Les imams

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Introduction

Imam

Etymologie du mot "imam" :

- de amâma : devant, en face de

L’imam est à la fois celui qui dirige la prière commune et le guide spirituel de la communauté musulmane (oumma). Contrairement au prêtre catholique, par exemple, l’imam ne possède pas, dans le sunnisme, de grade hiérarchique. Il est désigné par cooptation ; c’est la reconnaissance accordée par sa communauté qui lui confère sa légitimité et son autorité.

Dans les pays musulmans, l’imam est généralement un ʿalîm (savant). Il possède un solide bagage théologique et se trouve souvent déconnecté de la réalité quotidienne des croyants.

Être imam en Suisse

Selon une estimation du groupe de recherche du PNR58, entre 150 et 180 imams étaient actifs en Suisse en 2009. Ils sont originaires des mêmes pays que les communautés dont ils ont la charge (Cf doc. Capsules chiffres et statistiques).  La majorité d’entre eux ont été formés en Bosnie, en Turquie ou en Egypte. Leurs études correspondent généralement au niveau de la maturité, complétée par une matière religieuse ou un diplôme universitaire. De manière générale, les cours dispensés dans leur pays d’origine ne comprennent pas l’enseignement d’une des trois langues nationales.

Au-delà de son rôle religieux, l’imam en Suisse est amené à donner des cours, organiser des conférences, aider les nouveaux venus avec leurs papiers de séjour, répondre aux questions de parents dont les enfants cherchent à savoir si telle pratique est islamique ou non, accompagner les familles lors d’un décès ou encore aider au rapatriement du défunt.

Ali T., 50 ans,  imam de profession, en Suisse depuis les années 80, se définit ainsi :

"[il faut] séparer la théorie de la pratique. En théorie l’imam est celui qui dirige la prière, c’est lui qui fait le sermon du vendredi. Aujourd’hui l’imam, c’est un assistant social, un psychothérapeute, un avocat, etc., donc on est impliqué dans toute la vie de la communauté" (témoignage recensé dans  Vie musulmane en Suisse).

L’imam fonctionne à la fois comme médiateur au sein de la communauté et entre les générations et comme interprète interculturel auprès des autorités.

La profession d’imam est une profession peu reconnue en Suisse et rares sont les imams à avoir été socialisés en Europe. Il est ainsi parfois difficile pour les associations non seulement de trouver un imam, mais surtout de le rémunérer. Si les associations musulmanes d’envergure bénéficient en général d’un imam professionnel et rémunéré, ce n’est pas le cas de toutes les associations de taille modeste. Il n’est ainsi pas rare qu'un membre ayant une bonne connaissance du Coran (diriger la prière nécessite de connaître un certain nombre de versets par coeur)  dirige la prière pour l’assemblée, tout en étant actif professionnellement dans un tout autre domaine. Ainsi, sur un total de 150 à 180 imams, seuls 70 à 80 d’entre eux sont engagés à temps plein, tandis que les autres sont des imams à temps partiel ou des "imams du soir".

Aumôneries

Les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont pour leur part signé en 2007 un accord avec l’association "Aumônerie musulmane", qui représente les communautés musulmanes du canton. Les personnes désignées par l’association ont été engagées comme aumôniers par l’hôpital et sont tenues à la confidentialité et au secret ainsi qu'à un devoir de réserve, à l’instar des aumôniers des Églises chrétiennes. 

A l’Hôpital de l’Ile à Berne, l’établissement fait appel à un imam afin de prendre la confession de foi du patient. Lors de décès, il est appelé afin d’accomplir des rites funéraires (orientation de la tête vers la Mecque, lavage rituel, enveloppement du corps dans un linceul). Si un rapatriement du corps dans le pays d’origine est prévu, un travail en collaboration avec des entreprises funéraires spécialisées dans l’inhumation de musulmans est effectué.

A l’heure actuelle il n’existe cependant aucune réglementation uniforme et contraignante sur le recours institutionnalisé à des aumôniers musulmans dans les hôpitaux suisses. En revanche, les patients sont libres de faire appel à un imam en qui ils ont confiance.

Le projet  du PNR 58 sur la religion dans les prisons suisses montre que celles-ci ne  se sont pas encore totalement adaptées à la diversité religieuse de la Suisse.

Contrairement aux aumôniers réformés et catholiques, les intervenants non chrétiens, au premier rang desquels figurent les imams, ne bénéficient pas d’un statut clair.

Chaque institution ou chaque canton mène sa politique en fonction des besoins. Les grands établissements pénitentiaires commencent à institutionnaliser des intervenants religieux non chrétiens puisqu’ils ont à faire avec une plus grande diversité religieuse. Les prisons de taille moyenne négocient plutôt au cas par cas les demandes émanant des minorités religieuses.

La douzaine d’établissements observées par le PNR 58 offrent toutefois aux musulmans la possibilité de se regrouper pour la prière du zénith le vendredi et ouvrent leurs portes à des imams, une à deux fois par mois.

Enfin, contrairement aux idées reçues, les entretiens menés pendant trois ans auprès des aumôniers et des imams (PNR 58) de neuf établissements, n’ont pas montré de discours de radicalisation de la part de musulmans. Les rares discours aux accents fondamentalistes impliquaient des évangéliques.

Imam et radicalisation

De par leur d’autorité et leur fonction de porte-parole, les imams, peuvent influencer les musulmans de leur entourage.

Selon les informations du Service de Renseignement de la Confédération (SRC), les musulmans "modérés" essayeraient de se défendre contre l’influence de prédicateurs "extrémistes". Au cours des dernières années, les fidèles et les responsables de mosquées n’ont cessé d’attirer l’attention sur des activités et des fers de lance extrémistes.

Signalons aussi la création de la "Fédération des imams albanais", en 2012. Cette fédération, à laquelle se sont ralliés 30 prédicateurs, a pour but, selon son président, de donner une voix aux musulmans "modérés" et de combattre le fanatisme religieux.

Seuls quelques rares cas d’imams ayant essayé de répandre des idées extrémistes incitant à la violence sont connus. Les autorités fédérales compétentes estiment qu'une dizaine de mosquées en Suisse prônent une interprétation extrémiste de l’islam.

Enfin, les imams servent également de rempart contre l’extrémisme. La radicalisation de jeunes musulmans en Europe révèle en effet davantage une méconnaissance religieuse qu'une réelle éducation en la matière. Il n’est ainsi pas rare que certains jeunes découvrent l’islam et que trois mois plus tard ils se retrouvent sur un territoire du djihad.

La formation des imams en Suisse

A l’heure actuelle, de nombreux imams actifs en Suisse maîtrisent mal, voir ne parlent pas les langues nationales. De manière plus générale, ils méconnaissent souvent le cadre juridique, social et confessionnel  dans lequel ils œuvrent.

Les lacunes linguistiques les empêchent de jouer un rôle d’intermédiaire avec la société suisse. Par ailleurs, elle altère leurs relations avec les fidèles de deuxième ou de troisième génération, souvent distancés de la langue de leur communauté d’origine.

Dans le cas des imams venant de Turquie, catégorie d’imams la plus rémunérée en Suisse, leur niveau linguistique et leur relative méconnaissance du système suisse s’expliquent par le caractère momentané de leur "mission".

La  Turquie les envoie pour des périodes déterminées, en général de 5 ans. Le même constat est à faire avec les imams venant d’Albanie. Ces imams ont donc à peine le temps de s’acclimater, qu’ils doivent déjà partir. Il existe ainsi une forme de "décalage" entre les imams importés qui ne resteront pas longtemps en Suisse, et les musulmans suisses/ de Suisse.

La majorité des musulmans interrogés dans le cadre du PNR 58 est favorable à une formation des imams en Suisse. Ces derniers attendent de leurs imams de solides connaissances théologiques, mais aussi un esprit d’ouverture et de critique. Ainsi, les interprétations du Coran doivent être adaptées au contexte suisse, impliquant ainsi, de la part des religieux, une connaissance de l’actualité, de la politique, de la culture et de l’histoire suisse.

Dans cette perspective, le centre suisse Islam et société (CSIS) à Fribourg entend donner des clés de compréhension de la société suisse aux imams actifs en Suisse. Il ne s’agit pas de former des imams sur un plan théologique, mais de leur proposer des formations continues leur permettant d’articuler leurs bagages théologiques avec le contexte helvétique. Ces cursus ne sont pas réservés aux seuls imams, mais ouverts à toutes personnes actives dans une association musulmane souhaitant se familiariser avec le système juridique suisse, mais aussi aux aumôniers ou encore aux personnes exerçant une activité professionnelle les mettant en lien avec l’islam. Le Centre développera trois domaines de travail: la recherche, l’enseignement et la formation continue.

Au début de l’année 2015, l’UDC fribourgeoise a lancé une initiative contre le projet du CIS, estimant, entre autres, que l’Université de Fribourg doit conserver son héritage chrétien.

Sources:

- Vie musulmane en Suisse, rapport réalisé par le GRIS, 2008

- Rapport du Conseil fédéral sur la situation des musulmans en Suisse, eu égard en particulier à leurs relations plurielles avec les autorités étatiques, en réponse aux postulats 09.4027 Amacker-Amann du 30 novembre 2009, 09.4037 Leuenberger du 2 décembre 2009 et 10.318 Malama du 1er mars 2010

-  PNR58, Formation des imams, instruction religieuse islamique et autres aspects de l’islam dans la vie publique suisse

- PNR58, La religion dans les prisons suisses: aumônerie en mutation et émergence de nouveaux acteurs

- Le Temps

- Religions en Suisse

- La Suisse des mosquées : derrière le voile de l’unité musulmane, Thierry Monnot, 2013

- Peut-on intégrer l’islam et les musulmans en Suisse ?, Mallory Schneuwly Purdie, 2011

- Dictionnaire encyclopédique du Coran, Malek Chebel, 2009

- Dictionnaire arabe-français, Larousse