Du boycott de la Turquie des JO en 1896 aux tristement célèbres Jeux de Munich de 1972, tour d'horizon des contestations qui ont secoué les JO de 1896 à aujourd'hui.
Petit historique de la contestation lors des Jeux olympiques
De 1896 à 1928
Des premiers Jeux modernes à l'arrivée des femmes
Cette période est troublée par la Première Guerre mondiale - qui provoquera l'annulation des JO de 1916 prévus à Berlin - mais aussi par les relations gréco-turques et par Pierre de Coubertin lui-même, pour qui participer se conjugue uniquement au masculin.
1896, premiers jeux modernes à Athènes et premier couac: la Turquie décide un boycott en raison de ses nombreux antagonismes avec la Grèce. Un siècle plus tard, les deux pays se disputent toujours la souveraineté de Chypre.
Les Jeux de 1920 et 1924, organisés par les villes d'Anvers et de Paris se font en l'absence de l'Allemagne. Cette fois, c'est la communauté internationale qui décide de l'exclusion en représailles au déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914-1918).
En 1928, à Amsterdam, c'est Pierre de Coubertin lui-même qui se fâche. "L'inventeur" des JO voit en effet d'un très mauvais œil l'arrivée des femmes dont la participation à certaines épreuves vient d'être autorisée. Le retour de la délégation allemande (après 16 ans d'absence) provoque quant à lui le boycott de la cérémonie d'ouverture par la France pour une sombre histoire d'accès au stade. Dix ans après la fin de la Grande Guerre, l'incident diplomatique entre les deux nations est évité de justesse.
De 1936 à 1968
Des Jeux de Berlin à ceux de Mexico
Montée du nazisme en Allemagne, deuxième guerre mondiale, invasion soviétique, droits civiques aux USA, crise du Canal de Suez… La Suisse elle-même finit pas s'asseoir sur sa neutralité et boycotte les JO de 1956.
En 1936, Berlin obtient enfin ces Jeux qui doivent servir de propagande au régime nazi. Hélas pour le Führer et ses idées de supériorité de la race blanche, le sprinteur noir-américain Jesse Owens rafle quatre médailles d'or.
Après les annulations des éditions de 1940 et 1944 pour cause de guerre mondiale, c'est Londres qui accueille les Jeux de 1948. L'Angleterre est exsangue au point que certaines délégations débarquent avec leurs propres vivres. L'Allemagne, vaincue trois ans plus tôt par les alliés, n'est pas invitée et le Japon refuse d'envoyer ses athlètes.
En 1956, les JO se déroulent pour la première fois dans l'hémisphère sud, à Melbourne, mais gardent leurs habitudes contestataires. Pour protester contre l'invasion de la Hongrie par les Soviétiques, l'Espagne, les Pays-Bas et la Suisse boycottent la manifestation. L'Egypte, l'Irak et le Liban en font autant pour dénoncer les événements du Canal de Suez et la présence d'Israël aux JO. Quant à la délégation chinoise, elle voit rouge lorsque le drapeau de Taïwan est hissé et se retire en bloc.
Grande première à Mexico, en 1968: le CIO lui-même exclut l'Afrique du Sud en raison de sa politique d'apartheid! Mais surtout, alors que dans leur pays le leader Martin Luther King vient d'être assassiné, deux athlètes noirs entrent dans la légende. Premier et deuxième du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos reçoivent leur médaille puis baissent la tête et lèvent un poing ganté de cuir noir vers le ciel pour soutenir les Black Panthers. Ils seront exclus à vie des Jeux olympiques mais l'image fera le tour du monde et contribuera à l'essor des droits civiques pour les noirs américains.
De 1972 à aujourd'hui
Des JO de Munich à ceux de Sotchi
Cette fois les revendications prennent la forme d'une extrême violence et les JO doivent déplorer leurs premières victimes. Les boycotts, eux, deviennent massifs puisqu'en trois éditions (1976; 1980; 1984) 93 nations déclinent l'invitation!
Les JO de Munich, en 1972, resteront tristement célèbres. Le 5 septembre, un commando palestinien prend en otage neuf athlètes israéliens. Les terroristes en exécutent deux puis exigent la libération de 200 de leurs compatriotes détenus en Israël. Ils se réfugient ensuite avec leurs otages dans un avion prêt à décoller mais la police allemande donne l'assaut. Bilan: 18 morts. Les jeux reprennent après une courte pause mais le cœur n'y est plus.
Quatre ans plus tard, à Montréal en 1976, c'est la petite Nouvelle-Zélande qui fait des remous. Celle-ci a eu le tort d'envoyer son équipe nationale de rugby faire une tournée en Afrique du Sud. En ces temps d'apartheid, le geste est fort peu apprécié par 28 pays africains qui décident en bloc de boycotter les JO.
Le record du nombre de pays absents sera battu à Moscou en 1980. Il faut dire que les soviétiques ont très mal choisi leur moment pour envahir l'Afghanistan (décembre 1979). Menée par les États-Unis, une coalition de 50 (!) nations décide de ne pas se rendre en URSS. Parmi celles-ci, de nombreux pays musulmans qui considèrent cette invasion comme une attaque contre l'islam.
La vengeance est un plat qui se mange tiède au pays des Soviets. En 1984, c'est au tour de Los Angeles d'organiser l'événement et, bien sûr, Moscou boude. L'URSS entraîne dans son sillage 15 pays du bloc de l'est. Étrangement, la Roumanie, la Chine et la Yougoslavie ne s'alignent pas sur les positions moscovites et se rendent aux États-Unis.
Enfin, 1988 marque le boycott des jeux de Séoul par le voisin nord-coréen, fâché qu'on lui en ait refusé la co-organisation. En 2008, malgré les nombreuses protestations, la Chine est épargnée par son statut de premier client de l'Occident. Après Vancouver en 2010 et Londres en 2012, c'est Sotchi, en Russie, qui reçoit les JO en 2014, sur fond de polémique liée à la politique anti-gay de Vladimir Poutine.
Et en observant la situation politique mondiale, on s'aperçoit qu'aujourd'hui encore les équilibres sont précaires et les conflits omniprésents. Les Jeux olympiques - événement le plus médiatisé au monde - sont donc promis à de nouvelles contestations.
Crédits
RTS Découverte - 2018