Ce menhir à forme et visage humains a été découvert en 1996 dans le cadre des fouilles autoroutières menées sur le plateau de Bevaix. Il appartient à un vaste ensemble mégalithique mis au jour au lieu-dit de Treytel-A Sugiez. Au Néolithique moyen, entre les 5e et 4e millénaires av. J.-C., douze pierres dressées occupent le lieu et forment un long alignement qui traverse le site.
L’érection de ces menhirs intervient alors que les populations nomades de chasseurs-cueilleurs de nos régions se sédentarisent et se transforment progressivement en agriculteurs-éleveurs. Quelques siècles avant les premiers villages palafittiques attestés sur les rives du lac de Neuchâtel, ces communautés érigent plusieurs ensembles de pierres sur les contreforts du Jura, à Bevaix/Treytel, Saint-Aubin/Derrière la Croix, Corcelles-près-Concise et Yverdon/Promenade des Anglaises. Lieux de réunions hautement symboliques d’un ou plusieurs groupes humains, ils marquent par leur présence l’implantation d’une communauté, d’une entité culturelle, sur un territoire donné.
La statue-menhir de Bevaix-Treytel, imposante du haut de ses 3m30 et presque trois tonnes, participe aux rituels qui se déroulent sur le site. Le personnage représenté, dont les traits du visage et des mains sont aujourd’hui encore lisibles dans la pierre, reste malheureusement énigmatique. Qui représente-t-il et, plus important encore, quel a été son rôle?
Cloé Lehmann, étudiante en master d'archéologie à l’université de Neuchâtel et guide-animatrice au Laténium.
Néolithique
Néolithique signifie littéralement Age de la pierre nouvelle, en référence au polissage de lames de haches en pierre. Cette longue période de la Préhistoire, qui s’étire sur plusieurs milliers d’années, marque de profonds changements dans les sociétés humaines à travers le monde. Processus initié vers 10'000 av. J.-C. au Proche-Orient, dans la région du Croissant Fertile, la néolithisation se déplace par vagues pour atteindre nos régions vers 5'000 av. J.-C.
Le Néolithique voit l’avènement de nouveaux modes de vie et induit de profonds bouleversements dans les domaines technique, social, cognitif, symbolique, et religieux. Les hommes, jusqu’ici nomades et chasseurs-cueilleurs, deviennent agriculteurs-éleveurs et se sédentarisent: ils construisent des maisons, s’établissent dans des villages, modèlent les premiers récipients en céramique, etc. On assiste également à l’émergence d’une première forme de hiérarchisation de la société, qui s’organise en clans gérés par des "chefs". Ces différenciations sociales se remarquent tout particulièrement dans les traitements accordés aux défunts, qui peuvent se révéler très dissemblables (richesse du matériel archéologique, architecture de la tombe). Les chefs emportent leurs privilèges dans la mort et se font enterrer avec leurs symboles de pouvoir tels qu’armes ou bijoux.
Mégalithisme, ensembles mégalithiques
Le mégalithisme figure parmi les plus anciennes formes architecturales en pierre connues dans le monde. Il est caractérisé par l’utilisation de grands blocs dans l’édification de sépultures monumentales - les dolmens - et par l’érection de pierres - les menhirs - disposées en cercles, en alignements ou isolées. L’émergence du phénomène est rattachée à l’avènement du Néolithique en Europe : les premiers ensembles mégalithiques apparaissent dès 5'000 ans av. J.-C. et se concentrent sur la façade atlantique: Angleterre, Bretagne (Carnac, Stonehenge, etc.).
Au Néolithique, ces architectures monumentales traduisent symboliquement l’appartenance d’un territoire à un groupe humain: les menhirs sont avant tout des marqueurs de pouvoir, de force, de possession d’un lieu. Par la suite, ils ont été rattachés à toutes formes de croyances populaires liées aux cycles des saisons, de la lune et du soleil, aux symboles de fertilité, de chance.