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La peine de mort au fil du temps

Cesare Beccaria, juriste et abolitionniste (1738-1794)
Cesare Beccaria, juriste et abolitionniste (1738-1794)
La peine de mort est un châtiment qui voyage à travers les siècles, l'un des plus anciens inventé par l'humanité. Un débat qui suscite les passions: pour ou contre, efficace ou non, légale ou pas. Mais de quoi parle-t-on exactement?

Qu'est ce que la peine de mort?

C'est une peine prévue par la loi. Elle prive une personne de sa vie, au terme d'un procès qui conclut que cette personne a commis un crime capital. Les définitions et les méthodes d'exécution varient au cours du temps, des régimes politiques et des croyances. De nos jours, il existe encore sept formes d'exécution: l'injection létale, l'électrocution (la chaise électrique), la pendaison, la fusillade, l'asphyxie par gaz, la décapitation et la lapidation. Actuellement dans le monde, 92 pays ont complètement aboli la peine de mort, 10 l'ont abolie pour les crimes de droit commun et 36 ne pratiquent pas d'exécutions depuis plus de 10 ans ou appliquent un moratoire sur cette peine. L'abolition de la peine de mort progresse dans le monde: de 16 pays abolitionnistes en 1977, on est passé à 92 en 2008. Cependant, 59 États la pratiquent encore. En 2008, selon Amnesty International, au moins 2390 personnes ont été exécutées dans 25 pays et au moins 8864 personnes ont été condamnées à mort dans 52 pays du monde.

Dès l'Antiquité

D'un point de vue historique, l'existence de la peine de mort est documentée depuis l'Antiquité, où elle apparaît dans certains textes de loi (le Code d'Hammurabi chez les Babyloniens, 1750 ans avant notre ère). Elle a toujours représenté la peine maximale du système judiciaire des États. En tant que telle, elle ne devait pas être utilisée trop fréquemment. Pour les Grecs et les Romains, elle avait plusieurs fonctions: faire expier le condamné, protéger la société, satisfaire la victime et dissuader les criminels. Cependant, l'idée est apparue très tôt que la peine de mort était le dernier recours. Il fallait auparavant tenter d'autres moyens de compensation pour le crime commis et de réhabilitation des coupables.

L'application de la peine de mort a fluctué dans le temps avec la politique des États, l'influence des religions, la nécessité ou non de faire des exemples pour le peuple et d'empêcher les vengeances personnelles. Elle était régulièrement accomplie par la torture, le condamné devant regretter son crime et servir d'exemple. Pourtant les tortures pratiquées en public ont parfois atteint un tel niveau d'horreur que l'idée d'une abolition de la peine de mort a germé et progressivement pris de l'ampleur.

Premier abolitionniste

En 1764, Cesare Beccaria, juriste et philosophe, publie «Des délits et des peines», qui fait date en matière de droit pénal. Il recommande de proportionner le crime au délit et de supprimer la torture et la peine de mort, jugées barbares. Cet ouvrage, traduit dans toute l'Europe, inspire des réformes judiciaires et contient la première démonstration de l'inutilité de la peine de mort. Depuis la peine de mort a été lentement abolie en Europe, avec une tendance qui s'est accélérée dans les 30 dernières années.

Dans le monde, peu de démocraties l'appliquent, mais les exécutions ont cependant repris après une suspension correspondant à des interrogations sur l'abolition. Elle reste très présente aux États-Unis, où plus de 1000 condamnés l'ont subie depuis 40 ans. La Chine, pays le plus peuplé au monde, exécute plus de personnes que tous les autres pays réunis. Selon Amnesty International, en 2008, 1718 personnes ont été exécutées en Chine, sur un total de 1838 exécutions dans le monde. La Chine représente donc 93% des exécutions mondiales. Aux États-Unis, c'est le Texas qui l'emporte, totalisant à lui seul presque 40% des exécutions du pays.

ONU et peine de mort

Au niveau international, la Charte des Nations Unies a défini et observé le principe de non ingérence dans les affaires des États, ce qui signifiait que chaque état pouvait appliquer la peine de mort à sa guise. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un certain nombre de textes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ont vu le jour. Notamment la déclaration universelle des droits de l'homme et des résolutions récentes de l'ONU appelant à un moratoire sur les exécutions (2007). Depuis l'an 2000, l'admission au Conseil de l'Europe et l'appartenance à l'Union Européenne passent obligatoirement par l'abolition de la peine de mort pour les États candidats.

Agathe Charvet, collaboratrice scientifique du Triangle Azur;

Ludivine Ferreira, doctorante au département de droit pénal de l'Université de Neuchâtel; Pr. André Kuhn, faculté de droit et de sciences criminelles de l'Université de Lausanne

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Evolution des condamnations à mort et exécutions dans le monde

1998: 3'899 condamnés à mort dans 78 pays, 2'258 exécutions dans 37 pays

2000: 3'058 condamnés à mort dans 65 pays, 1'457 exécutions dans 28 pays

2002: 3'248 condamnés à mort dans 67 pays, 1'526 exécutions dans 31 pays

2004: 7'395 condamnés à mort dans 64 pays, 3'797 exécutions dans 25 pays

2006: 3'861 condamnés à mort dans 55 pays, 1'591 exécutions dans 25 pays

2008: 8'864 condamnés à mort dans 52 pays, 2'390 exécutions dans 25 pays

Faits et chiffres

L'abolition de la peine de mort est en progression constante dans le monde. Selon le rapport d'Amnesty International en 2008 :
138 États ont aboli la peine de mort ou ne la pratiquent plus.
Parmi ceux-ci :
92 États l'ont abolie pour tous les crimes.
10 États ne l'utilisent qu'en cas de guerre ou d'exception, mais plus pour les crimes commis en temps de paix.
36 États la conservent dans leur législation pour les crimes de droit commun (ex. le meurtre) mais ne la pratiquent plus depuis plus de 10 ans ou se sont engagés à ne pas la pratiquer.
59 États maintiennent la peine de mort mais tous ne la pratiquent pas.

En 2008: Au moins 2'390 personnes ont été exécutées dans 25 pays dont 1'718 en Chine seulement
Au moins 8'864 ont été condamnées à mort dans 52 États.