Nos primes d’assurance maladie vont à nouveau augmenter ! De combien ? 4, 8 ou 11 % ? La réponse doit tomber ces prochains jours ! En 15 ans, des assurés ont vu leur pouvoir d’achat inexorablement grignoté par les primes d’assurance-maladie. Vous entendrez leur témoignage mardi, preuve à l’appui. Les chiffres de l’assurance-maladie sont d’une incroyable complexité. Un conseiller d’Etat dénonce cette opacité ! Y a-t-il quelqu’un pour contrôler que les assureurs n’exagèrent pas ?
Le poids des primes sur le budget de la famille Crisafulli
Sauf surprise, c’est vendredi prochain que la hausse des primes d’assurance maladie pour 2011 sera rendue publique, ainsi que la longue liste des primes définitives ! L’an passé, l’augmentation était de 11,5% en moyenne. Cette année, certains parlent de 11%, d’autres de 8%, voire moins.
Au fil des années, les primes de l’assurance de base ont augmenté nettement plus que les salaires. Nous allons voir que sur un budget familial un peu serré, ça devient dur!
Joseph Crisafulli tient un petit magasin de glaces artisanales dans un quartier populaire de Genève. Il y travaille à mi-temps. Sa femme est à plein temps à l'Etat. Avec un revenu net d'un peu moins de 90'000 francs par an et trois enfants, les Crisafulli sont dans cette classe moyenne qui subit de plein fouet la hausse des primes. Ils sont juste trop riches pour toucher des subventions, mais pas assez pour payer leurs primes sans difficultés.
Depuis environ 20 ans, Joseph note toutes les dépenses effectuées dans son ménage. Ces statistiques familiales constituent une véritable mine d'or. Avec les Crisafulli, on peut mesurer très précisément le poids des primes d'assurance maladie sur leur budget.
En 1996, première année de la LAMal, les Crisafulli avaient un revenu annuel net de 68'000 francs. Ils déboursaient 3’741 francs d’assurance-maladie de base, soit 5,5% de leur revenu. En 2004, après une augmentation de leur revenu, ils perdent le droit à leur subvention: leur facture prend l’ascenseur ! En 2010, les Crisafulli gagnent 88'500 francs par an, leurs primes maladie leur coûtent 11’000 francs, ce qui représente 12,43% de leur revenu. Soit plus du double que 15 ans auparavant!
Et pourtant, les Crisafulli ont régulièrement changé de caisse, cherchant les primes les moins chères. Les deux parents ont aussi augmenté leur franchise jusqu’au maximum: 2’500 francs !
Entre 1996 et 2009, les prix à la consommation en Suisse ont augmenté de 11%, les salaires de 19% et les primes de l’assurance de base ont augmenté, tenez-vous bien, de 68% !
Et l’avenir ne s’annonce pas rose. Les chiffres 2011 ne sont pas encore définitifs, mais on s’attend pour l’an prochain à une nouvelle hausse massue. En 2009, en Suisse, 400'000 personnes se sont retrouvées aux poursuites pour non paiement de leur prime d’assurance maladie.
1996-2010…le conte grinçant de la Lamal
Dire que l’image des caisses maladie n’est pas très bonne dans le public, c’est pas un scoop ! Nous sommes désolés pour les milliers d’employés qui font certainement très bien leur boulot, mais avec des augmentations de primes en cours d’année et des conseils erronés de courtiers intermédiaires, ce n’est pas la joie ! C’est d’ailleurs ce qu’on a pu voir récemment sur les affiches d’une campagne révélatrice !
Cet été, vous ne pouviez pas les rater: 4’000 affiches dans tout le pays. Des visages graves, et des mots très durs contre l'assurance maladie ! Objectif : interloquer, provoquer… Et ça a marché !
C'est santésuisse, l'organe faîtier des assureurs, qui a cette lancé cette campagne choc. Imaginée dans une agence montreusienne de publicité, la campagne a été concoctée par Serge Rentsch.
Cette campagne a coûté 1’200'000 francs. Ce n’est pas cher, selon François Reichenbach.
«Ce n’est pas une campagne chère du tout. Si vous le ramenez à une prime mensuelle d’assuré, cela représente un peu plus d’un centime.»
«Le but premier de cette campagne est d’informer».
C’est le énième chapitre d'un conte grinçant commencé en 1996. Il était une fois un petit pays alpin qui se vota une belle loi sur l'assurance maladie obligatoire, la LAMal. Elle promettait plus de solidarité, des coûts de la santé jugulés et des primes maîtrisées...
Fin 1995, une équipe de Temps Présent avait rencontré à Lausanne la famille Duruz. La mère est enseignante, le père fonctionnaire, ils ont cinq enfants, et un revenu trop élevé pour bénéficier de subventions. Ils payaient à l’époque 798 francs par mois pour la famille.
Une belle somme, déjà à l’époque. Et les Duruz n'avaient encore rien vu. Car pour le porte-monnaie des Suisses, et surtout des Suisses romands, le conte de fée de l'assurance maladie va bientôt tourner au cauchemar.
Pascal Couchepin, en 2003, a succédé à Ruth Dreifuss, et malgré quelques rares années où la hausse fut moins brutale, le bilan, à l'arrivée, reste pour le moins mitigé !
En 2010, nous avons retrouvé la famille Duruz. Madame travaille toujours, Monsieur a pris sa retraite, ils ne touchent toujours pas de subvention, et on est bien loin des 798 francs d'assurance maladie qu'ils payaient en 1995. Ils paient aujourd’hui 1’400 francs par mois, en incluant des assurances complémentaires.
Mais c’est l'assurance de base qui a connu la hausse la plus vertigineuse. Dans le canton de Vaud, la prime moyenne pour un adulte est passée de 254 francs en 1996 à 395 francs en 2010. Pour 2011, on prévoit 412 francs.
Pour tenter de contenir l’explosion des primes, les Duruz ont pourtant essayé tous les chemins possibles. Changements de caisse incessants, hausse des franchises, réseau de santé, consultation téléphonique, médecin de famille, Madame Duruz jongle avec le système depuis 15 ans. Aujourd'hui, la famille Duruz a le sentiment d'être arrivée au bout de ses possibilités d'économie...ou presque.
Depuis peu, les Duruz ont quand même un petit motif de soulagement. Passionné d'apiculture, Gilbert Duruz a quitté Lausanne et est parti vivre sa retraite en Valais. La famille y a déposé ses papiers, et du coup, la facture d'assurance maladie a miraculeusement fondu de plusieurs centaines de francs.
Dis-moi dans quel canton tu habites, je te dirai combien tu paies, ce sont les joies des méandres du fédéralisme appliqué à l'assurance maladie. Un phénomène que le conseiller national socialiste Jean-François Steiert critique depuis longtemps.
Pour ce qui est des subventions, le fédéralisme n’est pas triste non plus... Et si vous êtes une personne âgée, choisissez bien votre canton de résidence !
Interview de Valérie Legrand-Germanier, spécialiste santé FRC, 1ère partie
Cette cantonalisation a quelque chose d’infernal ! On vient de voir aussi que face à la hausse de ses primes, la famille Duruz a changé de franchises, souscrit à un réseau de santé, et surtout changé de caisses maintes fois…
Valérie Legrand Germanier, est spécialiste de la santé pour la Fédération romande des consommateurs (FRC). Elle donne quelques conseils en ce qui concerne les changements de caisse.
Dès que les primes 2011 auront été validées par l’OFSP, nous mettrons à votre disposition, comme l’année passée, un comparateur de primes totalement indépendant des caisses maladie. Vous pourrez voir s’il vaut la peine de changer de caisse, de franchise, de choisir un HMO ou le modèle de médecin de famille. La FRC est aussi partenaire de ce comparateur en ligne.
Les aventures de Philippe Receveur, ministre jurassien, au pays de l’assurance maladie
Nous allons voir maintenant que même quelqu’un de très proche du dossier de l’assurance maladie y perd son latin: nous allons faire la connaissance d’un ministre, qui comme vous et moi, paie ses primes ….à l’aveugle !
Bassecourt, dans le Canton du Jura. Voici un assuré maladie comme les autres…enfin presque. Philippe Receveur, 47 ans, est le Conseiller d’Etat, le ministre, comme on dit dans le Jura, en charge du Département de la Santé. L’assurance maladie, c’est donc son domaine. Et comme tout le monde, chaque mois, il paie ses primes.
Il paie 279 francs par mois, avec une franchise de 500 francs. Pas simple, même pour le ministre, de comprendre comment on a fixé sa prime d’assurance maladie.
A Renens, en 2001, une simple citoyenne, Irène Ropero, s’est posée la même question. Elle a voulu en savoir plus: c’est le début d’un long combat.
Madame Ropero écrit donc à sa compagnie d’assurance, et exige sans succès d’avoir accès à ses comptes. Refus catégorique: la compagnie étant une société privée, rien ne l’oblige à montrer ses chiffres à des assurés. Madame Ropero s’énerve.
Après 9 mois, face aux montagnes de rappels, elle recommence à payer, tout en continuant à réclamer la transparence, cette fois devant le Tribunal Cantonal. N’ayant pas les moyens de porter l’affaire devant le tribunal fédéral, elle finit par renoncer. Sept ans de combat pour rien !
L’avocat genevois Mauro Poggia est allé plus loin. Après neuf ans de procédure, des centaines d’heure de travail, d’innombrables audiences au Tribunal Cantonal et cinq passages devant le Tribunal fédéral, il a finalement obtenu gain de cause. Des experts pourront aller décortiquer les comptes de son assurance maladie. Le résultat n’est pas attendu avant 2011.
Revenons à Philippe Receveur. Pour tenter de s’y retrouver dans sa prime maladie, nous avons emmené Monsieur le Ministre chez l’un des rares courtiers en assurances qui ont accepté de nous recevoir…
Pas simple, donc, de décortiquer une prime d’assurance maladie. Mais chaque année, le chef du Département de la Santé est confronté à une tâche infiniment plus complexe. Analyser les primes de ses 70'000 concitoyens jurassiens ! Chaque été, les assureurs transmettent en effet aux cantons leurs prévisions de primes pour l’année suivante.
Pour s’attaquer à cette montagne de données, Philippe Receveur dispose de quatre collaborateurs et de quatre jours ! Après quatre jours bien remplis, Philippe Receveur, comme ses collègues des autres cantons, envoie ses conclusions sur les futures primes 2011 à Berne, à l’Office fédéral de la Santé publique.
L’Office fédéral de la Santé publique est l’organe de contrôle des assureurs au niveau national. Ici, ce sont les primes de toute la Suisse qu’il faut analyser, puis approuver ou refuser. Une douzaine de personnes y travaillent de juillet à fin septembre. Car le nombre de primes à superviser donne un peu le vertige.
L’objectif de l’OFSP est de s’assurer que le montant des primes proposés par les assureurs couvrent les coûts, que la santé financière des caisses est satisfaisante et qu’aucune caisse n’est menacée de faillite. En revanche, dire si une prime est beaucoup trop chère, c’est une autre affaire.
L’OFSP dispose de moyens d’intervention, disons, limités. Les cantons ne se sentent pas écoutés. Les primes continuent à grimper, et Philippe Receveur se dit désabusé. «Je ne crois pas qu'on va pouvoir continuer dix ans comme ça.»
Interview de Claude Ruey, président santésuisse
Va-t-on pouvoir continuer 10 ans comme ça ? Le ministre jurassien n’est pas le seul à se poser la question!
Claude Ruey, est le président de santésuisse, l’organe faîtier des caisses maladie. Il a accepté de répondre à Philippe Receveur, qui comme d’autres de ses collègues romands se demande pourquoi les primes augmentent plus vite que les coûts de la santé.
Assurances maladies : le test
Cette année, l’OFSP avait interdit aux caisses maladie de communiquer à l’avance leurs primes 2011. Or, notre petit coup de sonde montre que de nombreuses caisses n’ont pas hésité à le faire….
Début septembre, nous avons appelé 10 compagnies d’assurance parmi les plus actives en Suisse romande. Se faisant passer pour une assurée qui voulait changer de caisse, notre enquêtrice leur a demandé s’il était possible de connaître sa prime 2011 et d’obtenir une offre écrite. Quelques jours plus tard, les réponses commencent à arriver dans notre boîte aux lettres.
Sur les 10 caisse contactées, 2, Supra et Atupri, n’ont pas envoyé d’offre écrite, nous informant au téléphone qu’ils ne connaissaient pas les primes définitives 2011, et nous ont invités à les rappeler plus tard.
Les 8 autres nous ont donc fait parvenir une offre. Six d'entre-elles, la CSS, Sanitas, Helsana, Concordia, Visana et Assura, précisent que les primes proposées pour 2011 sont provisoires et sous réserve d’approbation par l’Office fédéral de la Santé publique.
Au Groupe Mutuel, on mentionne que la prime est « sous réserve de toute modification légale de la Lamal. » Une formule pour le moins énigmatique.
Chez Swica, enfin, on précise que si la prime définitive ne correspond pas à ce que mentionne l’offre, l’assuré a 7 jours pour résilier son contrat…
Après avoir signé, peut-on en effet résilier le contrat si la prime définitive se révélait par exemple beaucoup plus élevée ? Oui, ont répondu les assureurs lorsque nous les avons rappelés. Tous proposent un délai de résiliation. Le problème, c’est que ce délai varie d’une assurance à l’autre. On parle de 7, 15 ou 30 jours. Et certains étendent même ce délai jusqu’au 30 novembre.
Bref, une certaine confusion semble régner. Par contre, notre petit coup de sonde montre que, contrairement à l’interdiction de l’OFSP, la quasi totalité des assureurs contactés articulent sans problème le montant de leurs primes pour 2011.
Interview de Valérie Legrand-Germanier, spécialiste santé FRC, 2ème partie
Comme le montre notre enquête, tant que les primes n’ont pas été approuvées par l’OFSP, les assurés se trouvent au milieu d’une jungle.
Valérie Legrand Germanier, est spécialiste de la santé pour la Fédération romande des consommateurs (FRC). Elle répond à une question très simple: faut-il signer un contrat avec des primes provisoires ?
Nous vous rappelons que lors de la publication des nouvelles primes 2011, nous mettrons en ligne sur le site d’ABE ce comparateur totalement indépendant des caisses maladie. Vous le trouverez aussi sur le site de Bon à Savoir, de la FRC et sur celui de nos collègues de la Radio Suisse Romande On en Parle.
La semaine prochaine
C 'est la saison du raisin de table. Cette année, beaucoup de grappes ont un goût amer : la faute aux pesticides, aux insecticides, et à un été pluvieux ! Résultats de nos analyses mardi prochain.
Acheter des CD, des appareils électroniques ou des vêtements sur Internet c'est tentant... Mais attention : vous pouvez vous retrouver avec une facture salée et surprenante. Les frais et les taxes varient d’un transporteur à l’autre: entre la Poste et ses concurrents, c’est la jungle des tarifs ! On y verra plus clair mardi soir, pour vous éviter de mauvaises surprises !