On connaît - et on apprécie - Médecins Sans Frontières.
On écoute - et on respecte - Reporters Sans Frontières.
Il est temps de créer - et de défendre - Caricatures Sans Frontières.
Car il ne doit pas y avoir de frontières pour les caricaturistes. Ni frontières, ni limites, ni restrictions, ni censures.
C'est la spécificité même du caricaturiste de "grossir le trait", de souligner - en les exagérant - les travers d'une situation, d'une institution ou d'une personne.
C'est le talent du caricaturiste de faire passer, d'un trait de crayon, un message d'illustration, d'explication, voire même de suggestion.
C'est à ce titre que le dessinateur de presse, quelles que soient ses convictions ou les lignes éditoriales des médias pour lesquels il oeuvre, diffère notablement de ses confrères, en ce qu'il a le droit (le devoir?), de ne pas s'en tenir aux seuls faits, mais bien plutôt de laisser libre cours à ses sens de l'interprétation et de l'extrapolation.
Poser la sempiternelle question: "Y a-t-il, pour ces dessinateurs, une ligne rouge à ne pas franchir?" relève donc de la méconnaissance et de l'hypocrisie. Cette liberté-là est entière; elle est durable; elle est incontestable; elle est, principe des principes, la garantie formelle d'une indépendance éditoriale.
Ces libertés, les journalistes de Charlie Hebdo en ont toujours usé! Ô combien!
Et alors?
Que l'on sache, nul, en République, n'a jamais été contraint de se procurer, de lire et d’approuver Charlie Hebdo!
La liberté du magazine était de savoir vendre.
Celle des mécontents, des aigris ou des indifférents était de pouvoir ne pas acheter.
Voilà pourquoi, sur le plan des principes journalistiques, il n'y a pas lieu d'ouvrir - une nouvelle et inutile fois - ce débat sur une possible limitation du droit des caricaturistes à déformer les traits de leurs "victimes", pour mieux les dénoncer.
Pas de frontières, ni dans le temps, ni dans l'espace, et encore moins dans les esprits, pour nos confrères de plume. Pas de limites, ni religieuses, ni politiques, pour nos amis du stylo.
Il faut le rappeler. A dessein. Pardon, à dessin!
Xavier Colin, producteur et journaliste, Geopolitis, RTS