Le 5 juin 1981, le Centre de contrôle des maladies d'Atlanta (CDC), aux Etats-Unis, inquiet en raison d'une fréquence anormalement élevée de sarcomes de Kaposi, donne l'alerte. Une nouvelle maladie infectieuse frappe les homosexuels de Californie.
Cette date marque le début de l'épidémie de sida, même si les premiers signes remontent à la fin des années 1970 quand des médecins de San Francisco et de New York font le constat que nombre de patients homosexuels souffrent d'asthénie ou de perte de poids, détaille Wikipédia.
1981 - Le sida, une maladie qui touche tout le monde
On ne nomme alors pas encore le sida ainsi. La maladie est d'abord appelée "gay cancer", "gay pneumonia" ou "Grid" (voir lexique ci-contre), car les cas connus ne concernent alors que des hommes homosexuels.
Ces dénominations sont abandonnées lorsque d'autres personnes - des hétérosexuels, des transfusés, des hémophiles - sont touchées, pas seulement aux Etats-Unis, mais progressivement partout à travers le monde. La maladie, mortelle, devient un sujet d'inquiétude sanitaire mondial.
On commence à comprendre que le virus se transmet non seulement par voie sexuelle entre homosexuels, mais aussi entre hétérosexuels et aussi par voie sanguine lors de transfusions ou via les coagulants pris par les hémophiles. On sait aussi que le virus peut se transmettre de la mère à l'enfant lors de la grossesse, de l'accouchement et de l'allaitement.
Mais la croyance selon laquelle le sida se transmet aussi lorsqu'on partage le même verre persiste longtemps, avec pour conséquence la quasi mise au ban de la société des personnes atteintes par la maladie. On craint de leur serrer la main ou de partager des repas comme la fondue avec eux.
Dès 1982 aux Etats-Unis, le nom de sida - d'abord pour Acquired Immune Deficiency Syndrome, puis pour Acquired Immundeficiency Syndrome - est donné à la maladie. En français, cela donne "sida", pour syndrome d'immunodéficience acquise.
1983 - Le VIH et le sida
C'est alors que l'on commence à parler du sida en Europe. En mai 1983, l'Institut Pasteur publie dans la revue Science la première description du virus responsable du sida. Les chercheurs qui ont isolé le virus - Luc Montagnier, Jean-Claude Chermann et Françoise Barré-Sinoussi - l'appellent alors le Lymphadenopathy Associated Virus (LAV). Il deviendra par la suite VIH-1.
Quinze ans plus tard, cette équipe de scientifiques reçoit le prix Nobel de médecine pour cette découverte, revendiquée en 1984 par le chercheur américain Robert Gallo, qui est finalement reconnu coupable de fraude scientifique en 1994 par le gouvernement américain.
En 1985, le laboratoire américain Abbott et l'institut Pasteur, deux organismes concurrents, mettent au point chacun de leur côté un test de dépistage du sida. Ces deux laboratoires se livreront une bataille acharnée, explique Le Monde diplomatique dans un article de 1999, et le retard pris pour livrer des tests de dépistage ne sera pas étranger au scandale du sang contaminé, qui se produit dans plusieurs pays.
Des milliers de personnes sont contaminées lors de transfusions sanguines en raison de produits contenant le virus, les donneurs n'étant pas systématiquement soumis au test de dépistage et le sang récolté n'étant pas encore chauffé pour éradiquer le virus.
Mondial, le problème devient un réel sujet d'inquiétude. En 1987, l'Assemblée générale des Nations unies invite tous les pays membres et toutes les agences onusiennes à lutter contre la pandémie. La communauté scientifique se mobilise pour trouver un vaccin. Et, selon Wikipédia, le VIH/sida devient le virus le plus étudié au monde.
Les années 90 - Les campagnes et la désinformation
Dès lors, de nombreuses campagnes de prévention sont lancées pour inciter la population à utiliser des préservatifs lors des relations sexuelles pour éviter toute contamination. On encourage aussi les drogués à ne pas partager leurs seringues.
Des stars se mobilisent pour mieux faire connaître la maladie et faire tomber les stéréotypes. Des films font date, comme Les nuits fauves, de Cyril Collard, en France, ou Philadelphia, avec Tom Hanks, aux Etats-Unis (voir la galerie photo ci-jointe).
Mais dans certains pays, des campagnes de désinformation sont lancées, comme l'"Opération Infektion" en Russie. Dès 1983, le KGB, en parallèle avec la Stasi, répand la rumeur selon laquelle c'est le Pentagone qui a créé le virus du sida pour en faire une arme biologique. La campagne est abandonnée en 1987 sous la pression diplomatique américaine.
Dans certains pays d'Afrique, on rebaptise le sida "Syndrome inventé pour décourager les amoureux", en en faisant une invention occidentale destinée à juguler l'explosion démographique du continent, minimisant son danger.
Le Vatican, alors dirigé par Jean Paul II, condamne l'usage du préservatif, seul moyen permettant d'éviter la contamination lors de rapports sexuels, prônant l'abstinence et désespérant tous ceux qui luttent contre l'épidémie.
1996 - Les trithérapies
Parallèlement, les recherches se poursuivent dans l'espoir de trouver un vaccin. Proposées depuis 1996, les trithérapies, qui permettent de freiner la transformation du HIV en sida chez les patients, sont mises au point. Là où les malades ont accès à ces traitements, la maladie est devenue une maladie chronique. L'espérance de vie des malades est considérablement prolongée. Et les personnes séropositives peuvent mener une vie quasiment normale, avec même la possibilité d'avoir des enfants sans leur transmettre le virus. Corollaire, de nouvelles problématiques, comme celle de vieillir avec le sida.
Mais des inégalités frappent certaines régions du monde, en particulier l'Afrique subsaharienne. Cette zone, la plus touchée par le virus, n'a que peu accès aux trithérapies, qui coûtent cher. Et le sida continue d'y faire des ravages.
Les années 2010 - Le sida aujourd'hui
Aujourd'hui, on parle beaucoup moins du sida, ce qui inquiète les experts, qui craignent un rebond de l'épidémie. A ce jour, aucun vaccin n'a été trouvé. Le sida a fait 30 millions de morts en 30 ans. En 2011, 34,2 millions de personnes vivaient avec le VIH/sida dans le monde (voir encadré).
Et les préjugés persistent. Cela reste difficile pour une personne atteinte de faire part de sa maladie. Elle est souvent vue comme ayant fait quelque chose de mal. Et dans l'esprit de la plupart des gens, le sida reste une maladie "pas comme les autres".
Nathalie Hof
Sources: ONUSIDA, OMS, OFSP, Institut Pasteur, check-your-lovelife, Wikipédia.