ABE a enquêté sur diverses arnaques révélées par les téléspectateurs. Fausses voyantes, transferts de fonds en déshérence, loteries sur Internet, voyages gratuits ou annuaires téléphoniques douteux, tous les moyens sont bons pour soutirer de l'argent aux distraits, aux crédules et aux cupides.
Des voyantes dans une case postale
Des pseudo-voyantes ont soulagé plusieurs personnes de sommes
conséquentes, en jouant sur leurs peurs et leurs faiblesses. Leurs
cibles privilégiées : les personnes âgées. Oscar Mayor a 86 ans. Il
y a quelques années, il reçoit les premières lettres de
pseudo-voyantes qui lui font croire qu'elles le connaissent. Leurs
courriers sont un savant mélange de bonnes et de mauvaises
nouvelles. « J'avais l'impression qu'on voulait m'aider. Marie
de Fortune m'a dit que je méritais 25'000 francs. Vous voulez faire
quoi ? » Il garde le secret. A l'insu de sa famille, il est
tombé dans les griffes des fausses voyantes. On s'en doute, il ne
reçoit ni prix, ni don. On lui suggère de faire des rituels avec du
bois de buis et un ciboire. En prononçant cinq fois "Amen", son
"calice va capter la source universelle d'Abondance ». Chaque
rituel, chaque grigris est vendu 80 francs. Intrigué par la
médaille que porte son père, son fils finit par découvrir le
pot-aux-roses. Gérard Mayor: « Je l'ai questionné et je me suis
rendu compte de ce qui se passait. Il était très embarrassé, il
leur devait énormément d'argent et il avait de sérieux soucis.
»
Idee Versand, l'entreprise
derrière les voyantes
Les pseudo voyantes ont le sens des affaires. Elles envoient des
factures, puis des recouvrements. Elles ont soutiré des centaines
de francs, peut-être plus, à Oscar Mayor. En fait, une organisation
se cache derrière ces voyantes. "Rahel", par exemple, a envoyé
exactement la même lettre à de nombreuses personnes en Suisse
romande. Elle se prétend médium karmique. Au cours d'une promenade,
elle serait passée devant la maison des futures proies et aurait eu
« soudain un pressentiment médiumnique particulier et d'une
extrême intensité. » Infatigable, Rahel passe son temps à se
promener devant des maisons et à ressentir des pressentiments. A
Saxon, Territet, Chavannes-sous-Orsonnens, Montreux, Genève,
Monthey, etc. Sur les courriers de ces « voyantes », on trouve des
petits chiffres qui ressemblent furieusement à un numéro de client.
C'est bien le signe qu'une entreprise se cache derrière ce
business. Enfin, toutes ces voyantes habitent dans des cases
postales. Parce qu'en Suisse, les locataires des cases peuvent
rester anonymes. La Poste n'a pas le droit de se mêler de leurs
affaires. Dans le cas des voyantes, c'est l'entreprise Idee
Versand, à Zoug, qui loue la case postale où se cache Marie de
Fortune et consorts.
Jouer sur les
peurs
Ses méthodes pour convaincre les gens crédules sont bien connues
de Pascal Wagner-Egger, professeur en psychologie sociale à
l'Université de Fribourg : « La voyance permet de diminuer la
peur que l'on a de l'existence, de la maladie, de la mort. Ces
voyantes font appel à ces peurs. Elles utilisent aussi les
techniques de crainte et de soulagement avertissant du malheur et
en apportant le rituel pour le conjurer. » Harceler les
personnes âgées, mentir sur l'existence des voyantes, faire de
l'argent sur le dos de gens fragiles, voilà l'activité d'Idee
Versand dont les lettres méritent un seul traitement : la
poubelle.
Précisions : Les personnes âgées sont la cible privilégiée de ce
type d'arnaque. Les dates de naissance complètes sont parfois
mentionnées sur les lettres de ces pseudo-voyantes, ce qui laisse à
penser que les adresses des seniors se vendent et se revendent,
certainement sous le manteau.
Idee Versand, à Zoug, qui loue la case postale de Marie de
Fortune, n'a pas répondu à notre courrier.
Nous n'avons pas connaissance de personnes mises aux poursuites
par Idee Versand, la société semble se contenter de faire envoyer
des courriers de plus en plus insistants par une entreprise de
recouvrement, sans plus.
E-mails d'Afrique
Par e-mail, les
promesses de magots mirobolants se multiplient. Voici deux exemples
d'arnaques.
Le compte oublié
En juillet 2003, un avion de tourisme s'écrase sur une montagne du
Kenya. A son bord, les douze membres d'une même famille américaine
et les deux pilotes. Il n'y a pas de survivant.
Ce fait divers tragique a vraiment eu lieu et des escrocs s'en
servent pour tenter d'arnaquer des pigeons cupides, contactés par
e-mail. D'après ces escrocs, le père de famille américain avait
déposé dix-sept millions de francs dans une banque d'Abidjan avant
sa mort. Ils disent que l'argent n'a pas été réclamé et ils
demandent au pigeon de se faire passer pour un membre de la famille
pour l'encaisser. Sa récompense ? Une commission de 35%. Ou se
situe l'arnaque ? Olivier Ribaux, Professeur à l'Institut de
sciences criminelles UNIL : « Tout se passe en plusieurs
épisodes. On vous demande une petite avance de frais ; il faut
payer pour la valise, la clé, le produit chimique pour nettoyer les
billets... » Le pigeon ne voit jamais la couleur du magot. Il
dépense au contraire des milliers de francs. On s'en doute, les
plumés sont peu nombreux à en parler, encore moins à déposer
plainte.
La fausse
loterie
La dernière astuce des escrocs africains de l'Ouest, c'est la
fausse loterie. Des lots mirobolants sont promis à des gens dont
l'adresse e-mail a été, disent-ils, tirée au sort. Pour faire
sérieux, les arnaqueurs donnent un numéro de téléphone. Nous en
avons appelé un pour réclamer notre lot de 300'000 Euros. L'arnaque
a surgi quelques jours plus tard. Il fallait avancer 5'076 Euros
pour payer les frais de transfert du gros lot. Par Western Union, à
Abidjan. Nous n'avons évidemment pas donné suite. Le numéro de
l'arnaqueur est situé en Grande-Bretagne, le serveur de messagerie
est en Pologne. L'escroc est Africain de l'Ouest. Olivier Ribaux :
« Pour attraper ces gens-là, les autorités judiciaires ont de
la peine. Cela demande une bonne coordination, de gros
investissements pour obtenir des résultats. » Une arnaque
mondialisée difficile à combattre.
Voyage « offert» et frais annexes
Quatre Romands se sont rencontrés début décembre lors d'un voyage
en Turquie suite à un voyage gagné dans un concours auquel ils ne
se souviennent pas avoir participé. C'est l'agence de voyages SCP
(Swiss Car Promotion) - basée à Hergiswil - qui leur a offert ce
cadeau d'une valeur de 1'500 francs pour deux personnes. SCP, c'est
la même maison que Provitalis, qui organise des présentations
commerciales dans des restaurants d'ici et d'ailleurs, avec un
repas gratuit à la clé. Le voyage, lui, n'était pas totalement
gratuit. Les quatre Romands ont payé 220 francs de frais et de
taxes chacun avant de partir. Si l'arrivée en Turquie s'est passée
sans encombre, la suite laisse déjà à désirer. Le guide n'a qu'une
seule idée en tête, vendre le forfait demi-pension aux
participants, 120 francs par personne. Et pour arriver à ses fins,
il sort un gros mensonge, comme l'explique Dominique Wüst,
participant au voyage : « Il a affirmé qu'aux alentours de
l'hôtel, il n'y aurait rien, qu'on ne pourrait pas se restaurer. En
réalité, pas mal de négoces étaient fermés, mais nous avons fait de
bons petits restaurants et c'était fort sympathique. »
Pressions sur les frais facultatifs
Sur le trajet entre l'aéroport et l'hôtel, le car s'arrête dans
une salle des fêtes, pour un verre de bienvenue. Prix du verre : 2
euros...Quant au vrai but de l'arrêt, c'est la vente d'un forfait
de trois excursions dites facultatives. L'addition commence à se
corser. Les frais de réservation, puis les taxes de carburant et
d'aéroport, la demi-pension, les trois jours d'excursions, le
voyage "offert" coûte en réalité 600 francs par touriste. Certains
de ces frais, comme les excursions, sont facultatifs mais les
pressions lors de la séance d'accueil les font passer pour
quasiment obligatoires. Lucette Walther, participante au voyage, a
résisté : « Avec mon amie, on voulait visiter par nos- mêmes.
C'est plus joli que quand c'est prévu. On a refusé les excursions.
Dans la salle, il y avait beaucoup de personnes qui n'étaient pas
d'accord de payer et le guide n'était vraiment pas content.
»
Menaces de mort
Comme prévu au programme, au milieu du séjour, le groupe quitte
Antalya pour Kusadasi, à 400 kilomètres. Un arrêt est prévu à
Pamukkale, un impressionnant site géologique, inscrit au patrimoine
mondial de l'Unesco. Toutefois, le guide n'octroie que 40 minutes
pour la visite. Car l'intérêt des organisateurs, c'est d'emmener le
groupe dans des commerces, où ils toucheront une commission sur les
cuirs, les tapis et les bijoux achetés par les touristes, à des
prix surfaits. Les récalcitrants tentent quelques critiques. La
réaction est violente. Brigitte Berthoud : «Le guide m'a
menacée de mort, à plusieurs reprises. » Le guide va jusqu'à
menacer les enfants du groupe. Dominique Wüst : « Il nous a dit
qu'il pouvait faire quelques téléphones et, qu'en Turquie, les
têtes sautaient facilement. » Le quatuor rentre en Suisse,
dégoûté par les méthodes de l'agence de voyages et de ses
partenaires. Jérôme Perrenoud : « Ce qui me fait de la peine,
c'est que les trois quarts du car étaient des personnes âgées. Des
proies faciles, ils ont même fait une collecte pour le guide.
»
SCP a répondu par courrier à ABE :
la société justifie toutes les sommes réclamées aux voyageurs et
affirme tout ignorer du comportement des guides. Elle est prête à
faire un geste : elle offre deux bons de 200.- valables uniquement
sur des voyages de son agence. Dernière précision : Swiss Car
Promotion n'est pas membre du Fonds de garantie de la branche
suisse du voyage. En cas de faillite ou d'insolvabilité de cette
agence, vous ne seriez ni remboursé ni pris en charge en cours de
séjour.
Annuaire ruineux
Les arnaqueurs
sont malins. Ils ne ciblent pas seulement les crédules et les
cupides, ils s'attaquent aussi aux distraits. Notamment grâce à un
service d'annuaire à prix d'or, déjà évoqué par ABE en janvier
2008.
Angela Héritier a ouvert l'an
dernier une agence matrimoniale. Lorsque l'on se met à son compte,
on a tout plein de formalités sur les bras. Il est, entre autres,
important de faire référencer sa société pour trouver des clients.
C'est ce que croyait faire Angela Héritier en répondant à un
courrier lui proposant ce service. Un mois plus tard, la facture
tombe : 860 francs par an pour figurer dans un annuaire
électronique confidentiel. Chez Swisscom, l'inscription coûte une
vingtaine de francs... Révoltée, Angela Héritier décide de ne pas
verser un centime aux arnaqueurs. « Ils ont mandaté une société
de recouvrement avec des frais exorbitants. J'ai trouvé que cela
allait trop vite, trop loin et j'ai porté plainte auprès du
Tribunal, à Zurich et à Genève » Les arnaqueurs ont mis la
jeune femme aux Poursuites, mais elle a fait opposition. Le
Procureur général du Canton de Genève a déjà classé sa plainte. La
justice zurichoise, elle, est entrée en matière et Angela Héritier
a été entendue le jour même de l'émission par la police genevoise
en tant que plaignante. Les choses ont donc l'air de bouger de
l'autre côté de la Sarine !
Victime lui aussi des arnaqueurs, Gilbert Badaf était sur le
plateau d'A Bon Entendeur en janvier 2008. Un an plus tard,
l'immobilisme de la justice le navre : «Les plaintes sont
systématiquement classées sur des bases pseudo-légales. La justice
ne protège pas, elle favorise les arnaqueurs. » Il conseille
toutefois de ne pas payer les frais jugés indus (voir entretien
avec Mathieu Fleury de la FRC). On l'imagine, les annuaires douteux
donnent des boutons à Swisscom et à ses partenaires. Martin Lüthi,
porte-parole de Swisscom Directories, donne un autre conseil pour
ne pas se faire arnaquer: « Souvent, les formulaires des
annuaires douteux n'ont qu'un logo et un numéro de fax. Il n'y a
pas d'adresse, ni de numéro de téléphone ou le nom d'une personne.
»
Entretien avec Mathieu Fleury, de la Fédération Romande des
consommateurs
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en vidéo.