le plus prescrit au monde.
Mais les choses changent au 20e siècle. En 1905, aux Etats-Unis, une série d'articles pointent les dérives des psychotropes en libre accès. Coca-Cola retire la cocaïne de ses sodas, les premières législations apparaissent. En 1919, la Cour Suprême interdit définitivement aux médecins de prescrire ce qu’on considère maintenant comme des drogues dures. L’interdiction ne fait pas baisser la demande mais provoque la montée des prix. Le trafic devient un business et tisse sa toile.
Et aujourd'hui, comment légaliser sans banaliser? Comment interdire sans faire le jeu des marchés parallèles? Une première voie s’ouvre peut-être en ce début de 21e siècle: en Europe comme aux Etats-Unis, la légalisation du cannabis fleurit!
Jack Ma, fondateur de l'empire Alibaba, a baptisé son modèle d'affaires "nouveau commerce". Son secret: assouvir les impulsions d'achat de l’homo connectus à toute heure, via un réseau combinant sites internet et surfaces de vente.
Mais dites-moi Jack, votre nouveau commerce là, il est vraiment nouveau?
Retour en 1498, moment où l'imprimerie fut détournée de sa noble mission initiale - l’éducation - pour servir les bas intérêts des pionniers de la vente à distance. C’est l'Italien Aldo Manuzio, si, qui, cherchant de nouveaux débouchés pour ses livres, crée le premier catalogue regroupant tous ses titres. Puis d'autres apparaissent: graines, bulbes, liqueurs, outils, textiles, tout y passe, un peu comme sur internet aujourd'hui.
Quelques siècles plus tard, le développement du réseau ferré et des postes aidant, un certain Pryce Pryce-Jones, inventeur du sac de couchage, lance l'un des premiers empires du commerce à distance! Fondée au Royaume-Uni, son entreprise s'étend rapidement à l'Europe et aux colonies, et compte 100’000 clients en 1880.
En France, c'est le catalogue du Bon Marché et ses 1500 références qui débarque en 1865. L'enseigne, que Zola qualifie de "cathédrale du commerce moderne", invente l’expédition "franco de port", un système qui consiste à "offrir" les frais d’envoi. Et si aujourd'hui on s'inquiète de la consommation d'électricité des serveurs, à l'époque, on aurait pu se soucier des forêts: 6 millions de catalogues sont envoyés dans le monde entier en 1900 par le seul Bon Marché!
Et puis il y a l'entreprise qui utilise déjà à peu près tous les codes des commerçants du 21e siècle, alors qu'elle est lancée en... 1885, c’est la "Manufacture d'armes et cycles de Saint-Etienne", "la Manu" pour les intimes.
Manufrance vend les produits qu'elle fabrique dans ce qui est à l'époque la plus grande usine du monde: 5000 employés. Le modèle est proche de celui des fabricants de meubles en kit: en plus des classiques canapés et armoires, le catalogue compte plusieurs références de tables de ping-pong, de grands portiques, de balançoires et… de bateaux!
En parallèle à la vente par correspondance, Manufrance gère 8 magasins dès 1906 et 15 juste avant le début de la Grande Guerre. Et le modèle est déjà copié par des entreprises comme Les 3 Suisses ou La Redoute.
La Vente Par Correspondance évoluera avec son temps. Commandes par courrier, puis par téléphone, puis par Minitel, jusqu'à ce qu'arrive une nouvelle génération appelée "e-commerçants", des entreprises qu'on ne présente plus aujourd'hui.
En 2015 et contre toute attente, Amazon et Alibaba ouvrent leurs premiers magasins physiques. Comme quoi si internet a globalisé les échanges et obligé les commerçants à suivre les clients sur de nouveaux canaux, hier comme aujourd'hui les fondamentaux du commerce restent les mêmes: offrir un service rapide, des prix compétitifs, pour, finalement, réussir à capter les clients partout là où ils se trouvent.
Votre cousin Jean-Clovis vient de rentrer de son voyage découverte éco-tourisme au Laos. Il a régalé ses followers à coups de balades en éléphants et découvertes de plats typiques, car il est un "influenceur-voyageur".
Mais tout jaloux que vous êtes, vous n’avez peut-être pas réalisé qu'il marche dans les pas d'illustres prédécesseurs, dont l'un des plus connus s’appelle… Hérodote!
Grec, né 5 siècles avant Jésus-Christ, il voyage pendant une dizaine d'années dans le bassin méditerranéen et décrit littéralement TOUT ce qu'il voit: itinéraires et temps de déplacement, nourriture, croyances… Il rentre ensuite à Athènes et gagne sa vie comme conférencier. Il dresse la liste des 7 merveilles du monde, comme aujourd'hui on distribue étoiles et pouces.
Après l'ouverture au monde de l’Antiquité, le Moyen Âge commence par un repli des peuples sur eux-mêmes. A quelques rares exceptions – on pense aux missionnaires, pèlerins et marchands, sortes de "touristes d’affaires" de l’époque. Et puis il y a les croisés, sortes d'influenceurs à l'envers, puisqu'eux ne veulent pas influencer les gens qui les aiment, mais les gens qui ne les aiment pas…
C'est au 13e siècle qu'on recommence à rêver quand un marchand Vénitien du nom de Marco Polo devient à 17 ans la Greta Thunberg de l'exploration. Il raconte ses voyages en Asie dans le "Livre des merveilles", premier grand best-seller mondial sorti en… 1298. Grâce à Marco Polo, on découvre le Japon, les billets de banque, et les premières routes commerciales s'ouvrent pour acheminer sel, épices et soie.
Suivent les marins découvreurs comme Magellan, Vasco De Gama et Christophe Colomb qui défrichent les routes vers le "nouveau monde". Leur influence sera considérable, tant leur quête raisonne avec les envies d'ailleurs de générations d'immigrés.
Une vague de globe-trotters en chasse une autre, quand arrivent les voyageurs savants du 18e et 19e siècles. Cook, Bougainville, La Pérouse, Darwin. Ils classent la faune et la flore, observent le ciel et les tortues des Galapagos. Leur influence ne passe pas par les réseaux sociaux, mais par la profusion des journaux de vulgarisation qui éclosent à l'époque, comme le National Geographic en 1888.
L'Anglais Thomas Cook organise en juillet 1841 un voyage de Leicester à Loughborough pour 500 militants anti-alcool, et se rend vite compte qu'il a mis le doigt sur un bon filon. C'est le début des voyages de groupe, concept qui n'a pas beaucoup évolué depuis le 19e siècle.
La démocratisation des chemins de fer et de la navigation à vapeur au 19e siècle viendront donner un coup d'accélérateur au mouvement.
Et aujourd'hui, ce mouvement se prolonge avec nos chères compagnies aériennes low cost. Mais jusqu'à quand? En ce début de 21e siècle, l'écologie et la préservation de la planète sont entrain de rebattre les cartes.
Depuis qu'un ordinateur - appareil photo - porte-monnaie - clé d'identification - galerie de souvenirs - est quasiment greffé à la main d'un bon nombre d'êtres humains, le crime a suivi la marche de la société. Il a fait sa "transformation numérique".
Pirates contre corsaires, gendarmes contre voleurs, le jeu du chat et de la souris entamé depuis la nuit des temps a trouvé ses propres voies dans le monde numérique. Vous avez dit cryptage?
Le premier document crypté connu a été retrouvé vers 1600 avant JC sur une tablette d’argile irakienne: une recette de poterie écrite avec des lettres manquantes et une orthographe modifiée. Histoire que personne ne puisse se l'approprier.
700 ans avant notre ère, les Grecs inventent le scytale, sorte de grip de raquette qu'on enroule sur un bâton pour aligner des lettres, qui font apparaître le message secret. La technique babylonienne popularisée par Nabuchodonosor est, elle, plus lowcost et… irréversible. Elle consiste à tondre un esclave et tatouer un message sur son crâne, avant de l'envoyer à destination une fois les cheveux repoussés. Un procédé déconseillé en cas d’urgence!
Puis arrivent les premiers rudiments de cryptage, notamment la substitution inversée de lettres chez les hébreux. Avec le temps, les techniques évoluent et les premières machines apparaissent.
Louis XIV lance les services du "grand" et du "petit chiffre", deux niveaux de codage différents qui sont appliqués selon la sensibilité des informations. Et quel que soit le système, celui qui se protège veut dans le même temps profiter des informations des autres.
Tout comme internet ou le GPS de nos jours, des technologies d'abord réservées à l'armée s'ouvrent au secteur privé. Là aussi, des petits malins cherchent les failles. Par exemple, au début du 19e siècle, François et Louis Blanc, deux jumeaux qui gagnent leur vie en boursicotant, trouvent moyen de pirater le réseau de sémaphore. Résultat: quand leurs concitoyens reçoivent l'information que le marché baisse, eux savent qu'il monte, et les frères s'en mettent plein les poches.
Au fur et à mesure de son apparition, chaque nouvelle technologie apporte son lot de nouvelles possibilités et de nouvelles failles. Télégraphe, téléphone, fax, e-mail, messagerie instantanée, l'information devient de plus en plus rapide mais ne peut échapper à une loi fondamentale: tout ce qui est écrit peut-être lu. La sécurité absolue existe, certes, à condition de ne rien stocker.
Encore une chose: pendant la Première Guerre mondiale, sachant que les Allemands avaient cassé ses codes de communication, l'armée américaine a fait appel à des Amérindiens s’exprimant dans une langue connue d'eux seuls. Comme quoi, ce n'est pas forcément la complexité qui fait la valeur d'un cryptage!
L'innovation et l'optimisme n'ont pas toujours été l'apanage de la Silicon Valley californienne. Entre 1850 et 1914, Paris a été la capitale mondiale des nouvelles technologies, du business, mais aussi des arts, de la culture et de la foi en l'avenir.
Entre 1850 et 1914, c'est Paris qui a tenu le rôle de phare inventif, économique, mais aussi artistique, culturel, poussée par un gigantesque souffle d’optimisme.
A la Belle Epoque, inventeurs et entrepreneurs viennent à Paris pour profiter d'un écosystème d'innovation fait de centres de recherche, de talents venus du monde entier et d'investisseurs aux poches profondes.
Tous planchent sur les technologies du moment, avec peut-être encore plus d'ambitions qu'aujourd'hui à Palo Alto ou à San Francisco.
Bien avant la maîtrise d'internet par Barack Obama, de la TV par John Fitzgerald Kennedy, des cassettes audio par l'ayatollah Khomeini, les Romains exploitaient les réseaux sociaux de l'Antiquité, travaillant déjà leur statut d'influenceur.
C'est inédit en communication politique: le monde prête bientôt davantage attention à ce que tweete le président des Etats-Unis, plutôt qu'à ce que dit son porte-parole en salle de presse.
Pourtant, si l'on se plonge dans le passé, on voit qu'il arrive régulièrement qu'un nouvel arrivant bouscule l'ordre établi en s'appuyant sur un nouveau média.
L'histoire est pleine de politiciens qui comprennent avant les autres le potentiel d'un nouveau média.
Plusieurs guerres des taxis ont déjà eu lieu dans le passé, bien avant l'arrivée d'Uber sur le marché de la mobilité.
A Londres, au 17e siècle, les voitures à traction animale se développent. On ne les appelle encore taxis mais "voitures de louage".
Cette nouvelle concurrence est rapidement considérée comme déloyale par les bateliers qui détiennent un monopole royal sur le transport des passagers entre la City et Westminster.
Face aux protestations des nobles qui dirigent les réseaux de transport fluvial, le roi Charles Ier introduit de nouvelles règles pour contrôler, voire empêcher ces innovateurs de travailler.
Il interdit aux voitures de louage d'effectuer des courses de moins de trois miles. Or, la distance entre la City et Westminster est de... 2,3 miles!
De quoi rappeler la fameuse règle des 15 minutes que les autorités parisiennes ont essayé d'imposer à Uber, avant que cette mesure ne soit recalée et finalement jamais appliquée.
La surveillance étatique est vieille comme le monde
La surveillance des citoyens par les Etats ne date pas des révélations d'Edward Snowden en 2013. Le général chinois Sun Tzu soulignait déjà l'importance des espions au 6ème siècle avant Jésus Christ.
Les technologies actuelles permettent un niveau de surveillance étatique sans précédent. On peut aujourd'hui récolter des volumes de données incroyables, qu'il s'agisse d’appels téléphoniques, de conversations SMS, d'historiques de navigation ou encore d'e-mails.
Mais si l'on s'en tient à l'intention, il n'y a rien de nouveau. La surveillance d'Etat est même souvent assumée dans l’histoire.
Au 6ème siècle avant Jésus Christ, le général chinois Sun Tzu consacre le dernier chapitre de l'Art de la guerre à l'importance d'engager de bons espions. Dans l'Antiquité, Cicéron se plaint dans ses lettres "d'avoir des espions à ses côtés" et craint même l'interception de ses missives.
A chaque fois qu'un nouveau média s'impose, c'est la même histoire: il subit de nombreuses critiques et est diabolisé... avant de finalement s'imposer. C'est vrai pour l'imprimerie, la radio, la télévision, pour le web et pour les réseaux sociaux aujourd'hui.
Parmi les reproches souvent faits aux technologies numériques, il y a celui de l'avalanche d'informations. Depuis l'arrivée du web, nous croulons sous une masse de savoirs qui ne nous donne plus le temps de nous informer correctement.
Mais nous ne sommes pas les premiers à nous plaindre de ce "bruit" qui, au final, nous prive de "signal". L'infobésité fait son apparition lors de la dernière grande révolution du monde des médias: l'invention de l'imprimerie par Gutenberg au 15e siècle.
Les intellectuels de l'époque se plaignent alors du flot de mauvais livres et pamphlets qui fait baisser le niveau général, qui dilue les œuvres de qualité dans un tas de contributions sans intérêt.
Une des inquiétudes qu'éveille aujourd'hui les algorithmes, l'intelligence artificielle, les machines et autres robots, c'est la disparition du travail. Une crainte qui existe depuis l’apparition de l'idée de l'automatisation, mais qui ne s'est pas encore réalisée.
A l'apparition de l'automatisation des tâches, nos ancêtres imaginent des machines qui font le travail à leur place, mais ils s'en réjouissent plus qu'ils ne le redoutent.
Dans les années 1960, les futurologues les plus optimistes misent sur un monde de vacances perpétuelles, ou presque.
Jean-Jacques Servan Schreiber table en 1967 sur 146 jours de travail annuels à l'aube du 20ème siècle. On en est loin, même si le temps de travail a baissé en Suisse depuis les années 50.
Aujourd'hui, des chercheurs de l'Université d'Oxford annoncent que 47% des emplois pourraient disparaître dans les prochaines décennies. Gartner prédit même 33% de jobs remplacés par des robots d'ici 2025!
Et une constante se dégage entre les inquiétudes de chômage de masse actuelles et la réjouissante perspective de nos prédécesseurs: avec les machines, il n'y aura plus rien à faire.
En dehors de leur activité, les entreprises de la Silicon Valley sont célèbres pour leur culture d'entreprise avec tables de ping-pong, bar à céréales et la panoplie jeans - T-shirt, plutôt que costume-cravate. Mais les hippies d'hier sont devenus la nouvelle élite adepte du contrôle.
La Silicon Valley est issue de la contre-culture des années 1960. Elle se revendique d'un état d'esprit unique, le fameux "Think Different", popularisé par Apple, une marque devenue aujourd'hui un rouleau compresseur numérique et globalisé.
Autre exemple, Google et sa "règle des 20%", un système qui permet aux employés de consacrer 20% de leur temps de travail à des projets personnels.
Mais la société de Moutain View n'a en fait rien inventé, puisque les ingénieurs de 3M, qui commercialise les fameux post-its, donne 15% de temps libre à ses ingénieurs depuis 1948.
Faire appel à une communauté pour financer un projet, c'est une des spécificités de l'économie actuelle. Ça s'appelle le financement participatif. Aujourd'hui, on sait faire preuve de solidarité en se mobilisant pour les petites et les grandes causes, du gadget improbable sur Kickstarter à l'artiste fauché sur WeMakeIt. Mais financer un projet par la collectivité n'a rien de nouveau. Le plus célèbre projet financement participatif du XIXe siècle, c'est la statue de la Liberté, offerte par la France aux Etats-Unis.
Les Français s'étaient engagés à payer la statue et les Américains le socle. Côté français, le Comité de l'union franco-américaine lance une campagne de crowdfunding. Il récolte de l'argent public auprès des autorités, mais aussi plus de 100'000 dons. Différentes stratégies sont utilisées pour mobiliser la foule: spectacles, loteries, vente de coupe-papiers à l'effigie de la statue, de répliques en taille réduite. Ce principe de récompense graduelle, calée sur le niveau de contribution, sera introduit par le site Indiegogo en 2008.
Bien avant Steve Jobs et plus récemment Elon Musk, un autre entrepreneur marie technologie, commerce et marketing, les trois composantes qui ont fait le succès de ces légendaires innovateurs. Mais lui est français, fils de bijoutier, et polytechnicien. Il s’appelle André Citroën. Il est le premier Européen à rêver de mettre chacun de ses concitoyens derrière un volant. Ses méthodes sont révolutionnaires.
Au début du 20è siècle, il organise des lignes de production à la chaîne, un procédé encore très peu utilisé en Europe et popularisé par Frederick Taylor et Henry Ford. Il finance la construction de ses usines en demandant à ses futurs clients de pré-payer partiellement leur voiture, comme le fera Elon Musk en 2016 pour lancer sa voiture révolutionnaire, la Tesla modèle 3.
André Citroën serre les marges au maximum, et développe son propre réseau commercial qui devient un outil stratégique dans la distribution des produits. Et tout comme Musk aujourd’hui, il déploie un réseau de recharge pour que ses clients ne tombent pas en panne.
Pour Tesla, ce sont les super chargeurs électriques, pour Citroën ce sont des bidons d’essence de 5 litres mis à disposition dans les épiceries de campagne, jusqu’à ce que la Compagnie Française des Pétroles TOTAL mette en place un véritable réseau d’approvisionnement en 1924.
Et Citroën veut être plus qu’une marque, presque une religion! Le patron crée un rapport quasi mystique entre ses clients et ses produits. Il se met en scène en faisant écrire son nom en fumée dans le ciel de Paris par un avion, ou en 1925 sur la tour Eiffel à l’aide de 250'000 ampoules. Il fait publier de 1928 à 1930 "Le Citroën", une page imprimée en quatrième de couverture d’une centaine de quotidiens français tirés à 15 millions d’exemplaires.
Si aujourd’hui les grandes entreprises sont obsédées par la cohérence de leur marque, qui doit rester reconnaissable d’un écran de smartphone à un logo sur un emballage, Citroën a dès les années 30 réussi à déployer une identité visuelle que l’on reconnaît entre mille. Le double chevron emblématique trône partout: sur les poignées de porte, les pièces détachées, les uniformes des employés, et bien sûr sur l’automobile elle-même.
Ne reculant devant rien, André Citroën lance des produits dérivés tels que livres pour grands et petits, jouets, expositions, conférences, films et pavillons d’exposition.
Ingénieur, artiste, génie de la communication, André Citroën voit juste, et comme ses successeurs, il sera récompensé de son audace quand sa petite startup passera de l’ombre au deuxième rang mondial du secteur en 1932. Une belle réussite, construite avec les mêmes ingrédients utilisés par certains entrepreneurs américains du 21ème siècle. Comme quoi, si les temps changent, côté business, les clés de la réussite restent les mêmes.
En à peine 30 ans, Internet a profondément changé notre société, cela va de la façon dont on se rencontre, on fait ses courses ou même la guerre.
Mais ça n’est pas la première fois qu’une technologie chamboule le cours de l’histoire. Retour sur une autre révolution qui a bouleversé nos vies et nos villes: l’automobile.
En France, les premiers véhicules de série sortent des ateliers Panhard & Levassor en 1891. Pendant ce temps, un certain Armand Peugeot rajoute les véhicules à moteur au catalogue de l’entreprise familiale, qui ne fabriquait jusque-là que des vélos.
Moins de 20 ans plus tard, en 1903, la France produit 3’000 voitures, soit plus de 45% de la production mondiale, grâce à des entrepreneurs comme Louis Renault, André Citröen, ou "Jules Philippe Félix Albert de Dion Wandonne de Malfiance", dit Jules-Albert de Dion. C’est l’ère des fous du volant, ces pionniers qui vont changer la face du monde.
Et au fur et à mesure de l’avènement des transports motorisés, des milliers de charretiers, des éleveurs de chevaux, des maréchaux-ferrants et des bateliers se retrouvent sans emploi. Mais de nouveaux métiers apparaissent: garagistes, pompistes, agents de carrefour, vendeurs de voiture.
Cependant, dès 1932, on s’inquiète de l’accélération des déplacements, comme un certain M. Hubié qui regrette que les nouvelles routes ne se prêtent ni "à la promenade [ni] à la contemplation". Le clergé, lui, s’inquiète de la possibilité de faire des pèlerinages sans se fatiguer, tout en appréciant le fait que l’autocar transporte les pèlerins de façon plus sûre, en leur laissant moins de temps pour les tentations profanes offertes par l’errance.
Tout comme internet, l’automobile ne laisse pas l’armée indifférente. La Première Guerre mondiale sera considérée comme la victoire du routier français sur le cheminot allemand, les camions permettant des déplacements plus flexibles que les trains. C’est l’apparition des "artisans routiers", et de toute la mythologie des camionneurs virils…
Mais après quelques décennies d’excitation, l’automobile rentre petit à petit dans le rang. Au début du 20ème siècle, l’automobile est un objet enviable. 100 ans plus tard, elle devient petit à petit ce tas de ferraille que les maires essayent de sortir de leur centre-ville, et que les jeunes générations rêvent de ne… pas posséder.
Aujourd’hui, c’est la révolution numérique qui donne un nouveau souffle à l’automobile, avec l’avènement des véhicules électriques mais surtout connectés et bientôt autonomes.