L'Info au cœur de la Radio

Grand Format 100 ans de la Radio

RTS

Introduction

Information et radio sont des inséparables. Encore a-t-il fallu qu’elles se rencontrent ! Les enjeux économiques et politiques ont retardé cette collaboration en Suisse. Aujourd’hui plus que jamais, elle est au cœur de la transformation du média.

Chapitre 1
"Près d’Herzogenbuchsee, un char à bras est tombé dans un ravin"

Peut-on imaginer la radio sans informations? Une évidence pourtant qui n'est pas toujours allée de soi. Il a fallu attendre 1970 pour que la RSR ait toute latitude pour produire et diffuser ses propres bulletins d'information. La demande pourtant était vive. Tant le public que les modestes équipes qui réalisaient les émissions dans les premiers studios ont vite compris que radio et information étaient un tandem efficace et attendu.

Il fallait toutefois compter avec les situations acquises. La Société suisse des éditeurs de journaux suit avec attention les premiers pas de la jeune radio et la presse voit dans le nouveau média une concurrence qui pourrait lui faire perdre des lecteurs et des annonceurs.

Les premiers essais d'émissions de "nouvelles" en Suisse datent de 1925, et se font sous l'oeil méfiant des autorités et la vive réprobation des éditeurs. Des négociations aboutissent à une "convention sur la diffusion de nouvelles par TSF".

Le logo de l'ATS.
Le logo de l'ATS.

Les nouvelles devaient être rédigées et énoncées par l'Agence Télégraphique Suisse exclusivement, "de manière à susciter l'intérêt de l'auditeur sans le satisfaire, pour l'engager à chercher un complément dans la presse" (Pünter). Seuls deux bulletins de nouvelles étaient autorisés chaque jour. Cette convention eut des effets durables, et demeura longtemps une pomme de discorde entre la Radio, la presse et les autorités.

"La presse suisse est d’une prudence telle qu’aujourd’hui encore il n’a pas été possible d’instituer chez nous des bulletins quotidiens comme cela a lieu dans la plupart des pays européens. On a fait semblant de concéder quelque chose à cette terrible radio. Les stations suisses peuvent diffuser chaque soir les nouvelles que leur transmet le microphone placé à l’Agence télégraphique suisse. Et c’est ainsi qu’on apprend que près d’Herzogenbuchsee, un char à bras est tombé dans un ravin! Ce sont là nouvelles bien insignifiantes (…)" écrivait en 1928 le journal des programmes de l'époque.

Lors la création de la SSR en 1931, on décida de créer un service des nouvelles qui comprendrait outre les informations du jour, les prévisions météorologiques, des informations boursières, le signal horaire et même une chronique agricole. L'Union des éditeurs de journaux réagit immédiatement, et on en revint à l'accord de départ avec les deux bulletins quotidiens lus par l'ATS.

Chapitre 2
Exploiter les zones grises

Les améliorations se glissèrent dans les deux exceptions tolérées par l'accord, les grandes manifestations sportives et les comptes rendus de la Société des Nations. La SdN, dont le siège était à Genève, suscitait un très grand intérêt international. Très vite, Radio-Genève se mit à assurer des transmissions pour des radios étrangères. C'était évidemment une belle opportunité pour traiter soi-même les sujets d'actualité internationale avec des informations de toute première main.

Le célèbre commentateur sportif Marcel-W. Suès, alias Squibbs en 1944. [Archives RTS - Photo ASL]
Le célèbre commentateur sportif Marcel-W. Suès, alias Squibbs en 1944. [Archives RTS - Photo ASL]

Le sport était une autre zone grise. Dès le milieu des années 1920, il devint techniquement possible d'assurer des émissions à distance, hors des studios. La qualité n'était sans doute pas très bonne et le matériel nécessaire lourd et encombrant, mais le commentaire en direct et l'enthousiasme communicatif de reporters comme Squibbs ont emporté l'adhésion. A la fois info et spectacle, les grands matchs de foot, et parfois des compétitions d'autres sports, vélo ou hockey notamment, étaient bien présents dans les grilles de programme.

Chapitre 3
Plus d’info pour couvrir la guerre

C'est la guerre qui apporta les principaux changements. La demande du public se faisait pressante. A la veille de la guerre, en juillet puis août 1939, la Confédération autorisa la Radio à diffuser trois puis quatre bulletins par jour au lieu de deux. Mais l'appétence pour les informations de guerre est telle que la Radio peut profiter des circonstances pour élargir la brèche.

Henri Rossier était l’un des speakers de l’ATS. C’est lui, par exemple, qui annonça le débarquement allié en Normandie en juin 1944. Son ton fut jugé un peu trop jovial par l’Ambassadeur d’Allemagne, qui obtint qu’il reçût une remontrance !

>> Écoutez le bulletin ATS et faites-vous votre propre opinion! :

Henri Rossier, speaker à l’ATS. Années 1940. [Archives RTS - Photopress AG]Archives RTS - Photopress AG
75 ans de radio - Publié le 1 janvier 1997


Radio-Genève introduit un genre nouveau, le commentaire d'actualité. A partir d'octobre 1941, René Payot, également rédacteur en chef du Journal de Genève, commente chaque vendredi l'actualité internationale. Ces chroniques auront un retentissement bien au-delà de la Suisse. On écoutait la Radio Suisse Romande en France ou en Belgique occupée, clandestinement et parfois au péril de sa vie. Ces chroniques constituaient une source d'information objective unique pour ces populations opprimées. En Suisse, elles complétaient les bulletins officiels de l'ATS.

>> Écoutez une chronique de René Payot en novembre 1944 :

René Payot dans les années 1950. [Archives RTS - Andreossi, Radio-Genève]Archives RTS - Andreossi, Radio-Genève
Emission sans nom - Publié le 24 novembre 1944

Le "Micro dans la Vie" est une des premières émissions à avoir un nom qui lui est propre. Dès 1941, elle vient se greffer juste avant le bulletin de l'ATS du soir, et sous couvert de reportage, on y traite d'innombrables sujets, de manière rythmée, parfois avec une certaine légèreté qui en faisait l'attrait. Actualité, chansons, interviews, recettes, conseils: le Micro dans la vie préfigure les magazines radiophoniques modernes.

En 1943, Le miroir du Temps, qui deviendra plus tard le Miroir du Monde, vient compléter le début de soirée liée à l'actualité. Après le bulletin ATS cette fois, il propose une partie magazine qui laisse une place importante à l'actualité internationale, avec nombre d'interviews et témoignages. A l'époque, une forme très moderne de présenter les choses.

Chapitre 4
Création de la rédaction

Les acquis de la guerre ont perduré et ont pu être approfondis à certains égards. Dans la seconde moitié des années 1940 puis des années 1950, un embryon de rédaction se met en place. On engage des journalistes, un réseau de correspondants à l'étranger, puis en Suisse se met en place. On se répartit entre les rubriques nationales et internationales. Progressivement, la formule des magazines s'affine, devient plus rigoureuse et s'oriente vers le commentaire d'actualité du service de base assuré par l'ATS.

C'est l'exposition nationale de 1964 qui créa l'opportunité de nouvelles avancées. Dans une Suisse en pleine transformation, il fallait à la fois montrer ce changement et y participer. Cet impératif permet d'introduire une dose d'information nationale à côté de la couverture internationale, traditionnellement traitée par les journalistes de la radio. Parmi les nouveautés, il y a les flashes horaires, tels ceux qu'Europe 1 pratique déjà. La RSR en teste le principe avec succès durant l'Expo 64.

L'année où Manuel Girardin entre à la RTS, en 1970, l'ATS renonce à produire ses quatre bulletins quotidiens. Il faut dire que les éditeurs de journaux ont un autre motif d'inquiétude. Depuis 1965, la télévision diffuse de la publicité sur son antenne, et ils craignent perdre ainsi une partie de leurs revenus.

>> Regardez le témoignage de Manuel Girardin, ancien journaliste de la RSR :

Témoignage de Manuel Girardin, ancien journaliste radio de la RTS
100 ans de la Radio - Publié le 7 juillet 2022

La radio a ainsi les coudées franches pour organiser sa proposition. La couverture de l'actualité s'organise ainsi autour des trois pôles de la Matinale (7h-8h), du midi (12h30-13h) et du soir (18h-20h). Les "rubriques" se multiplient, et amorcent une spécialisation de chroniques, avec le sport bien sûr, mais aussi l'économie, la culture, puis la société ou la science.

Chapitre 5
L’arrivée du numérique

Les flashes horaires complètent le dispositif au cours de la journée. Peu nombreux au début, ils méritent complètement leur nom à partir de 1989. Dès lors, une centrale de news est mise en place, qui produit de l'information 24h/24, toutes les heures "pile", sous le nom de ... InfoPile. Une révolution à cette époque!

Ce changement et aussi rendu possible par la numérisation de la rédaction. Désormais, tout le travail avec les textes et le son se fait directement sur les ordinateurs. La rédaction de l'information radio est la première à avoir fait le pas; toute la radio sera numérisée dans les années suivantes.

L'Info radio passe au numérique
Une histoire - Publié le 16 juin 2014

La rédaction permanente change l'organisation du travail, qui doit se répartir au long de la journée avec le passage de relais d'une équipe à l'autre. Il permet aussi de fournir des bulletins horaires aux "nouvelles" chaînes de la RSR, le second programme devenu Espace 2, Couleur 3 née en 1982 et Option Musique en 1994.

Dans les années 2000, c'est le téléphone portable qui déboule dans les rédactions. Avec le Natel, on atteint directement les personnes que l'on souhaite interviewer pratiquement n'importe quand. Et surtout, elles peuvent intervenir immédiatement à l'antenne! Jusqu'alors, il fallait contacter interlocutrices et interlocuteurs à l'avance, confirmer les rendez-vous, parfois se déplacer, etc. Un gain de temps, de réactivité considérable.

Une grammaire plus rapide, plus vive se construit. Des interviews, même très brefs, sont possibles sur les sujets d'actualité. Une émission comme Forum se construit en particulier sur ces nouvelles pratiques.

Chapitre 6
Aujourd’hui, c’est déjà demain!

L'arrivée des Natels dans les rédactions a pavé la voie à celle des réseaux sociaux. Facebook, Twitter et les autres sont devenus une source d'information qui s'ajoute aux autres. Ils représentant aussi un nouveau canal de diffusion pour les informations, qui permet notamment d'atteindre des publics plus jeunes.

Plus habitués du "like" et du "retweet" que de l'analyse et du commentaire, il faut apprendre à maîtriser le langage des nouvelles générations pour fournir l'information nécessaire avec les mêmes exigences éditoriales.

C'est une évidence pour une jeune journaliste comme Gabriela Cabré, formée à mettre les informations en forme sur toutes sortes de supports.

>> Regardez le témoignage de Gabriela Cabré, journaliste à la RTS :

Témoignage de Gabriela Cabré, journaliste à la RTS
100 ans de la Radio - Publié le 7 juillet 2022

L'époque fut riche en expérimentations. En 2007 par exemple, la Radio se lance dans une expérience originale pour comprendre les possibilités, les limites et les contraintes des réseaux sociaux. Avec ses partenaires de Radios Francophones Publiques, la RSR cantonne quatre journalistes dans une ferme isolée, mais reliée au monde par internet. Mission: déterminer s'il est possible de couvrir l'actualité en s'appuyant uniquement sur les réseaux sociaux. L'opération "Huis Clos sur le Net eut un grand retentissement.

Parmi les expériences qui perdureront, l'arrivée des caméras dans les studios de radio. Fruit de la convergence entre la radio et la télévision, la captation des principaux journaux en images permet justement de prétendre à plus de visibilité sur les réseaux sociaux et les vecteurs numériques en général, elle favorise aussi les échanges entre les rédactions "audio" et "vidéo" de la RTS.

>> Regardez le sujet de Grand Angle sur l'apparition de la radio filmée à la RTS :

Studio radio filmée.
Grand Angle - Publié le 10 janvier 2015

Ce processus de rapprochement entre la radio et la télévision se poursuit d’ailleurs, et les rédactions se préparent à leur fusion complète à l’horizon 2025-26, dans le nouveau pôle d’actu transmédia, sur le nouveau site de la RTS à Lausanne.