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Pénurie de médecins: les infirmières et infirmiers spécialisés à la rescousse?

Pénurie de médecins: les infirmier.ère.s IPS à la rescousse? [RTS]
Pénurie de médecins : les infirmier.ère.s IPS à la rescousse ? / 36.9° / 21 min. / le 15 novembre 2023
Depuis trois ans, il existe en Suisse un nouveau métier au sein du système de santé suisse, celui d’infirmière ou infirmier praticien spécialisé (IPS). Un nouveau métier qui est né dans les années 60 aux Etats-Unis et au Canada pour désengorger le système de santé. En Suisse, le projet pilote existe pour l’instant uniquement au CHUV dans le canton de Vaud.

Ce nouveau personnel soignant pose des diagnostics, effectue des actes médicaux et rédige des ordonnances: des actes réservés jusqu'alors aux médecins. Pour suivre cette voie, les personnes intéressées doivent entreprendre un master de deux ans durant lequel elles doivent choisir une spécialité. Les IPS sont en fait des médecins assistants, mais dans un seul domaine. "Les médecins assistants voient des patients, moi aussi; on se fait superviser par les chefs de clinique, eux aussi. En revanche, pour eux, les six mois qu’ils vont passer en oncologie thoracique, c'est une étape de leur parcours de formation, tandis que moi je reste ici", explique Andréa Séréna, infirmier praticien spécialisé en oncologie thoracique au CHUV.

L’infirmier praticien spécialisé est quelqu'un de très important pour moi, c’est quelqu'un en qui j’ai absolument confiance, qui m’accompagne, qui me soutient beaucoup et je pense que si ça se passe bien, c’est aussi grâce à lui.

Patiente anonyme

Plus de stabilité pour les patients

Une stabilité qui évite les changements réguliers de médecins à l’hôpital, et permet de créer un lien privilégié avec ses patients. Une patiente suivie par un de ces infirmiers d'un nouveau genre ajoute: "L’infirmier praticien spécialisé est quelqu'un de très important pour moi, c’est quelqu'un en qui j’ai absolument confiance, qui m’accompagne, qui me soutient beaucoup et je pense que si ça se passe bien, c’est aussi grâce à lui."

Lors des consultations ambulatoires du CHUV, l'IPS est là pour prendre en charge des patients de manière autonome dans le but de soulager les médecins. Le nombre de consultations en oncologie ne cesse d’augmenter, 30’000 de plus en 15 ans. Ils ne sont pas pour autant livrés à eux-mêmes. Les IPS sont supervisés après chaque patient par un médecin cadre ou un chef de clinique, comme les médecins assistants. Selon la complexité du cas, le médecin accompagne même l'IPS auprès du patient.

Je suis une infirmière de terrain. Je n’ai plus envie de retourner sur les bancs d'école. Ce n’est pas mon truc. Ça éloigne quand même des soins, les IPS sont quand même plus dans les consultations, et puis c'est une sacrée responsabilité…

Annick Fischer, infirmière

De nouvelles responsabilités

Dans le canton de Vaud, ces infirmiers spécialisés ne sont qu'une vingtaine, tous au sein de l’hôpital. Leur formation les oblige à retourner à l'université après 4 ans de Bachelor et deux ans de pratique. Ce n’est donc pas évident pour tous ces infirmiers de renoncer à un salaire pour repartir étudier. "Je suis une infirmière de terrain. Je n’ai plus envie de retourner sur les bancs d'école. Ce n’est pas mon truc. Ça éloigne quand même des soins, les IPS sont quand même plus dans les consultations, et puis c'est une sacrée responsabilité… Je laisse la place à ceux qui le font très bien, j'ai envie de rester ici directement auprès du patient", commente Annick Fischer, infirmière.

Des responsabilités qu'il faut apprendre à gérer et à digérer. En oncologie plus qu'ailleurs, elles s’accompagnent d’une charge émotionnelle très forte. "Le rôle qu'on a en tant qu'IPS, c’est d’être là tout le long du parcours. On a la chance de leur dire comment ça fonctionne. On est là quand ça marche bien et malheureusement, on doit aussi être là quand ça va moins bien", raconte Mélissa Christofis, infirmière praticienne spécialisée.

On est là quand ça marche bien et malheureusement, on doit aussi être là quand ça va moins bien.

Mélissa Christofis, infirmière praticienne spécialisée

Une solution à la pénurie de généralistes?

En Suisse, il va manquer un millier de médecins d’ici 2030, essentiellement dans les campagnes. Pour y faire face, les IPS, à terme, devaient travailler en partenariat avec les médecins de famille. Cela aurait dû leur permettre de suivre davantage de patients. Mais les médecins généralistes restent méfiants. Ils sont nombreux à penser que les IPS ne sont pas adaptés aux besoins des cabinets des médecins généralistes.

"Tout peut arriver quand on est au cabinet de généraliste, on ne sait pas pourquoi les gens viennent, ils peuvent avoir des symptômes qui touchent toutes les maladies, tous les organes, tous les systèmes et on doit développer une connaissance, des compétences et un savoir-faire qui est extrêmement large. On ne voit pas tellement comment on pourra le faire avec des infirmières praticiennes spécialisées. L’IPS, elle n’est pas assez polyvalente", relève Sébastien Jotterand, médecin généraliste.

Pour l’instant, ces "supers infirmiers" exercent donc dans le cadre du projet pilote du CHUV uniquement.

Reportage TV: Emmanuelle Bressan

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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