Mettre en acte mes rêves érotiques, était un de mes fantasmes d’adolescent. Malheureusement avec l’âge mes rêves ont quelque peu changé et il ne m’est pas plus possible qu’avant de les « agir dans la réalité ».
Est-ce qu’agir ses rêves serait une particularité du jeune adulte ?
« Agir ses rêves » veut dire avoir une activité musculaire se traduisant par un comportement corrélé à un support onirique. Généralement, les rêves, comme on l’entend couramment, concernent une période particulière du sommeil qu’on appelle le sommeil paradoxal, caractérisé par une activité cérébrale intense associée à une inhibition de la motricité volontaire complète (atonie musculaire). N’échappent à cette inhibition que des mouvements oculaires et respiratoires.
Dans les années septante, Michel Jouvet, un des pionniers de la recherche sur le sommeil a réussi à abolir l’atonie musculaire caractéristique du sommeil paradoxal en faisant des lésions du tronc cérébral chez le chat et a pu ainsi observer un répertoire de comportements oniriques (orientation, exploration, poursuite de proie, attaque) chez ces chats en sommeil paradoxal.
Chez l’homme, suite à des pathologies du tronc cérébral (lésion vasculaire, tumorale, traumatique, sclérose en plaque) de tels troubles du comportement durant le sommeil paradoxal existent. Le plus souvent ils concernent les hommes de plus de 50 ans (80%) et sont en relation ou annoncent une maladie dégénérative (maladie de Parkinson par ex.). Le mécanisme semble impliquer une dysrégulation entre des neurotransmetteurs (balance entre dopamine-achétylcholine et sérotonine). Des facteurs toxiques comme un sevrage en alcool, en cocaïne, amphétamine, barbiturique ou la prise de certains psychotrope (antidépresseurs) peuvent provoquer des troubles du comportement durant le sommeil paradoxal. Ces troubles sont peu invalidants lorsqu’ils concernent des comportements simples (parler, gesticuler, pantomime de manipulation d’objets). Ils deviennent pathologiques lorsqu’il y a souffrance du sujet et/ou de son « partenaire de lit », car un comportement plus complexe peut finir par réveiller le sujet et donc « fragmenter » son sommeil ou blesser le sujet ou son « partenaire » (comportement de préhension, coups de poings ou de pieds, agitation, cri, déambulation). Une étude montre que 32% des personnes finissent par consulter suite à une blessure du sujet, 16% suite à une blessure infligée au « partenaire ». Dans plus de 60%, les sujets décrivent des rêves de défense contre une agression humaine, 30% contre une agression animale.
Chez l’adulte certaines crises épileptiques partielles (surtout frontales) ou des attaques de panique nocturne peuvent prêter à confusion. Les troubles du comportement durant le sommeil paradoxal concernent 0.5% de la population, essentiellement des personnes âgées. Une analyse des rêves tout venant chez ces personnes souffrant de ces troubles montre une proportion augmentée d’interactions violentes (contrastant souvent avec des personnes placides la journée) et une diminution des rêves à interactions sexuelles.
Agir ses rêves reste donc une pathologie rare chez les jeunes et ne concernent qu’une minorité de patients souffrant de narcolepsie, une maladie caractérisée par une somnolence pathologique la journée et des chutes du tonus musculaires durant la veille (cataplexie). Les troubles du comportement chez le jeune peuvent être confondus avec d’autres parasomnies tel le somnambulisme, l’éveil confusionnel (apparaissant en sommeil lent profond) ou des cauchemars.
« Faites l’amour, pas la guerre » restera donc encore longtemps un rêve d’adolescent