La réponse à cette question dépend beaucoup de ce que l’on veut dire par "au service de nos besoins".
Si l’on comprend ce terme de la manière la plus littérale possible, et que l’on observe ce dont nous avons besoin, alors on se rend très vite compte que nous ne pourrions pas survivre sans les plantes et les autres animaux. Sans les autres organismes vivants, pas d’oxygène ni de nourriture d’aucune sorte. Nous dépendons d’eux pour notre survie. Un grand nombre d’entre eux sont donc, très concrètement, en train de répondre à nos besoins en permanence. Dans ce sens, oui, ils sont au service de nos besoins.
Mais c’est peut-être une autre question qui vous intéresse, en fait. "Les animaux et les plantes sont-ils au service de nos besoins?", cela peut aussi vouloir dire "Pouvons-nous utiliser les animaux et les plantes comme bon nous semble?". Sur cette question, les avis divergent nettement davantage.
Il y a, en simplifiant un peu, trois catégories de réponse à cette question. Selon une première approche, dite "anthropocentriste" ou "centrée sur l’être humain", seuls les humains peuvent être directement concernés par des valeurs morales. Les autres animaux et les plantes n’ont aucun droits, et n’ont donc ici qu’une importance secondaire. Lorsque les utiliser sert nos besoins, nous pouvons en faire usage. Il y a des limites à cet usage, bien sûr, mais ces limites sont, elles aussi, centrées sur des intérêts humains. Par exemple, on considérera qu’être cruel envers les animaux non humains est mal, parce que cela risque de nous habituer à la cruauté aussi envers les êtres humains. On considérera également qu’épuiser les ressources naturelles d’un écosystème est mal, mais c’est parce que c’est contraire aux intérêts humains que de le faire.
Selon une deuxième approche, dite "biocentriste" ou "centrée sur la vie", les animaux non humains et les plantes ont une valeur indépendante de nous et équivalente à la nôtre. Ils ne sont pas à notre service; nous ne pouvons pas en faire l’usage que nous choisissons, et nous devons respecter leurs propres besoins. Si nous décidons néanmoins de les utiliser pour notre intérêt sans tenir compte du leur, cette approche considère que c’est de l’exploitation ou même de l’esclavage. Certains défenseurs des droits des animaux utilisent d’ailleurs explicitement ces termes. Il est important de noter que, même dans cette approche, les animaux et les plantes nous rendent quand même des services. Nous continuons de respirer de l’oxygène et de manger. Il est cependant interdit de les asservir. Nous ne pouvons pas sacrifier leurs intérêts au nôtre.
Entre ces deux positions un peu extrêmes, il y aurait une troisième catégorie pour les approches qui tenteraient de concilier et d’équilibrer les intérêts humains et les intérêts des autres animaux et des plantes. Par exemple, on peut considérer que l’élevage et l’agriculture, qui favorisent clairement des intérêts humains, favorisent aussi certains intérêts des espèces qui en font l’objet. Le maïs, diffusé dans le monde entier après l’invasion des Amériques, a permis d’améliorer la vie de populations entières. Mais on peut aussi considérer qu’en fait c’est le maïs qui a conquis la planète en se servant de nous. Plutôt que de se demander s’il faut donner la priorité aux intérêts humains ou aux intérêts d’autres êtres vivants, on peut rechercher un rapport de réciprocité où les besoins des uns et des autres seraient mutuellement servis. Il n’est pas impossible que les débuts de l’agriculture et de l’élevage aient ainsi reposé sur une forme de contrat tacite pour une aide mutuelle. Les conditions de vie des animaux d’élevage peuvent être meilleures que les conditions à l’état sauvage: les éleveurs nourrissent les animaux, favorisent leur reproduction et les protègent contre les (autres) prédateurs. Les intérêts des êtres humains et ceux des autres animaux ne sont donc pas obligatoirement en opposition.
Pourtant, si l’on considère les conditions qui ont majoritairement cours dans l’élevage aujourd’hui, on est obligés de constater (et c’est peu dire) que nous ne respectons pas entièrement notre part de ce contrat. Sur le plan de la reproduction, la plupart des animaux d’élevage se portent plutôt bien. Sur le plan de la qualité de leur vie, c’est toute une autre histoire.
"Pouvons-nous continuer de voir certains de nos besoins remplis par les plantes et les autres animaux?" Oui, bien sûr, nous n’avons d’ailleurs pas d’autre choix. "Pouvons-nous utiliser les autres animaux et les plantes comme bon nous semble, sans tenir compte de leurs besoins à eux?" Même si cette question est plus controversée, de plus en plus de personnes répondraient que non. "Comment mieux équilibrer les besoins des humains et ceux d’autres êtres vivants?" Nous ne connaissons pas entièrement la réponse à cette question, mais nous savons qu’elle est importante.
Une autre réponse à cette même question a été donnée par le Dr Bernard Baertschi. On peut la lire ici.