En ce début d'année 2008, désignée année de la pomme de terre, ABE passe en revue les frites et leur huile. Les frites sont grasses, c'est dans leur nature, mais la qualité de cette graisse n'est pas uniforme. Egalement au menu, le Cervelas, un symbole national menacé.
Au pays de la frite
Les Belges l'affirment : leurs frites sont les meilleures. Elles sont en tout cas devenues un symbole du pays.
Dans les villes et les villages, il n'y a pas une place sans friterie. Elles sont si nombreuses qu'on ne les compte plus. Antonio est frituriste à Bruxelles : « Regardez, ici j'ai trois concurrents qui vendent des frites sur même pas cent mètres ! » Au cœur de Brugge, la frite aura même son musée. Il est né dans l'esprit d' Eddy Van Belle, déjà à l'origine de deux autres musées, l'un dédié aux luminaires, l'autre au chocolat. Le 1er mai, il va installer la frite dans un bâtiment historique. « Nous prenions un repas en face, dans un restaurant bien sympathique, et nous cherchions une utilisation pour ce bâtiment. Qu'est-ce qui est typiquement belge, s'est-on demandé ? Le chocolat, mais il a déjà son musée. La bière, mais il y a déjà plusieurs musées de la bière en Belgique. Comme nous mangions un steak frites, quelqu'un a dit : pourquoi pas la frite ? »
Les Belges n'ont aucun doute, c'est bien en Belgique que la frite a été inventée au XVIIe siècle, ce que nous confirme Cédric Van Belle, son fils : « Il y a énormément de théories qui existent et différentes petites légendes. Celle qui a nous a le plus marqué se déroule il y a quelques centaines d'années dans la région de la Meuse, dans la région de Dinant. On y avait l'habitude de manger des petits poissons frits péchés dans la Meuse. Suite à plusieurs années de grand froid où cette pèche fut impossible, quelqu'un s'est décidé à couper une pomme de terre en frites, en petits bâtons, et à les mettre dans l'huile bouillante, ce qui a donner les premières frites. C'est l'histoire qu'on a retenue et qui est, apparemment, typiquement belge. »
Frites vendues en grandes surfaces et qualité de l'huile: le test
Pour faire des frites, il faut des pommes de terre et de la graisse. Pour les pommes de terre, il y différentes coutumes : en Suisse, certains producteurs ne jurent que par l'agria, tandis que les Belges préfèrent la bintje.
Il faut aussi de l'huile. Les acides gras trans font leur apparition lors de la solidification de l'huile. L'industrie suisse s'est engagée à réduire au maximum leur présence. ABE a vérifié si cet engagement portait ses fruits. Nous avons confié au laboratoire de Gand en Belgique 13 échantillons de frites industrielles, généralement surgelées, prêtes à mettre au four. Verdict sur la qualité des huiles.
Très bonne
Denny's, Migros: 6,7% de matières grasses, faible taux d'acide gras saturés.
Juste acceptable
Lifestyle de Coop : ce sont les moins grasses avec un taux de 3,47%. Peu d'acides gras saturés, mais présence d'acides gras trans.
Les frites de Coop : 5,7 % de matières grasses, peu d'acides gras saturés, mais présence d'acides gras trans.
Frigemo, Carrefour: 6,89 % de matières grasses, peu d'acides gras saturés, mais présence d'acides gras trans.
Dégradée
Leader Price : 6,16 % de matières grasses, forte présence d'acides gras saturés et d'acides gras trans.
1-2-3 frites de Mc Cain : 4,58 % de matières grasses, taux d'acides gras saturés élevé.
Golden Sprinter de McCain : 7,35 % de matières grasses, taux d'acide gras saturés élevé.
Très dégradée
Frites bio de COOP Naturaplan : 6,4 % de matières grasses, taux d'acide gras saturés très élevé.
Frites au four Findus : 5,65 % de matières grasses, taux d'acide gras saturés très élevé.
Leger de Bischofszell : 3,72% de matières grasses, acides gras très saturés.
Frites au Four de Bischofszell : 5,66 % de matières grasses, taux d'acide gras saturé très élevé.
Frites ondulées d'Aldi :5,46 % de matières grasses, taux d'acides gras saturés très élevé.
Look for the best de chez Denner :4,09% de matières grasses, taux d'acides gras saturés très élevé.
Réaction d'Eric De Marteleire, directeur du laboratoire municipal de la Ville de Gand : « On a mesuré la composition des graisses, on a constaté deux choses. D'abord il y a une très forte présence d'acides gras trans, ce qui a un effet délétère sur l'organisme. Je pense, avec d'autres, qu'il faut éviter à tout prix la présence d'acides gras trans dans les aliments. D'autre part, on parle des acides gras saturés et ça reste un petit problème. La teneur en acides gras saturés est encore trop élevée. Cela a aussi, à mon avis, un effet négatif sur l'organisme. »
Frites en restaurant et qualité de l'huile : le test
Nous avons également prélevé des frites dans onze restaurants self service de Suisse romande. A la différence de la frite au four, où les caractéristiques de la graisse ont été mesurées à froid dans la frite, dans les frites de self service, on ne peut que mesurer l'état d'oxydation d'une huile, ce que l'on appelle la fraction polaire. Résultat :
Bonne
Manora, Villars-sur-Glâne : 11,15 % de matières grasses, huile de friture très peu oxydée.
Migros de Balexert, Genève : 16,19 % de matières grasses, huile de friture très peu oxydée.
Manora à Bienne, Boujean : 10,98 % de matières grasses, huile peu oxydée.
Self du restauroute "Le Marché" de Mövenpick, Martigny : 11,17 % de matières grasses, huile peu oxydée.
Restaurant self de Coop-City Fusterie, Genève : 11,67 % de matières grasses, huile peu oxydée.
Acceptable
Restaurant self Migros de Marin-Centre, Neuchâtel : 21,78 % de matières grasses, huile oxydée.
Restaurant self de Coop-City, Sion : 14,95 % de matières grasses, huile oxydée.
Restaurant self d'Ikea, Aubonne : 11,26 % de matières grasses, huile oxydée.
Self Mc Donald's, Crissier : 13,24 % de matières grasses, huile oxydée.
Dégradée
Self du restoshop Autogrill, Bavois : 13,94% de matières grasses, huile très oxydée.
Self Mc Donald's, Delémont : 14,03% de matières grasses, huile très oxydée.
Eric De Martelaire : « Il y a une nette amélioration, mais il y a encore des progrès à faire . Il faut encore essayer de diminuer la teneur en graisse et d'utiliser des produits végétaux, même hydrogénés, qui diminuent les acides gras saturés, et diminuer la fraction polaire. »
Entretien avec Robert Remy, Responsable politique alimentaire à Test-Achats
Est-ce que vous avez constaté une évolution de la frite en vrac, celle réservée aux restaurateurs, sur le plan de la santé publique ?
« La réponse est évidente, c'est oui. En fait, chez Test-Achats, c'est un combat historique que nous avons mené. Sans vouloir vous assommer de chiffres, je vous rappellerai que depuis 25 ans, nous avons lutté pour améliorer la qualité des bains de friture des restaurateurs et autres friteries. En 1984 par exemple, nous étions à 60% de résultats médiocres. »
Sur le plan de la santé, la frite en vrac, servie dans les restaurants, a maintenant un bon carnet ?
« Elle s'est améliorée, mais il est évident que dans une série de cas, il n'y a pas assez de soin qui est apporté et vos résultats le démontrent quand on voit qu'en pourcentage de graisse totale on va de 11 à près de 22%, c'est-à-dire du simple au double. Il est évident que des frites qui contiennent 22% de matière grasse démontrent qu'il n'y a pas eu suffisamment de soins apportés lors de la préparation, lors de l'égouttage avant le service au client. Mais globalement on va dans le bon sens, c'est vrai. »
Si la frite en vrac a fait des progrès, qu'en est-il maintenant de la frite industrielle, celle que l'on trouve congelée dans les magasins et que l'on réchauffe au four ?
« Malheureusement, on est beaucoup plus loin du compte. Les résultats des analyses que vous avez menées confirment nos propres résultats, la situation est tout simplement déplorable. Pour deux raisons essentielles : l'écrasante majorité des fabricants utilisent soit des graisses animales de mauvaise qualité, soit des graisses hydrogénées. Ils leur font donc subir un traitement pour obtenir d'une graisse liquide une graisse solide. Pour des raisons purement mercantiles et uniquement parce que ces produits sont meilleur marché, ils utilisent des matières grasses qui sont de très mauvaise qualité. Dans votre analyse, deux paramètres essentiels mettent en évidence cette réalité : d'une part le pourcentage d'acides gras trans, d'autre part le pourcentage d'acides gras saturés. »
Qui sont, eux, extrêmement nocifs et favorisent les maladies cardio-vasculaires ?
« Exactement ! Pour faire bref, l'un et l'autre vont dans cette direction. Les acides gras trans sont effectivement la preuve essentielle d'une utilisation de graisse hydrogénée et d'un traitement mal maîtrisé en la matière. Malheureusement, il faut bien reconnaître qu'aussi bien en Suisse qu'en Belgique et dans l'Union européenne de manière générale, nos autorités ne prennent pas suffisamment en compte cette réalité. Un seul pays dans l'Union européenne le fait, c'est le Danemark qui a fixé une norme légale. Elle est de 2% maximum de la matière grasse totale. Depuis quelques années que cette norme existe, progressivement, les fabricants s'adaptent. Je voudrais ajouter que ce problème des acides gras trans est cumulatif, parce que l'on ne retrouve pas uniquement des acides gras trans dans les frites mais aussi dans toutes sortes de produits industriels, les croissants et les viennoiseries par exemple. »
Frites maison : les conseils pour le bain de friture
Le meilleur moyen d'éviter acides gras trans et saturés, c'est encore de faire ses frites soi-même, en choisissant bien son huile. Les conseils de Robert Remy, Responsable politique alimentaire de Test Achats :
- L'huile de maïs, l'huile d'arachide, l'huile de tournesol sont parmi les meilleures huiles à conseiller. Si vous utilisez des frites au départ de pommes de terre fraîches, séchez convenablement ces frites avant de les mettre à la friture. Si vous utiliser des frites congelées, éliminez le maximum de cristaux, donc de glace et ne versez pas tout simplement le paquet parce que ces glaçons vont accélérer la dégradation de votre bain de friture.
- Ne cuisez pas de trop grosses portions à la fois, cela a également un effet néfaste. Le meilleur schéma de cuisson, c'est la cuisson en deux étapes, une première cuisson à environ 150 à 160 degrés, suivie d'une seconde cuisson aux environs de 175 degrés, maximum à ne pas dépasser.
- Progressivement, le bain de friture se dégrade. Si vous constatez des résidus carbonisés au fond de la friteuse, si l'huile en cours de cuisson devient visqueuse, produit beaucoup de mousse ou dégage une fumée bleue, cela veut tout simplement dire qu'il est temps de remplacer le bain de friture.
- Il est conseillé de remplacer le bain de friture après douze à quinze utilisations. Si on l'utilise moins, tous les six mois parce que l'oxydation va également jouer. Il ne faut pas se contenter de rajouter de l'huile neuve au bain de friture déjà existant ! Il faut remplacer dans sa totalité le bain de friture une fois que celui ci est dégradé.
« Non mais c'est pas possible » : menace sur le cervelas
Le cervelas, symbole de la gastronomie suisse, vit des heures sombres. Les boyaux qui contiennent la chaire proviennent de bœufs brésiliens. Or, ils ont été bannis par l'Union européenne, accusés d'être un possible vecteur de la maladie de la vache folle. Les professionnels n'ont pas hésité à convoquer une conférence de presse et à constituer une task force pour sauver ce fleuron culinaire, dont le poids économique est loin d'être négligeable : 100 millions de francs par an. ABE a suivi ce feuilleton, dont l'issue demeure incertaine.
Cigarettes soldées : entretien avec Patrick Fauchère, chef de vente Coop GE-NE-JU
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