Suite à un cancer, Mireille a dû subir une ablation de ses deux seins. Elle a ensuite procédé à la reconstruction avec une mauvaise surprise: le tatouage des aréoles n'est pas pris en charge par son assurance, alors que cette prestation est censée être remboursée. Elle précise que son chirurgien lui a suggéré de réaliser ces deux tatouages chez une tatoueuse professionnelle privée.
Les explications du médecin-conseil
Pour le Dr Fredi Bacchetto, délégué de la Société suisse des médecins-conseils, ce refus de prise en charge est un problème bien connu: "Celui qui fait le tatouage doit être un fournisseur de soins reconnu. Or, il y a un ou deux médecins dans toute la Suisse qui sont capables de faire ces tatouages. C'est un art de faire un tatouage des aréoles et il est vrai que les non-médecins font mieux, mais si on respecte la loi, cela ne peut pas être pris en charge par l’assurance de base."
Une pratique nouvelle et des tarifs inadaptés à la réalité
Comment se fait-il alors qu’il y ait si peu de médecins tatoueurs? Selon notre enquête, c’est essentiellement un problème de tarification. Wassim Raffoul, professeur et chef du service de chirurgie plastique au CHUV donne l’explication suivante: "Lors de l’introduction du Tarmed (structure tarifaire nationale pour les prestations médicales) dans les années 2000, chaque spécialité a dû négocier les tarifs avec les assureurs et l’Office fédéral de la santé publique. La société de chirurgie plastique était également présente, mais le fait que de nombreux plasticiens s’occupaient essentiellement de chirurgie esthétique, la négociation a sans doute été moins bien faite que pour d’autres spécialités où le tarif était vital puisque c’était le seul moyen de financer leur activité médicale."
Résultat: le Tarmed prévoit 12 minutes de travail pour une aréole pour un remboursement à hauteur de 45 à 53 francs. Pour les deux aréoles, comptez 20 minutes pour un montant de 75 à 90 francs. On est bien loin des 300 à 900 francs demandés par les spécialistes privés de la dermopigmentation pour une à deux heures de travail, voire plus.
Une modification par le Conseil fédéral ou une révision du Tarmed
Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu une correction au fil des années? "Cette compétence relève du Conseil fédéral", explique l’Office fédéral de la santé publique. "Et comme aucune demande n’a été déposée à ce jour, il n’y a pas eu d’adaptation." Par ailleurs, renseignements pris auprès de Santésuisse, la faîtière des assurances maladies, la révision de cette prestation ne faisait pas partie de la dernière révision du Tarmed. Et il n’y a pas d’autre révision dans l’immédiat.
Une solution au CHUV
Dans ce cas-là comment fonctionnent les grands hôpitaux ?
"Au CHUV, c’est une infirmière qui a été formée pour effectuer ce tatouage sous supervision du chirurgien", explique Wassem Raffoul. "Cette solution est offerte à toutes les patientes qu’elles aient été opérées au CHUV ou ailleurs."
Un tatouage indispensable pour finaliser la guérison et passer à autre chose
Pour Rosina Fleury, spécialiste en dermopigmentation, il est toutefois primordial que toutes les patientes puissent obtenir un remboursement du tatouage de l’aréole qui doit faire partie intégrante de la reconstruction: "Un sein bombé blanc, sans le tatouage de l’aréole, ce n’est pas un sein. Tant qu’il n’y a pas l’aréole et le mamelon, on ne retrouve pas son intégrité". Elle ajoute qu’un beau tatouage de plusieurs centaines de francs coûte finalement bien moins cher en termes de coûts de la santé que des antidépresseurs et des séances chez le psychiatre pour un sein qui n’aurait pas bien été réalisé et finalisé.