Bonjour Basile,
Ta question contient des affirmations qui sont des suppositions, et elles sont hélas les deux fausses. On recycle les déchets nucléaires et on les enfouit.
Le combustible nucléaire n’utilise lors d’une campagne de combustible qu’une petite partie des isotopes fissiles. Typiquement, environ 5% se transforment en produits de fission. Le reste, ce sont des actinides (principalement de l’uranium) qui seraient réutilisables, mais les produits de fissions sont des pièges à neutrons: leur absorption de neutrons élevée empêcherait la réaction en chaîne. Ce combustible est devenu inutilisable, mais il contient toujours beaucoup d’énergie à laquelle on peut accéder si on le nettoie et le recycle. L’autre possibilité est d’y renoncer et de l’enfouir tel quel.
Le processus de recyclage le plus utilisé est assez simple et bien connu des chimistes: il faut dissoudre le tout dans de l’acide, puis séparer les éléments et les extraire par neutralisation, précipitation et filtration. L’élément le plus intéressant est le plutonium car il est utilisable à des fins énergétiques et militaires. S’il n’est pas extrait, c’est juste un déchet toxique et dangereux. Ensuite c’est l’uranium, car c’est le combustible d’origine et l’élément présent en plus grande quantité. D’autres éléments peuvent aussi être extraits. Ce processus de recyclage s’appelle de l’hydrométallurgie (des procédés en développement sont la pyrométallurgie et l’électrométallurgie).
En recyclant le combustible irradié, on sauve 94% de l’énergie qui autrement finirait dans l’entrepôt final. Ce qui reste est hautement radioactif et toxique, et il faut le manipuler et l’entreposer avec précaution. La bonne nouvelle est qu’on peut réduire la quantité de déchets par un facteur allant jusqu’à 20.
Le recyclage est un processus bien maîtrisé, mais on le pratique de moins en moins. Les usines existantes ferment leurs portes et il n’en reste que quelques-unes dans des pays comme les USA, le Royaume-Uni, la France, le Japon, la Russie, l’Inde et la Chine. L’Allemagne a non seulement fermé son usine de retraitement mais elle a totalement abandonné la filière nucléaire. Elle doit encore décider quel sera le site pour l’entreposage définitif.
L’enfouissement des déchets est aussi une chose bien maîtrisée, à condition d’avoir un lieu de stockage approprié. D’abord on laisse le matériau se "calmer" thermiquement, car le combustible développe de la chaleur encore pendant des années et doit être refroidi. On vitrifie les déchets pour créer une première barrière. Puis on les met dans des fûts ou dans des conteneurs en cuivre et on ajoute de la bentonite, qui donne une protection supplémentaire. Ensuite on dépose les fûts dans l’entrepôt et on scelle l’accès.
Et c’est là que le bât blesse. L’entrepôt doit être séparé de notre environnement immédiat, de préférence par une grande profondeur, et il doit rester sûr pendant longtemps. Pas d’eau, pas de fissures, pas d’activité sismique. En Suisse, on a les Alpes, mais elles sont fissurées de partout, donc inutilisables. On a aussi des mines de sel qui sont assurément sans eau. On a quelques localités qui pourraient convenir, mais les habitants ont leur mot à dire et ils ne sont pas d’accord. C’est ainsi dans la plupart des pays, et le choix d’un lieu de stockage est rarement définitif, sauf en Finlande où la construction d’un premier site à Onkalo, près de la centrale nucléaire Olkiluoto, sera achevé en 2024.