Bonjour Lilou!
On dit fréquemment que les chimistes sont de bons cuisiniers et de bonnes cuisinières! En effet, en cuisine, les chimistes se sentent comme au laboratoire; et au laboratoire, on expérimente, on découvre de nouvelles voies d’exploration de la matière, on invente, bref on crée à l’image d’un grand chef dans un restaurant innovant.
Je ne peux pas garantir que les chimistes font des miracles en cuisine. En effet, je connais des chimistes qui savent à peine apprêter une boîte de raviolis, et d’autres chimistes qui pourraient ouvrir un restaurant et faire fortune!
Cependant, faire de la cuisine, c’est un peu comme faire de la chimie; et ceci est vrai pour deux raisons principales:
• D’une part, les approches méthodologiques sont très similaires.
Avant de réaliser une expérience de chimie (p.ex. la création d’une nouvelle molécule), les chimistes se posent des questions fondamentales et cherchent dans les livres de référence si d’autres chimistes ont déjà trouvé des réponses à certaines de leurs questions: Est-ce que la réaction que je vais réaliser va conduire à la molécule que j’attends? Vais-je devoir travailler à froid ou à chaud, avec quelles proportions de réactifs de départ? La molécule finale va-t-elle être stable ou au contraire se décomposer rapidement? Ensuite viendra l’expérience, qui permettra de confirmer ou non si l’intuition était bonne, ou s’il faut modifier des paramètres pour y arriver. Finalement viendra la consécration (si la réaction a réussi) avec la publication de l’expérience dans une revue spécialisée pour chimistes. L’ensemble de ces étapes est ce qu’on appelle la démarche expérimentale.
De la même manière, les cuisiniers qui souhaitent préparer un nouveau plat vont devoir se demander si les ingrédients qu’ils utilisent se marient bien entre eux, si le résultat final aura le goût attendu, si l’ajout d’une substance supplémentaire augmentera la qualité gustative de l’ensemble. Puis viendra la réalisation du plat en cuisine, puis l’épreuve du feu: l’œuvre culinaire sera-t-elle digne de figurer dans un grand livre de cuisine? La démarche culinaire n’est pas bien différente de la démarche expérimentale.
• D’autre part, les transformations qui se déroulent lorsqu’on cuisine relèvent de la chimie.
Lorsqu’on cuit une viande, lorsqu’on transforme un œuf frais en œuf au plat ou brouillé ou à la coque ou cuit dur, lorsqu’on prépare une mayonnaise, ce sont bien des réactions chimiques et des transformations physiques qui se déroulent et qui peuvent parfaitement être décrites en termes scientifiques.
Ceci a l’avantage de rendre l’acte de cuisiner plus quantitatif, plus reproductible, plus maîtrisable.
D’ailleurs, il existe une science, la gastronomie moléculaire, qui explique les transformations se déroulant en cuisine en termes de chimie et de physique, et qui tend à formaliser ces transformations culinaires au même titre que les scientifiques formalisent leurs observations en modèles. Le chimiste français Hervé This a élevé la gastronomie moléculaire au rang d’une véritable discipline, et ses ouvrages pour le grand public (p.ex. "Les Secrets de la Casserole" et "La Casserole des Enfants") font fureur dans de nombreuses cuisines.
Pour terminer, la cuisine et la chimie partagent des mêmes valeurs: la passion, le plaisir, l’expérimentation, la créativité. Allez Lilou, aux fourneaux!