L'énergie solaire, d'Archimède à Philae

Souvenons-nous de nos cours d'histoire. Pour mettre en déroute la flotte romaine qui assiégeait Syracuse, on dit qu'Archimède enflamma les voiles des navires ennemis en utilisant de gigantesques réflecteurs de bronze.

S'il s'agit bien d'une légende, elle en dit long sur la fascination des hommes pour la puissance de l'astre solaire.

S'ensuivirent des siècles de tentatives d'essais plus ou moins convaincants visant à dompter cette énergie, à l'image des projets de Léonard de Vinci, de Buffon, d’Antoine de Lavoisier et de bien d'autres.

Il faut attendre le XXe siècle pour que l'homme parvienne enfin à transformer l'énergie solaire en mouvement.

38 cm! Qu'on ne s'y trompe pas, c'est bien la taille du premier véhicule solaire de l'histoire. La Sunmobile, inventée en 1955 par William Jacobs, un ingénieur américain travaillant pour General Motors, était dotée de douze cellules photovoltaïques en sélénium capables d'alimenter son moteur lilliputien.

Trois ans plus tard, une société américaine, l'International Rectifier Company, procéda à l'adaptation d'une voiture électrique datant de 1912. Ce vénérable carrosse devint ainsi le premier véhicule solaire à transporter un être humain.

De nombreux autres prototypes furent développés à cette époque. On privilégia le fonctionnel, quitte à transiger sur l'esthétique.

Citons par exemple la Freeman anglaise, version solaire du rickshaw indien.

Ou la Citycar israélienne, à la personnalité bourrue et attachante.

The Quiet Achiever, connu aussi sous le nom de BP Solar Trek, probablement baptisée ainsi en hommage à la coiffure du capitaine Spock, fut la première voiture solaire capable de parcourir de très longues distances.

En 1982, ses concepteurs, Hans Tholstrup et Larry Perkins, parvinrent à traverser le continent australien d'ouest en est. L'épopée des grandes traversées solaires était ainsi lancée.

Malgré les apparences, cette embarcation n'a rien d'un vulgaire pédalo de plage. Il s'agit rien de moins que du premier bateau solaire de l'histoire.

Solar Craft I, construit en 1974 par l'ingénieur anglais Alan Freeman, mesurant deux mètres et demi, est aujourd'hui la propriété de la fondation Solar Planet, qui l'a fait restaurer par un chantier naval suisse.

Entre ses débuts modestes et la grande odyssée océanique de PlanetSolar, l'histoire du bateau solaire a connu de nombreuses étapes intermédiaires, qu'il s'agisse de petites embarcations, de trimarans ou même de ferries urbains.

Pionnier de la navigation solaire et parrain japonais de PlanetSolar, Kenichi Horie a traversé l'océan Pacifique en 1996 et en 148 jours.

Dix ans plus tard, le catamaran Sun 21 du Suisse Martin Vaxelaire est quant à lui devenu le premier bateau mu par l'énergie solaire à franchir l'Atlantique.

Parti d'Espagne, il mit 63 jours à rejoindre le continent américain.

Après avoir roulé sa bosse, fendu les flots, le solaire ne tarda pas à prendre de la hauteur. C'est en 1964, en Californie, qu’eut lieu le premier vol d'un avion solaire, construit par la compagnie Astro Flight.

L'appareil fut baptisé Sunrise One. Il n'avait pas de pilote, ce dont on se félicite quand on regarde les photographies de l'époque.

Cinq ans plus tard, le biplan de conception américaine Solar Riser fut le premier avion à propulsion solaire, capable cette fois-ci d'embarquer un pilote.

Le Gossamer Penguin a marqué l'histoire de l'aviation solaire. En mai 1980, il fut non seulement le premier avion habité à être propulsé par cette seule énergie, c'est-à-dire sans batterie, mais aussi le premier, sans doute le dernier, à être piloté par un adolescent.

Son concepteur n'hésita pas en effet à demander à son fiston de treize ans d'effectuer le vol inaugural. L'histoire ne dit pas ce que sa mère en pensa.

Helios est le nom d'un monstre volant produit par la NASA à la fin des années 90. Avec ses 75 mètres d'envergure, soit plus qu'un Boeing 747, pour un poids de 800 kilos, ce drone solaire établit un record d'altitude en dépassant le seuil des 30’000 mètres.

En juin 2003, Helios s'est disloqué dans l'océan Pacifique, près de l'île hawaïenne de Kauai, sans faire de victimes.

À l'heure actuelle, le projet d'avion solaire le plus ambitieux est sans conteste Solar Impulse des Suisses Bertrand Piccard et André Borschberg. Il s'agit d'un avion monoplace qui tentera en 2015 le tour du monde avec escale.

Solar Impulse est l'engin solaire de tous les superlatifs. Il possède une envergure de 72 mètres, pèse près de 2300 kilos et est couvert par plus de 17'000 cellules photovoltaïques.

Dans le domaine des hautes sphères, on peut mentionner Solar Stratos, le nouveau projet de Raphaël Domjan. Il s'agit de démontrer que grâce à l'énergie solaire, il est possible d'aller plus haut qu’un avion fonctionnant aux énergies conventionnelles.

À la lueur de cet historique, on se rend compte des progrès fulgurants que la technologie solaire a accompli en à peine quelques décennies. Nul doute qu'elle occupera une place croissante dans l'économie des transports de demain. À condition, bien sûr, d'avoir du soleil. La réflexion peut sembler triviale. Et pourtant, le 12 novembre 2014, après dix ans de voyage, la sonde spatiale Rosetta largue l'atterrisseur Philae pour étudier la comète 67P. Le hic, c'est que l'engin rebondit à plus d'un kilomètre du site d'atterrissage prévu et échoue malencontreusement à l'ombre d'une falaise. Privé de soleil, donc d'alimentation, le module parvient toutefois à effectuer une partie des analyses programmées.

En attendant d'être à jour et possiblement ramené à la vie, Philae a été placé en hibernation. Comme quoi, en certaines circonstances, même les lumières de la science ne suffisent pas.