Pratiques, branchées, les capsules de café ont envahi le marché de la consommation domestique. Cette mode n'est pas sans conséquence, que ce soit sur l'environnement ou sur votre porte-monnaie.
Café, mode et marketing
Les
capsules de café sont devenues les véritables vedettes du marché
domestique. Une conquête qui doit beaucoup à un coup de force du
marketing.
Pendant longtemps, c'est seulement dans les bars équipés de
machines professionnelles que l'on pouvait déguster un véritable
espresso. Puis sont apparues les machines à percolateur, version
domestique, pour un espresso proche de celui du bar au coin de la
rue, à condition, d'avoir la juste mouture, une bonne qualité d'eau
et une pression suffisante. Dernière étape en date : la machine à
capsule. Grâce à elle, l'industrie a stimulé le marché et rendu le
consommateur captif. Le succès du pionnier sur ce marché repose
avant tout sur une stratégie marketing soutenue par de gros
investissements publicitaires, comme l'explique Marc-Alain Dubois,
directeur de Nespresso Suisse : « Dès le début, nous avons
positionné Nespresso comme un produit premium haut de gamme. Nous
avons créé une valeur ajoutée au produit qui était en relation avec
le haut niveau gustatif du produit lui-même. Je pense que le
concept du club qui était aussi totalement innovant, ce relationnel
que nous avons voulu créer avec le consommateur, la volonté de
faire de chaque consommateur de Nespresso en quelque sorte un
connaisseur de café a aidé à cette image. »
Ambassadeur de charme et
image luxueuse
A ces consommateurs, promus connaisseurs, on propose des cafés
grands crus aux noms évocateurs, des machines et moult accessoires
au design sophistiqué, un magazine sur papier glacé, le tout
emballé dans des boutiques luxueuses que se veulent temples du
café. Virginie Baucomont, journaliste à CB News : « On a
utilisé les codes du luxe avec des machines très designées, des
dosettes uniques qui privilégient l'expérience, avec des séries
limitées de capsules qu'il faut acheter très vite sous peine de pas
pouvoir les goûter et un ambassadeur de choix dans la personne de
George Clooney. » Cet ambassadeur a effectivement cartonné.
Mais ce n'était pas gagné d'avance. Virginie Baucomont : « Il
ne fallait pas un ambassadeur qui ait une présence trop forte
puisqu'elle cannibaliserait le produit, il fallait quelqu'un qui
sache se mettre en retrait par rapport au produit et lui donne la
part belle. » Sharon Stone ou Monica Bellucci étaient sur les
rangs, mais une étude mondiale a permis de désigner George Clooney
comme candidat idéal. « Il ne se prend pas au sérieux et ça se
voit. Mais cet humour a quand même certaines limites, puisque
George Clooney a refusé que cette publicité passe aux Etats-Unis,
au Japon et au Canada, parce que dans ces pays, quand on fait de la
publicité, ça veut dire qu'on est en perte de vitesse. »
Que ce soit George Clooney ou les publicités d'autres machines à
capsules qui se sont engouffrées dans le sillage du succès de
Nespresso, l'univers publicitaire du café a bien changé depuis
quelques années. Virginie Baucomont : « Les pubs de café avant,
c'était le petit producteur dans son pays qu'on va voir avec des
gros sacs de café, on va voir la qualité, on va aller toucher la
graine de café. [...] Maintenant on est plus dans l'esprit de
consommation, dans l'instant de consommation et dans l'expérience
de consommation. On doit ressentir une expérience et une émotion
quand on boit du café ». Parler du plaisir ressenti en buvant
un bon café comme d'une expérience de consommation émotionnelle,
c'est du pur bla-bla marketing.
Des capsules à prix d'or : comparaisons de prix
Les fabricants de machines à café ont
choisi la formule commerciale dite du lock-in : une machine
relativement bon marché mais utilisable avec un seul type de
recharge compatible, qui, elles, sont vendues assez cher. Le
consommateur est captif et il paie le prix fort. Démonstration avec
huit machines à café représentatives de ce marché.
Il s'agit de modèle de base pour préparer de l'espresso. Leur prix
varie entre 79,90 francs et 299 francs. Un coût que l'on peut
considérer comme acceptable. Il en va autrement pour le prix du
café issu des capsules : à l'unité, la capsule coûte entre 30 et 47
centimes. En considérant qu'il y a entre 6 et 8 grammes de café
moulu dans une capsule, cela signifie du café vendu entre 45 et 80
francs le kilo, soit trois à six fois plus cher que le prix d'un
kilo de bon café en grain.
Nous avons fait un petit calcul révélateur pour un ménage qui
consomme en moyenne six cafés par jour. Voici pour les huit
machines sélectionnées le budget qu'il doit prévoir la première
année pour la machine et les capsules :
Coffee Cup Espresso Italia
Termozeta Espressocap
Tassimo de Bosch
Krups Dolce Gusto
Delizio Confort II
Carasso SL 200. Compter une
centaine de francs de moins si on achète les capsules par carton de
cent pièces.
Gaggia K111D
Turmix TX150 Nespresso. Le budget
le plus élevé de notre sélection.
Aussi pratiques mais sans tenir le consommateur captif de
capsules uniques, les machines avec moulin intégré. Elles coûtent
cher à l'achat, entre 500 et plus de 1000 francs, mais c'est une
formule avantageuse dès la deuxième année par rapport à la plupart
des versions avec capsules. On ne dépensera qu'environ 230 francs
de café en grains contre 657 à 1029 francs pour les capsules de
huit machines.
Cela dit, il y a encore moins cher : la simple machine avec
percolateur et porte-filtre : un budget d'environ 500 francs la
première année, puis 230 francs de café dès la deuxième année. Au
bout de cinq ans, on aura dépensé environ 4000 francs de moins
qu'avec une Nespresso.
Café dévoreur d'électricité
La
consommation d'énergie des machines à café, ce n'est pas un détail.
L'électricité ainsi gaspillée est conséquente, notamment en raison
des machines allumées en permanence.
Allumée pour
rien
En Suisse, deux ménages sur trois possèdent une machine à café. Ça
fait beaucoup de machines qui fonctionnent de nombreuses heures.
Christa Mutter, Agence Suisse pour l'efficacité énergétique : «
Cette consommation électrique représente celle de 120.000 ménages
au total. Et la consommation des machines à café, c'est autant que
la consommation de tous les fours ou de tous les téléviseurs.
» Seulement un quart de cette énergie sert vraiment à faire du
café. Le reste est dépensé par les machines en attente de faire du
café. « Une machine à café est, habituellement, tout le temps
en mode prête à l'emploi. Elle chauffe une réserve d'eau à 90
degrés en quelques secondes, soit une consommation de 1000 watts.
Nous recommandons les machines qui ont un déclenchement
automatique. C'est une minuterie interne qui va arrêter votre
machine, par exemple une heure après le dernier café tiré
».
Enorme
gaspillage
En fait, la machine n'est pas complètement arrêtée. Elle est mise
automatiquement en mode veille ou stand by. Mais attention, la
définition du mode veille varie d'un fabricant à l'autre. Christa
Mutter : « Les excellentes machines consomment zéro watt en
mode veille ou stand by, les bonnes machines autour de 2 watts. A
partir de 3,5 watts, la machine va consommer davantage en mode
veille que quand vous tirez le café parce qu'elle reste enclenchée
toute la journée ». Pour l'instant, une seule machine à
capsule est équipée de ce système de déclenchement automatique.
Grâce à celui-ci, ou en éteignant manuellement sa machine, on
économiserait une grande partie de l'énergie consommée inutilement
par les machines en attente. Cela vaut aussi pour toutes les
machines installées dans les bureaux, qui en général restent
allumées en permanence. Seul inconvénient de ce système, il faudra
patienter une petite minute au lieu de quelques secondes pour avoir
son café, mais l'économie réalisable est considérable, l'équivalent
de la consommation de la ville de Lausanne. Et puis éteindre sa
machine, c'est aussi éviter l'usure inutile des joints et donc
augmenter sa durée de vie.
Des milliards de capsules, une montagne de déchets
Quel est l'impact des milliards de
capsules de café, souvent emballées plus qu'il ne faut, sur
l'environnement ? Leur recyclage, en tous cas, laisse à
désirer.
Pierre Ammann, président de
l'Association Suisse des installations de traitement de déchets :
« Avec ce genre de production, de dosettes de café emballées,
sur-emballées, les études ont montré que l'on produisait huit à dix
fois plus de déchets qu'avec du café en vrac. Vous avez du carton à
l'extérieur, du plastique à l'intérieur. Ce plastique qui ressemble
à du métal n'est pas recyclable en tant que tel. » Il est
important d'être conscients de la nécessité de recycler, mais... ce
n'est pas toujours possible : « Vous avez souvent différents
produits dans ces capsules. Par exemple, une structure en plastique
et un couvercle en papier. Dans ce cas, il n'y a rien de
recyclable. On va brûler tout ceci parce qu'en Suisse il n'y a plus
rien qui part en décharge. »
La "solution"
Nespresso
Nespresso se vante de proposer une capsule en aluminium 100%
recyclable. Recyclable oui, mais au prix de quels efforts ! Au
départ, côté recyclage, rien n'avait été prévu, et recycler des
capsules d'aluminium pleines de marc de café humide, ce n'est pas
simple. Il a fallu non seulement organiser la collecte des
capsules, mais surtout inventer la machine capable de rendre cet
aluminium recyclable. Elles sont d'abord broyées. Ce hachis
d'aluminium et de marc de café passe ensuite dans un four à 160
degrés pour être séché, afin que les deux composants puissent être
séparés. D'un côté l'aluminium qui sera fondu, de l'autre le marc
de café qui ira au compost. Nespresso estime avoir trouvé la bonne
solution en précisant que le taux de recyclage des capsules
Nespresso en Suisse est actuellement de 60%.
Recyclage alibi
?
A La Bonne Combine, à Lausanne, qui est un des lieux de collecte
des capsules Nespresso, on est bien placé pour constater que ce que
Nespresso considère comme la bonne solution comporte quand même
quelques défauts. Laurent Zahn, "La Bonne Combine" : « Il y a
déjà énormément de trajets avec des petites quantités. On voit les
clients qui viennent avec leur petit bidon avec 50 ou 60 capsules à
chaque fois. Après, le camion vient chercher le container. Malgré
nos demandes répétées, il n'amène pas de container vide quand il
reprend le plein, mais refait un trajet pour ramener un container
vide [...] Ce recyclage, d'une manière générale, fait plus penser à
un argument marketing qu'à un véritable souci d'écologie. »
Pour ceux qui veulent recycler leurs capsules le plus
écologiquement possible, la Bonne Combine a un bon truc. Il suffit
de nettoyer soi-même la capsule, d'écraser l'alu et de composter le
marc, puis d'amener ces capsules écrasées à recycler, pourquoi pas
par millier. Mille capsules que l'on pourra jeter directement dans
les containers de recyclage de l'alu disponibles dans toutes les
déchetteries. Cela dit, le plus grave, c'est que le recyclage des
capsules Nespresso n'est organisé qu'en Suisse, ainsi que quelques
prémices en Allemagne et en Hollande. Dans le reste du monde, rien.
Ca fait donc beaucoup d'aluminium dans la nature, quand on sait que
les ventes actuelles de Nespresso sont estimées à environ 2
milliards et demi de capsules par an.
Capsules de café : dégustation
Huit capsules, toutes choisies dans la catégorie « espresso »,
utilisées dans leur machine propre, ont été dégustées par notre
jury. Celui-ci était constitué de 5 personnes :
- Christophe Gulli, instructeur de bar, Ecole Hôtelière de
Lausanne.
- Mathieu Huguenin, barista aux cafés La Semeuse, torréfaction
artisanale à La Chaux-de-Fonds, vice-champion suisse barista.
- Philippe Nicolet, entrepreneur et consultant indépendant en
café.
- Edoardo Artari, de la maison Artari, dans la Vallée d'Aoste, une
petite maison d'espresso établie depuis 1886.
- Paolo Palazzi, amateur de bon café, physicien et membre de
Slowfood.
Ils ont noté les cafés de 1, très mauvais, à 6, excellent.
Voici leur verdict, du moins bon au meilleur :
8ème, mauvais
Coffee Cup Espresso Italia
Mathieu Huguenin : « Pour moi, c'était imbuvable ».
6ème ex-aequo, médiocre
Tassimo de Bosch
Paolo Palazzi : « Dans ce café, j'ai éprouvé besoin d'ajouter
un petit peu de sucre pour le rendre buvable. »
276 Delizio Confort II
Paolo Palazzi : « Peu aromatique mais avec une belle crème
».
4ème ex-aequo, médiocre
Termozeta Espressocap
Mathieu Huguenin : « C'est un café qui est très fort, qui sera
très fort en caféine, mais qui sera très court ».
Carasso SL 200
Christophe Gulli : « Sans corps, qui n'avait pas de tenue en
bouche, sans caractère ».
3ème, acceptable
Gaggia caffitally
Philippe Nicolet : « A l'oeil, il était épouvantable, sans
mousse. Après dégustation, Sa complexité était une belle et grande
surprise ».
2ème, acceptable
Krups Dolce Gusto
Mathieu Huguenin : « C'était du fruité, du goût et surtout ce
qui l'a dénoté par rapport aux autres, c'est qu'il était très
prolongé au niveau du reste de l'amertume ».
1er, satisfaisant
Nespresso Turmix TX150
Edoardo Artari : « Il avait une belle crème très persistante
et sa structure était assez équilibrée, je lui ai donné un 4, pas
un 5 ou plus car il n'a pas une grande personnalité ».
Avoir à préparer en un temps relativement limité une quarantaine
de cafés nécessaires pour cette dégustation, ce fut un test d'usage
révélateur de grosses différences de praticité entre les
machines.
- Les machines Delizio et Turmix Nespresso se sont révélées
vraiment très pratiques.
- Tassimo, Krups Dolce Gusto et Gaggia ont été jugées
pratiques.
- Termozeta Espresso et Carasso s'avèrent, elles, peu
pratiques.
- Quant à Coffee Cup Espresso, elle est vraiment très peu
pratique.
Capsules de café : et la santé ?
Sous
l'effet de la chaleur et de la haute pression, une substance issue
de la capsule - de l'aluminium, des peintures, des vernis ou des
plastifiants - peut-elle passer dans votre espresso ?
Le laboratoire Eurofins, à Hambourg en Allemagne, est spécialisé
dans les dosages de résidus présents dans l'alimentation suite à
des migrations. Ils ont testé pour nous huit machines et leur
capsule. Après plusieurs tests réalisés sur chaque machine, la
bonne nouvelle est tombée : le laboratoire n'a décelé aucune
migration significative. Il a relevé parfois quelques traces, mais
largement en dessous des limites autorisées. La réponse est claire
: les cafés issus des huit capsules ne contiennent aucun des
résidus indésirables recherchés.
Si le petit noir tiré avec les
machines à capsule est vite fait, ce n'est pas une raison pour
augmenter sans retenue sa consommation. Petit rappel de l'effet de
la caféine sur le corps avec Jacques Diezi, professeur honoraire en
toxicologie à l'UNIL : « Les organes cibles sont principalement
le cerveau et le cœur, ou disons le système cardio-vasculaire. Le
rein aussi accessoirement, ça a un certain effet diurétique, léger
mais avéré. » Côté système cardio-vasculaire, à partir de
certaines doses, on a observé une augmentation de la fréquence
cardiaque et même des hypertensions artérielles temporaires.
On estime la ration quotidienne normale à 200 mg de caféine par
jour, soit l'équivalent de trois espresso. Mais avec une tasse de
café filtre, on absorbe déjà 120 mg de caféine. Et l'on peut
devenir d'une certaine manière dépendant de la caféine dans le sens
où certains syndromes de sevrage ont pu être observés, tels que des
états de somnolence accrue, ou des problèmes de concentration.
Un dernier point auquel il faut
être attentif : il y a de la caféine dans d'autres boissons que le
café. Dans le thé, bien sûr, mais aussi: 120 mg dans un litre de
soda au cola et près de trois fois plus dans les boissons
énergétiques ! De quoi dépasser rapidement la dose journalière
normale.