Selon les données encore provisoires fournies par les porte-parole des polices cantonales, les cambriolages ont augmenté de 10 à 20% entre 2007 et 2008 sur le canton de Vaud, de 35 à 40% sur Genève. Comment prévenir ses intrusions très indésirables ? Conseils de sécurité et enquête sur un marché parfois très opaque. (Lien - Votre inventaire de ménage en ligne, gratuit pendant les 12 premiers mois)
Un supermarché pour cambrioleurs
Un
cambrioleur professionnel a besoin de moins de 20 secondes pour
arracher un cylindre et forcer la serrure d'une porte.
Porte-fenêtre et fenêtres sont d'autres points vulnérables des
logements. La police vaudoise veut encourager la population à
prendre des mesures de protection. Elle va exposer un logement
reconstitué au Salon Habitat et Jardin de Lausanne pour montrer les
principaux modes opératoires des cambrioleurs. Jean-Christophe
Sauterel, chef presse, Police cantonale VD : « La Suisse et en
particulier le bassin lémanique, c'est un peu le supermarché des
cambrioleurs. Il y a de nombreuses zones résidentielles, avec une
certaine richesse visible qui attire les cambrioleurs. [...] Les
mesures physiques de protection, les mesures passives sont
pratiquement inexistantes. »
Des serrures comme du
gruyère
Pour savoir s'il est si facile de se servir dans les maisons
romandes, les enquêteurs d'ABE sont partis en mission dans des
immeubles et villas de la région lémanique. Ils ont photographié
des portes d'entrée, avec force détails à l'appui, pour ensuite les
soumettre au verdict de spécialistes de la prévention. Premier
constat : c'est le cylindre saillant qui fait l'affaire des
larrons, qu'il s'agisse de portes 1900 ou de serrures du 21ème
siècle. Jean-Philippe Brandt, porte-parole, Police cantonale GE :
« On pourrait résoudre ça avec des petites rosaces, ces sortes
de cônes qu'on pose sur les cylindres, sinon c'est vraiment un
appel à l'arrachage. » Autre faiblesse : la qualité des
portes. Dans certains immeubles que nous avons visités, les
panneaux sont fragiles et donc faciles à défoncer d'un coup de
pied, ou avec un outil. Autre problème, les garnitures des portes,
qui peuvent constituer le point d'attaque des voleurs.
Quelques
précautions
Il faut donc décourager ce voleur, par exemple avec un
verrouillage supplémentaire, comme une barre de sécurité « à
condition, bien entendu, que la porte soit de bonne facture et que
la barre de sécurité ait été posée de manière adéquate. Le
cambrioleur ira choisir ailleurs s'il n'arrive pas à rentrer dans
les 15-20 secondes », explique Jean-Philippe Brandt. On peut
décourager les effractions sans pour autant tomber dans la parano.
Jean-Christophe Sauterel : « La première mesure à prendre,
simple, c'est de simuler une présence à l'intérieur du domicile.
Allumer une lumière avec une minuterie automatique, mettre la
radio, la TV, la journée. La deuxième chose, ne pas avoir de
valeurs à la maison, de l'argent, des bijoux, surtout s'ils ont une
grande valeur sentimentale. Après, il y a toute une série de
mesures physiques pour rendre la tâche du cambrioleur plus
difficile (voir sujet suivant). »
Choisir la bonne serrure
Les
policiers le disent, il est nécessaire de décourager les
cambrioleurs. Quel système faut-il adopter ? Quelques conseils
données par la brigade de prévention à Berne, la plus équipée de
Suisse.
Patrice Sauteur, conseiller en sécurité, Police cantonale
bernoise : « Il faut au minimum que votre serrure soit équipée
d'un pêne massif, d'au moins 2 centimètres de longueur, et d'au
moins 10 mm de largeur. Ainsi, avec un tour de clé, le pêne pénètre
tout de suite dans la gâche. Autre protection minimum, une
garniture (ou entrée longue de sécurité) qui n' a pas de vis à
l'extérieur. C'est très important, il faut que ça soit fixé
uniquement de l'intérieur. »
Pour sécuriser l'entrée, il faut aussi une gâche solidement
arrimée dans le mur grâce à des vis d'une bonne dizaine de
centimètres. Un dispositif de ce type revient au moins à 350
francs, d'après notre expert. Nettement plus cher, mais plus
complet, les serrures multipoints, par exemple à trois pênes et
avec un bac de canne verouillé, ce qu'on trouve en général à partir
d'un bon millier de francs : « L'optimal, c'est une serrure à
quatre points. Ils peuvent aussi protéger de l'arrachage du côté
des gonds. » Du top, et du très cher, ce type de dispositif
coûte plus de 2500 francs avec une porte renforcée par un
blindage.
Devis téléphoniques :
méfiance
Sur le marché suisse romand, il existe des dizaines de serruriers,
de menuisiers, d'entreprises de dépannage qui proposent des
serrures et des tarifs pour le moins surprenants. Marcel,
serrurier, a trente ans de métier dans les mains. Pour une porte
ancienne et pas très solide, il ne conseille pas la barre
horizontale. « On arrive à enfiler un outil, ensuite un pied de
biche, on pousse et c'est pas beaucoup plus solide que le verrou
que vous avez en haut parce que vous avez un bras de levier d'un
mètre. Donc, l'avantage avec la serrure multipoint, c'est que
l'outil ne peut plus s'enfiler correctement. » Marcel se
déplace toujours pour un devis, de sorte à installer la serrure
adaptée : « C'est pareil que pour un médecin. Quand le toubib
ne voit pas le malade, il ne peut pas diagnostiquer. Les serruriers
ou les menuisiers qui ne se déplacent pas n'ont pas vraiment la
bonne solution pour la porte. » Prédire son intervention par
téléphone semble pourtant être une spécialité de nombreux
serruriers à Genève. Sur 10 serruriers contactés par A Bon
Entendeur pour faire un devis, seuls 3 proposent de se déplacer.
Dans les autres cantons romands, en revanche, les entreprises
contactées par ABE pour une demande similaire ont toutes conseillé
un devis à domicile. Ce qui ne garantit pas une sécurité absolue,
comme l'explique Marcel : « Aucun serrurier ne vous garantira
que vous ne vous ferez jamais cambrioler, même avec une porte
blindée. Même les banques se font cambrioler. » Toutefois,
grâce à des pênes sur le côté, en haut et en bas de la porte, le
résultat peut s'avérer « hyper costaud », dixit notre
expert.
Sécurité
coûteuse
Marcel pratique les tarifs déterminés par son corps de métier à
Genève. Pour une serrure trois points, la facture se monte à 1315
fr., pose comprise. Mais d'autres serruriers ne s'y tiennent pas.
ABE a demandé deux autres devis et les écarts sont stupéfiants :
1427 fr. pour l'un et 810 fr. pour l'autre (TVA et les frais de
déplacement non compris). Le serrurier qui propose une installation
à 810 frs insiste pour doubler la porte d'une tôle de sécurité. Au
total, la facture avoisinerait les 2000 fr. Ces différences de prix
existent dans toute la Suisse romande. Par téléphone, les prix
annoncés pour la pose d'une barre horizontale varient entre 500 et
1100 francs, sans autres explications. Quelques conseils donc :
toujours demander plusieurs devis à domicile, vérifier les tarifs
pratiqués auprès des associations professionnelles, et faire
attention au travail au noir : sans facture, pas de rabais de
l'assurance ménage.
Le business de la peur
Dans le
sillage des cambriolages, les systèmes de sécurité se développent.
Toute une série de détecteurs et d'appareils existent pour la
surveillance : détecteurs de bruit, de mouvements, de
chaleur...
Blaise Kirchhofer, délégué commercial d'ABProtect, propose depuis
10 ans son dispositif aux foyers romands : « un microprocesseur
détecte le moindre changement de volume d'air dans la maison, même
sur différents niveaux. Si vous avez une effraction, une porte ou
une fenêtre qui s'ouvre, le système déclenche soit un appareil
téléphonique, soit une sirène qui fait partir les cambrioleurs.
» C'est l'un des multiples systèmes d'alarme qui se font
concurrence dans l'opaque marché de la sécurité. Le dispositif est
souvent le même, décliné en diverses technologies : un détecteur de
présence connecté à un boîtier qui déclenche l'alarme. Il peut être
relié à une centrale de surveillance. Il peut aussi s'y ajouter de
la vidéosurveillance et de l'interphonie.
Est-ce réellement efficace ? Les
systèmes d'alarme découragent-ils les cambrioleurs ? Une
question-clé, à laquelle même les gens du métier ne répondent pas
avec une absolue certitude : José Guaico, directeur marketing chez
Prodis, une entreprise de sécurité implantée dans le canton de Vaud
: « On ne peut malheureusement pas empêcher que quelqu'un entre
dans un domicile. Notre but est de le faire fuir le plus vite
possible et de favoriser l'action des sociétés d'intervention ou de
la police. »
Un marché qui
rapporte
Plus les équipements sont de qualité et bien installés, plus il
sera difficile pour les cambrioleurs d'entrer et d'opérer en 2 ou 3
minutes. Mais un vrai concept de sécurité, cela coûte très cher. Il
faut faire intervenir un spécialiste, par exemple un ingénieur en
sécurité comme Thierry Visinand, de BG Ingénieur-conseil : « Le
plus important et, peut-être, le plus difficile à obtenir, c'est de
cerner les besoins du client par rapport à ces valeurs, à la
disposition des pièces et à son aptitude technique à manipuler un
système plus ou moins compliqué. » Un devis complet peut
prendre 15 jours à établir, selon la taille du logement. A
l'arrivée, la facture s'élèvera à plusieurs milliers de francs,
parfois plus. Pour le consommateur qui n'a pas ces moyens-là,
difficile de faire un choix en connaissance de cause parmi les
installateurs de systèmes d'alarme. En Suisse, au nom de la
sacro-sainte liberté de commerce, tout un chacun peut
s'autoproclamer vendeur en sécurité. Thierry Visinand : « On
trouve de tout, du gadget le plus pur au système le plus sérieux.
Il n'y a pas de normes vraiment bien définies.En général les
entreprises sérieuses ne font pas de publicité, » Aujourd'hui,
sur un marché de la sécurité qui pèse plusieurs milliards, les
entreprises savent bien que les vagues de cambriolages attirent de
nouveaux clients. Elles ne manquent pas d'utiliser cet argument
marketing Sur leurs sites web, ces sociétés affichent des
statistiques effrayantes... et pas toujours très fiables puisque
l'une annonce un cambriolage toutes les 2 heures contre un toutes
les 9 minutes pour une autre.
Face à une offre pléthorique, le consommateur a de quoi se trouver
désemparé. Impossible de faire des tests comparatifs, vu les
particularités de chaque logement à sécuriser. Ce qui ressort de
notre enquête, c'est d'abord la nécessité d'une bonne pesée
d'intérêt. Entre la valeur des biens à protéger, le sentiment très
subjectif de se sentir en sécurité, et le prix qu'on est prêt à
payer pour un système d'alarme, sachant qu'il peut décourager les
voleurs mais qu'il n'est pas infaillible.
Système de sécurité : quelques conseils avec Françoise
Weilhammer, auteur de l'enquête
(Disponible en vidéo.)
Cambriolages : êtes-vous bien couvert ?
Quelles sont les valeurs
couvertes par votre assurance en cas de cambriolage ? Une sécurité
renforcée réduit-elle vos primes ? Entretien avec Florence
Bettschart, juriste, FRC.
Quels sont les biens couverts par l'assurance inventaire-ménage
?
Ce qui est assuré en cas d'effraction, c'est tout ce qui se
trouve dans l'appartement, ce qu'on appelle l'inventaire du ménage,
c'est-à-dire tous les meubles, la vaisselle, les accessoires qu'une
famille peut avoir.
Quid des ordinateurs ?
Souvent, les assureurs ont des clauses spéciales, donc il faut
spécifier qu'on a des ordinateurs et qu'on aimerait une clause
ordinateurs.
Et les bijoux ?
Les bijoux, en général, font partie de l'inventaire du ménage
jusqu'à concurrence d'un certain montant qui est de 20 à 30'000 fr.
Ils ne doivent pas nécessairement être dans un coffre, ils peuvent
être dans un meuble qui n'est pas scellé. Dans mon assurance
ménage, par exemple, c'est précisé bijoux hors sécurité.
L'argent liquide ?
Les valeurs pécuniaires sont en général assurées jusqu'à 3000
ou 5000 fr. selon les assureurs. Le problème, c'est la preuve. Si
vous annoncez le maximum votre assurance va quand même vous
demander d'où vient cet argent, comment vous l'avez obtenu, elle
vous demandera une sorte de preuve. Annoncer une somme qui est
fausse à l'assurance, c'est un délit pénal, c'est une fraude à
l'assurance, donc il faut faire attention à ne pas annoncer des
sommes qui n'ont pas été volées.
Faut-il garder ses quittances pour être remboursé ?
Certaines assurances demandent toutes les preuves, d'autres
disent que cela dépend de la situation personnelle, individuelle de
chaque cas. Pour un règlement rapide, il vaut mieux avoir une liste
de tous ses bijoux avec photo à l'appui, plus une quittance. Un
petit dossier à jour en tout temps permet de régler rapidement la
question.
L'assurance rembourse-t-elle les frais occasionnés par
l'effraction ?
En principe, ils sont remboursés par l'assurance ménage. Si
vous êtes locataire, il est possible qu'en réalité ce soit
l'assurance du propriétaire du bâtiment qui doive prendre en charge
les frais de réparation des serrures. Si vous êtes propriétaire,
l'assurance ménage prend, en principe, en charge ces frais-
là.
Y a-t-il des rabais si l'on s'équipe en serrures et barres de
sécurité ?
Oui, certaines assurances vont jusqu'à 60% de rabais si on
s'équipe d'un système d'alarme mécanique et électronique. La
moyenne propose entre 20 et 30% de rabais sur la prime d'assurance.
Il faut en tout cas essayer avec son assureur ménage de négocier un
rabais sur prime.