Bonjour Sister et quelle drôle de question. Pourquoi penses-tu que les requins puissent être aveugles? Ils possèdent pourtant bien deux yeux, un de chaque côté de la tête et, jusqu’à preuve du contraire, les yeux servent à voir ce qui nous entoure. Les yeux sont des organes sensoriels complexes qui permettent aux animaux de percevoir les signaux lumineux et de les interpréter en termes d’images plus ou moins nettes. Différentes structures permettent de réguler le flux de lumière entrant (comme l’iris; amuse toi, par exemple, à cacher un de tes yeux avec une main devant un miroir bien éclairé et de la retirer d’un seul coup, tu pourras observer la dilatation et la contraction de l’iris pour éviter l’éblouissement dû à une trop grande quantité de lumière entrante), d’autre permettent de faire la mise au point et d’avoir une image nette (comme le cristallin), d’autres sont les récepteurs à proprement parler et tapissent le fond de l’œil, que l’on appelle la rétine. Ces récepteurs cellulaires sont de différents types et, pour simplifier, certains permettent de visualiser les ombres et zones plus claires (les bâtonnets) et d’autres les couleurs (les cônes). Ce sont eux qui traduisent les informations lumineuses en informations électriques analysables par le cerveau. Le lien entre les yeux et le cerveau se fait directement via les nerfs optiques.
Alors, qu’en est-il de l’œil de notre requin? Eh bien, il fonctionne également selon ce principe général, et s’avère même être très performant. Les requins possèdent, à l’instar de nombreux vertébrés (comme le chat par exemple), une structure particulière dans leur rétine, le tapetum lucidum (mot très pompeux pour dire "tapis clair" et passer pour plus malin que les autres en société…). Ce "tapis clair" permet d’augmenter, par réflexion, la quantité de lumière captée par la rétine et, ainsi, améliore significativement la vision du requin en milieu obscur. Les requins voient très bien dans le noir, bien qu’ils soient daltoniens (ils ne perçoivent pas toutes les couleurs).
Il y a pourtant une limite à la très bonne vue du requin (enfin des requins, devrait-on dire, car il en existe plus de 500 espèces actuelles), c’est la turbidité de l’eau. Lorsque l’eau est chargée en particules en suspension, comme la boue et les limons charriés par les fleuves, il lui est impossible de voir à grandes distances, les particules agissant comme un écran. Dans ce cas, notre requin fera appel à d’autres sens également très développés chez lui: l’odorat lui permettant de détecter des particules olfactives très diluées; l’ouïe lui permettant d’entendre les sons jusqu’à 2 kilomètres de distance; la ligne latérale, commune à la plupart des vertébrés aquatiques, lui permettant de ressentir le long de son corps les variations de pressions liées aux mouvements de l’eau à proximité; et les ampoules de Lorenzini qui lui permettent de détecter les champs électromagnétiques produits par d’autres animaux. Un des champions dans l’exploitation de cette capacité est le requin marteau, qui est capable, grâce à la forme particulière de sa tête, de détecter le champ électromagnétique induit par les battements du cœur des raies et autres poissons plats enfouis dans le sable et dont il est très friand.
Donc non, le requin n’est pas aveugle et, s’il lui arrive de croquer un baigneur de temps en temps, c’est souvent dans des conditions bien particulières dans lesquelles il n’aura pas su identifier correctement sa proie. C’est notamment le cas lorsqu’il chasse en eaux troubles et qu’il ne peut pas utiliser sa vue. Nombre d’accidents impliquant des baigneurs ont eu lieu en eaux chaudes, proches de l’embouchure d’un fleuve côtier, en eaux particulièrement turbides. Le requin bouledogue, souvent impliqué dans ces accidents, est un spécialiste de la chasse en eaux troubles. Notons qu’il existe deux espèces appelées "requins aveugles". Il s’agit de petits requins côtiers australiens ressemblant un peu à nos roussettes européennes. Ils ne sont cependant pas aveugles du tout. Leur nom provient du fait que ces requins ont pour habitude de fermer les yeux lorsqu’ils sont hors de l’eau, rien de plus (un peu comme toi lorsque tu fais l’inverse et mets la tête sous l’eau; généralement, tu fermes les yeux par reflexe).