L'énigme
Voici un exercice de mathématiques proposé à un apprenti scribe babylonien (env. 1900 – 1600 av. J.C.) :
Sachant que le croquis représente un trapèze rectangle, trouvez la longueur du segment [parallèle aux côtés] permettant de partager le trapèze en deux bandes d’aires égales.
Les indications données sont les longueurs des deux bases ainsi que l’aire des deux bandes.
N'oubliez pas que les babyloniens comptaient en base 60, que l’ordre de grandeur était implicite (autrement dit, le symbole 1 peut valoir 1, 60, 3'600 ou encore 1/60 selon le contexte), qu'un clou vaut 1 et qu'un chevron vaut 10.
La solution
La longueur du segment mesure 75 unités de longueur.
Voici ce que l’on peut lire sur la tablette VAT8512 pour résoudre le même problème (les nombres (donnés ici en base 60) ont été remplacés par ceux de l’énoncé proposé).
Croise (1,45) avec (1,45) : c’est (3,3,45).
Croise (15), que tat tête retient, avec (15) : c’est (3,45).
Ajoute à (3,3,45) : c’est (3,7,30).
Brise (3,7,30) en deux : c’est (1,33,45).
La racine carrée de (1,33,45), c’est combien ? C’est (1,15).
Ici, le mot « croise » veut dire multiplier et « brise » signifie diviser. On obtient ainsi (1,15), c’est-à-dire 75 en notation décimale.
Ainsi, pour trouver la longueur x du segment, le scribe applique la formule suivante. Notons L la grande base du trapèze et l la petite, on a donc :
Mais d’où vient cette formule ?
Voici une méthode pour l’obtenir. Rappelons que l’aire d’un trapèze s’obtient en multipliant la hauteur par la somme de la petite base et la grande base, le tout divisé par deux. Autrement dit, avec les notations données sur le croquis,
Notons M et N les deux extrémités du segment x partageant le trapèze en deux bandes égales, l’aire du trapèze BCMN vaut donc le double de celle du trapèze ABCD, autrement dit :
De cette égalité, on tire une expression de y, à savoir :
Par ailleurs, considérons une parallèle au segment AB passant par le point C. Cette parallèle définit deux triangles semblables CMP et CDQ (voir le croquis). Très anachroniquement, on peut appliquer le théorème de Thalès à ces deux triangles. On obtient alors
D’où l’on tire aussi une expression de y :
En égalant les deux expressions de y, on obtient alors
Où l’on peut simplifier les h et résoudre en x :
Où la seule solution positive est bien donnée par :
Quant à savoir si la babyloniens connaissaient le Théorème de Thalès, c’est une autre histoire…
Mathscope, Université de Genève, RTS Découverte