Bonjour mon petit, merci pour cette question intéressante!
Pour tenter d’y apporter une réponse, je procéderai en deux temps. D’une part, en me plaçant du point de vue de tout un chacun, et d’autre part du point de vue du scientifique. Et tu verras que la réponse peut changer de manière significative.
Dans un premier temps, allons donc faire nos courses au supermarché du coin pour acheter des œufs. Demandons alors au marchand où se trouve le rayon des œufs. Il nous indiquera, sans hésiter (car comme tout le monde, il sait très bien ce qu’est un œuf) le rayon des produits frais, à côté du lait ou du beurre. Ouvrons la boite et observons ces fameux œufs. Ils ont été pondus par une poule (ça c’est marqué sur l’emballage), ils sont blancs ou rosâtres, de forme régulière avec une extrémité plus large que l’autre (notons déjà qu’il est extrêmement difficile de définir la forme d’un œuf, on pourra dire selon qu’on se le représente à plat ou en volume qu’il est soit ovale soit ovoïde. Ces deux mots signifiants qui a la forme d’un œuf, tu en déduiras immédiatement qu’un œuf à la forme d’un œuf! Elémentaire! Même si la forme d’un œuf a l’air très simple en apparence, il est très difficile de la représenter par une fonction mathématique (contrairement au cercle ou à la sphère), ils possèdent une coquille calcifiée (en calcaire) et si je regarde de très près je remarque une multitude de petits trous à la surface (les pores qui permettent le passage des gaz respiratoires).
Mince! Je viens de faire tomber la boite! Profitons-en, avant de nous faire attraper par le vendeur, pour observer ce qui se trouve à l’intérieur de l’œuf. On observera donc un certain nombre de structures, telles qu’une double membrane qui isole la partie fluide de la coquille. On remarquera même une bulle d’air entre ces deux membranes à l’arrière de l’œuf. On verra également une partie transparente et gluante, le blanc d’œuf (il en existe même de deux types si tu regardes bien, un pâteux qui fait un peu comme des gros grumeaux et un plus liquide autour du jaune), des filaments blancs un peu entortillés (les chalazes qui maintiennent le jaune d’œuf au milieu du blanc), le jaune d’œuf (le vitellus) et normalement, une petite tache blanche à la surface du jaune, le disque germinal. Tiens! C’est bizarre, on ne le voit pas très bien sur ces œufs.
Bon, ce n’est pas très grave, allons voir maintenant du côté de la poissonnerie. Regarde ces bocaux entreposés au frais. Ils contiennent des milliers de petites billes de couleur rouge ou noire, pour les plus petits ou orange pour les plus gros. Eh bien, il s’agit également d’œufs, mais d’œufs de poisson. Tu remarques qu’ils n’ont pas de coquille, mais une membrane qui les recouvre, on ne distingue pas non plus de blanc et de jaune séparés mais un contenu plus uniforme, le vitellus (il en existe de deux types, mais c’est difficile à observer à l’œil nu). Regarde désormais l’étal du poissonnier. On y voit tout un lot de grosses crevettes roses. Regarde sous l’abdomen de certaines d’entre elles, tu y observeras, collées sur des sortes de nageoires (en fait il s’agit de pattes nageuses, les pléopodes), des masses roses ou grises constituées de minuscules petites billes. Il s’agit encore d’œufs. Ils sont très petits, ne possèdent pas de coquilles mais plusieurs membranes… Bref, tu viens de t’apercevoir qu’il existait plusieurs sortes d’œufs, toutes assez différentes les unes des autres, en taille, en forme et caractéristiques, et qui sont pondus par différents groupes animaux.
Les oiseaux pondent les plus gros œufs du monde animal actuel avec, par exemple, celui de l’autruche qui pèse en moyenne 1.5 kilo ou même celui du plus petit oiseau, le colibri d’Hélène, dont l’œuf pèse environ un quart de gramme. Eh oui, même l’œuf du plus petit oiseau du monde est encore beaucoup plus gros que celui des crevettes que nous avons vues. Les oiseaux, les reptiles (mais là je me répète car les oiseaux sont à rapprocher des reptiles, leurs plus proches parents actuels étant les crocodiles), certains mammifères (les monotrèmes comme l’ornithorynque et l’échidné), les grenouilles (tous les amphibiens) mais aussi, comme nous l’avons vu, les poissons, les crustacés (en fait une très grande majorité des arthropodes dont font également partie les insectes et arachnides), les mollusques, les oursins et étoiles de mer (les échinodermes), les vers (de très nombreux groupes parasites ou non), les rotifères, les coraux-méduses-anémones de mer (les cnidaires), les éponges (les spongiaires)… en résumé, une très grande majorité d’animaux pondent des œufs de toute sorte, même parfois de très surprenants. Les raies ou les roussettes, ces petits requins côtiers, pondent des œufs carrés ou rectangulaires, alors que le requin Port Jackson pond des œufs en tire-bouchon. Et parmi les groupes précédemment cités, certaines espèces pondent des œufs, et d’autres pas. Tu vois qu’il est très difficile de donner une règle générale pour dire "tous ces animaux pondent des œufs et pas les autres", car il existe toujours des exceptions.
Je te donne maintenant le point de vue du scientifique sur tous ces œufs dont nous venons de parler. Eh bien, c’est très simple, pour le scientifique, aucun d’entre eux ne sont des œufs. En biologie, on parlera de cellule-œuf, car il s’agit effectivement de la première étape unicellulaire de la formation d’un être vivant. Dès que cette cellule entrera en division on parlera déjà d’embryon. De même, pour obtenir un œuf, il faut que cette cellule ait été fécondée, c’est-à-dire qu’une cellule mâle (en fait, une demi-cellule), c’est-à-dire un spermatozoïde, soit entrée dans une cellule femelle (là encore une demi cellule), l’ovocyte, pour réunir les patrimoines génétiques (les gènes portés par les chromosomes) des deux parents. Dès que ces deux demi-cellules auront fusionné en une seule, on aura un œuf. Cet œuf va entrer rapidement en division pour former un embryon; embryon qui continuera son développement jusqu’à l’éclosion.
Alors, souviens-toi de l’œuf de poule de tout à l’heure. On ne voyait pas bien le disque germinal à la surface du jaune. Cela signifie que cet œuf de poule n’était pas fécondé. Et il est vrai que pour féconder une poule, on a besoin d’un coq, animal assez rare dans les batteries de ponte industrielles. En fait, toutes ces boîtes d’œufs sont des boites d’ovocytes, c’est-à-dire des demi-cellules féminines non fécondées. Si je place tous ces œufs dans une couveuse (ou sous une poule), je n’obtiendrai jamais de poussin car il n’y a pas d’embryon à l’intérieur (la fameuse petite tache blanche du disque germinal). Il en est de même pour les œufs de poissons: ce sont des ovocytes et non des œufs, car ils ne sont pas fécondés. Et les œufs de crevette me diras-tu? Eh bien, ce ne sont plus des œufs, mais déjà des embryons.
Et comme je suis taquin, concernant les œufs de poule, lorsqu’ils sortent du cloaque de la poule et qu’ils ont bien été fécondés par le coq, ils en sont déjà au stade de 16’000 cellules au moment de l’expulsion. Dans ce cas-là, la poule pond donc des embryons, le stade ‘œuf’ se déroulant dans son ventre. Pour les poissons, la fécondation a lieu dans l’eau, à l’extérieur. Là encore, la femelle poisson ne pond pas des œufs, mais des ovocytes. C’est compliqué tout cela. Pour simplifier un peu, car je sens que tu es au bord de la crise de nerf, je peux te dire que tous les animaux à reproduction sexuée produisent des œufs. Même toi, tu es issu d’un œuf. Toutefois, les lieux de fécondation, à l’intérieur du corps ou dans le milieu environnant, et d’incubation (là encore à l’intérieur du corps ou à l’extérieur) varient considérablement entre espèces et toutes les combinaisons existent.
On a bien essayé de classer les animaux en fonction du mode d’incubation, mais là encore, le système n’est pas très rigoureux. On considère que les animaux ovipares pondent des œufs. Or, au vu de ce que je viens de t’expliquer, tu vois tout de suite que ça ne marche pas très bien, car les animaux ovipares terrestres pondent généralement des embryons (les oiseaux, reptiles, mammifères, insectes… et dans ce cas, faut-il considérer les amphibiens comme les grenouilles, ou les salamandres comme des animaux terrestres, car ils vivent en grande partie sur la terre ferme, ou comme des animaux aquatiques, car ils se reproduisent tous dans l’eau et la fécondation est externe, la femelle pondant des ovocytes ?), alors que les animaux aquatiques pondent des ovocytes (poissons, cnidaires, spongiaires… et là encore il y a beaucoup d’exceptions, de nombreux crustacés pondant quant à eux des embryons).
Allez, j’arrête de te taquiner. Même si ce n’est pas très rigoureux, tu peux considérer les animaux ovipares comme étant des pondeurs d’œufs, c’est-à-dire qu’ils émettent et déposent à l’extérieur leurs futurs petits qui continueront leur développement tranquillement en se nourrissant des réserves vitellines accumulées préalablement. Mais n’oublie pas qu’il ne s’agit que d’une approximation, assez éloignée de la réalité biologique de ce qu’est un œuf…