Au combat, le masque à gaz porte très mal son nom, car son utilité est bien plus large que de simplement éviter la contamination par des substances gazeuses toxiques. D’ailleurs, il faudrait dans ce cas l’appeler masque anti-gaz, car le vrai masque à gaz facial est celui dont l’anesthésiste munit les patients avant une opération chirurgicale.
Le masque de protection idéal dont tout soldat devrait être muni doit permettre de protéger contre les atteintes par des gaz de combat, par des agents pathogènes tels les virus ou les bactéries ou leurs toxines, par des aérosols ou des liquides toxiques, ainsi que par des particules dangereuses.
Pour se prémunir de toutes les menaces que les stratagèmes guerriers imaginent, plusieurs filtres spécialisés, combinés entre eux, peuvent assurer une protection polyvalente optimale, du moins pendant une période limitée. Ces filtres à large spectre de protection sont appelés NRBC, pour Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique.
Les procédés mis en œuvre dans les filtres spécialisés pour bloquer la contamination du combattant font appel aux principes de base de la physico-chimie:
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Les gaz de combat, qui répandent la terreur parmi les belligérants (l’ypérite ou gaz moutarde et le dichlore abondamment utilisés depuis la première guerre mondiale et récemment encore en Syrie; le phosgène; le sarin; et quantité d’autres candidats mortels contenant des halogènes) peuvent être stoppés par réaction chimique (on parle de "filtre réactif"): La cartouche du masque est remplie de résines qui piègent des substances chimiques réactives; lorsque le gaz de combat traverse la cartouche, il réagit avec les constituants immobilisés sur les résines et il se transforme en substance inoffensive ou moins toxique. A chaque gaz de combat correspond donc une substance réactive. Cependant, au fur et à mesure que le gaz de combat traverse la cartouche, il consomme la substance réactive et la cartouche perd rapidement son efficacité et son effet protecteur.
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Les liquides et aérosols toxiques, ainsi que les toxines produites par des organismes vivants, peuvent être bloqués par adsorption ou absorption: Les matériaux qui constituent les cartouches sont généralement des zéolites (aluminosilicates à grande porosité) ou des charbons actifs, dont la surface spécifique est très élevée (jusqu’à plusieurs milliers de mètres carrés par gramme de matériau). L’adsorption est un processus qui fait intervenir la surface du matériau actif, tandis que l’absorption est un processus qui agit dans la profondeur du matériau actif. Les substances qui circulent au travers du matériau interagissent par attraction électrostatique sur ou dans le matériau poreux, ce qui nécessite des surfaces chargées négativement pour piéger les toxiques chargés positivement, et inversement des surfaces positives pour les toxiques négatifs. Les résines peuvent aussi procéder par mécanisme d’échange d’ions, en immobilisant les substances toxiques ioniques et en relarguant des ions non toxiques. Ici également, l’efficacité de protection diminue au fur et à mesure que le matériau immobilisant devient saturé en substances toxiques. En revanche, les toxiques qui ne possèdent aucune affinité de charges électriques avec le matériau adsorbant ou absorbant ne seront pas retenues dans la cartouche.
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Les particules, qui peuvent être radioactives ou non, ainsi que les spores, virus et bactéries peuvent être arrêtés par filtration: Le processus de rétention des agents mortels est réalisé ici au moyen de matériaux qui laissent passer les gaz mais retiennent les objets dont les dimensions sont supérieures au diamètre des pores du filtre; c’est le principe du filtre à café, qui laisse passer l’eau et les substances solubles mais qui retient les particules solides. Pour assurer une protection optimale, le matériau filtrant doit bloquer les plus petits objets possibles, en l’occurrence les virus; ces derniers peuvent n’atteindre que quelques dizaines de nanomètres (10 à 400 nanomètres; virus de la variole = 220 nanomètres), tandis que les bactéries les plus petites atteignent quelques centaines de nanomètres (300 à 10'000 nanomètres; Mycobacterium tuberculosis = 2 à 5 micromètres). Comme pour les moyens précédents de décontamination, les filtres ont une durée de vie limitée, puisqu’ils se bouchent au fur et à mesure que les particules sont aspirées. Lorsque les poussières sont radioactives, elles sont bloquées par les filtres, mais les radiations qu’elles engendrent ne sont pas stoppées.
Alternativement, les masques de protection de combat peuvent être conçus en mode fermé (masques auto-sauveteurs). Ils ne comportent aucune entrée d’air extérieur, et donc aucune cartouche filtrante, mais ils sont munis d’un système d’alimentation d’air similaire aux masques de plongée. Ces systèmes de protection sont cependant nettement moins pratiques et maniables que les masques à cartouches, car ils nécessitent des bonbonnes lourdes contenant de l’air comprimé ou de l’oxygène comprimé.