Bonjour Sam!
Le concept de polarité en chimie permet de comprendre comment les charges électriques se répartissent – uniformément ou de manière non uniforme – dans les molécules. Cette répartition des charges électriques résulte de la propension que les atomes ont à attirer, ou au contraire à repousser, les électrons (entités chargées négativement, réparties autour des noyaux atomiques).
Cette capacité à attirer ou repousser les électrons est gouvernée, grosso modo et sans entrer dans les détails, par la position qu’occupent les atomes dans le tableau périodique des éléments (TPE), c’est-à-dire par la nécessité pour les atomes de tendre vers une configuration électronique la plus idéale possible. Le cas spécifique du sel de mer (sel de cuisine, chlorure de sodium, NaCl) illustrera cela, après une courte incursion parmi les gaz dits rares (ou nobles, ou inertes), hélium He, néon Ne, argon Ar, krypton Kr, xénon Xe, radon Rn.
Ces éléments de la dernière colonne du TPE possèdent une configuration électronique la plus idéale possible, et ils n’ont besoin ni d’attirer des électrons provenant d’autres atomes, ni de repousser des électrons leur appartenant. C’est la raison pour laquelle ils ne sont pas réactifs, et ne se "mêlent" pas avec d’autres éléments (ils ne forment pas de molécules et restent "solitaires").
Les éléments qui précèdent directement ceux de la dernière colonne ont "presque une configuration électronique idéale" puisqu’il leur manque juste un électron pour "ressembler électroniquement" aux gaz rares. Quant aux éléments qui suivent directement ceux de la dernière colonne, ils ont eux aussi "presque une configuration électronique idéale" puisqu’ils ont juste un électron en plus que le gaz rare qu’ils suivent.
Cela étant dit, l’atome de sodium Na se trouve dans la 1ère colonne du TPE, et il suit le gaz. L’atome de sodium a donc, potentiellement, "juste un électron de trop" s’il le perdait, il ressemblerait (électroniquement parlant) au néon. Pour tendre vers une situation électronique idéale, l’atome de sodium a donc tout intérêt à perdre un électron, et devenir, de fait, chargé positivement (c’est-à-dire devenir un ion positif, ou cation, Na+).
L’atome de chlore Cl, quant à lui, se trouve dans l’avant-dernière colonne du TPE, et il précède le gaz argon. L’atome de chlore a donc, potentiellement, "juste un électron en moins"; s’il le gagnait, il ressemblerait (électroniquement parlant) à l’argon. Pour tendre vers une situation électronique idéale, l’atome de chlore a donc tout intérêt à attirer vers lui un électron, et devenir, de fait, chargé négativement (c’est-à-dire devenir un ion négatif, ou anion, Cl–).
C’est là que le miracle se produit… Dans le sel NaCl, le sodium souhaite perdre un de ses électrons et le chlore souhaite en gagner un; ces deux compères sont donc faits pour s’entendre, et le chlorure de sodium sous forme solide est justement constitué d’ions Na+ et Cl–. Il existe donc, dans le sel de cuisine, une répartition non uniforme des charges électriques, avec des charges positives du côté du sodium et des charges négatives du coté du chlore. Cette configuration est dite polaire (puisqu’il y a un pôle positif et un pôle négatif). En réalité, on devrait parler de configuration ionique, car la notion de polaire implique la tendance à repousser, respectivement à attirer, des électrons, tandis que la notion d’ionique implique le fait de donner, respectivement de prendre, des électrons. Lorsque deux personnes se serrent la main de manière "polaire", l’une d’elles approche vers elle la main de l’autre (l’autre repousse sa main vers l’une), tandis que lorsque deux personnes se serrent la main de manière "ionique", l’une d’elles arrache la main de l’autre!
Bref, le chlorure de sodium, sous forme solide, est un magnifique assemblage ionique constitué d’ions Na+ et d’ions Cl–. Tout le monde est content puisque chaque partenaire y a gagné en stabilité. Et d’ailleurs, lorsqu’on jette du sel de cuisine dans de l’eau, celui-ci "disparaît visuellement" puisque le solide se dissout en se dissociant en ions Na+ et ions Cl–.
Pour extraire le chlorure de sodium présent dans la mer, rien de plus simple: il suffit d’adopter l’attitude du cuisinier distrait qui souhaite préparer des pâtes: on remplit une casserole d’eau, on ajoute beaucoup de sel (pour simuler l’eau de mer, compter environ 35 grammes de NaCl par litre d’eau), puis on chauffe à ébullition. Ensuite, il suffit d’oublier le tout suffisamment longtemps (un ami de longue date qui appelle, une course urgente à faire, etc.); l’eau va disparaître par évaporation et on se retrouvera avec… le sel de cuisine solide au fond de la casserole!
C’est presqu’exactement ce qu’on fait dans les salines qui bordent les mers et océans: on fait pénétrer l’eau de mer dans un canal peu profond dans lequel on l’emprisonne, puis "on chauffe", c’est-à-dire qu’on laisse l’eau s’évaporer (plus facilement en été qu’en hiver) jusqu’à ce qu’elle disparaisse pour ne laisser qu’une croûte de sels (et d’autres impuretés qu’il faudra ensuite éliminer).