Les minarets

Grand Format

RTS - Pierre-Yves Moret

Introduction

Mosquée

Etymologie du mot "mosquée":

- de masjid/ verbe sajada : s’agenouiller, se prosterner (désigne plus communément les "petites mosquées" qui sont davantage des lieux de prosternation)

- de djâmiʻ/ verbe jamaʻ : rassembler, réunir (désigne davantage les "grandes mosquées" qui sont des lieux de rassemblements)

Plus qu’un édifice religieux, la mosquée est une véritable institution sociale. C’est un lieu de rassemblement, de prière, d’éducation religieuse (et parfois de la langue arabe), mais aussi un lieu où les couples se marient,  où des sujets politiques ou religieux se discutent, où se règlent des conflits, etc.

Il est peu probable que le terme "mosquée" dans le Coran renvoie à ce que nous connaissons des édifices d’aujourd’hui. Il y fait davantage référence à des chambres de prières ou des temples.

Mosquées, salles de prière et minarets en Suisse

En Suisse, on compte quatre lieux de prière s’apparentant à des mosquées au sens architectural du terme (c’est-à-dire qu’elles possèdent un minaret).

- la mosquée Mahmud de Zurich de la communauté Ahmadiyya (1963)

- la mosquée du Petit-Saconnex à Genève (1978)

- la mosquée de la communauté islamique albanaise à Winterthour (2004)

- le centre culturel turc de Wangen bei Olten (2009)

*Seules les mosquées de Zurich et de Genève possèdent une coupole et un minaret

La mosquée du Petit-Saconnex possède le minaret le plus élevé, avec une hauteur de 22 m. Il est toutefois loin de rivaliser avec la tour de l’imposant Temple mormon de Zollikofen, qui culmine à 47 mètres.

Mis à part ces lieux de prière, les musulmans de Suisse pratiquent généralement leur religion dans des bâtiments et des locaux dont l’extérieur ne laisse généralement pas deviner l’existence d’un lieu de culte. . Il s’agit souvent d’édifices simples, dont les intérieurs sont aménagés pour pouvoir accueillir le culte. La grande majorité d’entre eux sont installés dans des appartements ou dans des locaux en zones industrielles. On y trouve parfois aussi un espace réservé aux femmes, une cafétéria ou une salle de cours. Au-delà de son rôle cultuel et éducatif, la mosquée est également un lieu de rencontres et d’échanges.

Les différents usages de cet espace montrent le rôle central qu’ont les mosquées en tant que centres communautaires, importance allant au-delà de la sphère religieuse. Notons également que ces établissements sont souvent pris en charge et fréquentés par des personnes ayant les mêmes origines géographiques et culturelles.

Dans le contexte européen, le terme de mosquée a tendance à céder la place au terme de «centre», (markaz), en fonction des activités qui y sont proposées (ateliers cuisine ou bricolages avec enfants, garderies, distribution de nourriture et vêtements aux personnes  défavorisées, conférences, religieuse ou non. Par exemple, une association lausannoise avait organisé une conférence sur les différents permis de séjour).

Minaret

L’existence des minarets ne semble pas tirer sa légitimité des textes. A l’instar des clochers, qui ne trouvent leur justification dans la Bible. Les premiers grands monuments de l’islam sont d’ailleurs édifiés sans minaret, comme en témoigne le Dôme du Rocher à Jérusalem, construit au début du VIIème siècle.

A sa fonction première de support pour l’appel à la prière (adhan), le minaret a, par le passé, rempli celle de phare permettant au voyageur de s’orienter, lui indiquant qu’il se trouvait bien en terre d’islam.

D’autres minarets ont quant eux davantage été porteurs d’une affirmation du pouvoir de l’islam, comme ceux de la basilique Sainte-Sophie à Istanbul, transformée en en mosquée après la conquête de Constantinople.

Enfin, au niveau symbolique, le minaret peut signifier l’élévation de l’homme vers Dieu, ou, s’élançant seul dans le ciel, l’unicité de Dieu.

L'initiative anti-minaret

L’initiative dite "anti-minarets" est lancée en mai 2007 par un comité composé de membres de l’UDC et de l’UDF. Son argument principal: les minarets sont les symboles d’une revendication de pouvoir politico-religieuse qui remet en question la Constitution et le régime juridique. Cet argument, le comité l’illustre par un discours de Recep Tayyip Erdogan, alors maire de la ville d’Istanbul. Il y cite les vers d’un poète nationaliste du XIXème siècle :

"Nos mosquées sont nos casernes, nos dômes nos casques, les minarets sont nos baïonnettes et les croyants sont nos soldats".

Suite à ce discours, le futur président turc est interdit d'activité politique pour cinq ans par la Cour constitutionnelle de Turquie et condamné à une peine de prison pour "incitation à la haine religieuse". Dans son matériel de propagande, le comité anti-minarets ne fait pourtant  pas mention de cette condamnation.

Si par le passé et dans certains contextes, les mosquées ont pu servir un but politique en pays musulmans, comme symbole du pouvoir des dirigeants politiques vis-à-vis du peuple ou comme signe de prééminence religieuse, l’instrumentalisation politique des minarets et des mosquées est peu représentative.

En novembre 2009, le peuple accepte cette initiative et la Suisse introduit dans sa constitution l’interdiction de construire des minarets sur l’ensemble du territoire. Cette interdiction est unique en son genre dans toute l’Europe.

Notons finalement que c’est en pleine campagne anti-minarets que le Conseil Central Islamique voit le jour (CCIS). Ses responsables prennent la parole publiquement alors que les musulmans ont fait le choix de la discrétion pour ne pas faire le jeu des initiants. Ils disent parler au nom des musulmans suisses.

Le CCIS publie une vidéo censée lutter contre l'islamophobie

A l’occasion des cinq ans de l’interdiction des minarets, le CCIS publie sur son site une vidéo censée lutter contre l’islamophobie:

Jean-François Mayer propose un décryptage de cette vidéo sur son blog.

Sources:

-Vie musulmane en Suisse, rapport réalisé par le GRIS, 2008

-Rapport du Conseil fédéral sur la situation des musulmans en Suisse, eu égard en particulier à leurs relations plurielles avec les autorités étatiques, en réponse aux postulats 09.4027 Amacker-Amann du 30 novembre 2009, 09.4037 Leuenberger du 2 décembre 2009 et 10.318 Malama du 1er mars 2010

- PNR58, Formation des imams, instruction religieuse islamique et autres aspects de l’islam dans la vie publique suisse

-PNR58, La religion dans les prisons suisses: aumônerie en mutation et émergence de nouveaux acteurs

-Le Temps

-Religions en Suisse, http://www.religionenschweiz.ch/

-La Suisse des mosquées : derrière le voile de l’unité musulmane, Thierry Monnot, 2013

-Peut-on intégrer l’islam et les musulmans en Suisse ?, Mallory Schneuwly Purdie, 2011

-Dictionnaire encyclopédique du Coran, Malek Chebel, 2009

-Dictionnaire arabe-français, Larousse