A Bon Entendeur a mené l'enquête pour savoir qui décide du remboursement ou non de prestations et selon quels critères. Vous n'êtes pas au bout de vos surprises ! ABE a rencontré un grand nombre de victimes de la LAMAL.
Les aberrations des caisses maladie
Toute l'enquête que vous allez voir ce soir est partie d'un message d'une téléspectatrice révoltée devant les absurdités du système de l'assurance maladie actuel. Elle a choisi de se faire opérer selon une technique bien meilleur marché que celle qui est la plus courante, mais aussi la plus invasive. Vous allez entendre son récit, c'est édifiant. Et des histoires comme celles-ci, il y en a tellement d'autres ! D'où la question évidente : qui décide qu'une opération, qu'un traitement doit être remboursé ou pas ?
Au début de l'été dernier, Monique Second, monitrice d'auto-école, s'est retrouvée pliée en deux. Et impossible de se redresser : « Un beau mois de juillet 2009. Le vendredi tout allait très bien. Le samedi matin, j'étais clouée au lit. Impossible de bouger. J'étais scotchée dans mon lit. J'ai dû annuler mes cours et appeler SOS médecin. Pendant trois jours, je suis restée complètement bloquée. Ensuite, je suis restée couchée 6 semaines, enfin, couchée et vaguement debout à essayer de vivre quand même un peu. »
Le diagnostic est sans appel : il s'agit d'une sciatique, qui comprime un nerf et provoque une hernie discale. Explications du docteur Constantin Schizas, médecin chef dans le service orthopédique du CHUV: « On fait un IRM. On met le patient dans un énorme aimant. On voit sur ces séquences-là, les disques normaux contiennent du liquide, ils sont blancs. Celui-ci est noir, il est déshydraté, malade. Il a une hernie derrière, qui comprime les nerfs. »
« L'opération classique se passe sous anesthésie générale. On fait une incision plus ou moins grande, qui fait jusqu'à 15mm. Dès cette taille, on peut enlever une hernie discale. On va enlever une partie d'os à l'arrière, chercher le nerf, le déplacer vers l'intérieur et puis aller chercher ce morceau de disque, d ' hernie discale pour l'enlever. C'est vraiment de la taille d'un petit pois, tout petit. Cette opération se passe sous anesthésie générale. Le patient reste deux ou trois jours à l'hôpital et peut reprendre une activité légère de travail deux à trois semaines plus tard et une activité lourde 6 semaines plus tard. »
Malgré ses violentes douleurs, Monique Second ne veut pas entendre parler de cette intervention. Elle opte finalement pour une opération au laser, opération pratiquée dans une clinique à Berne. Cette opération n'a pas été traumatisante selon les souvenirs de Monique Second : « Je suis restée au bloc opératoire aussi 20 à 25 minutes, donc anesthésie locale. Je suis sortie vers midi. Il y avait un restaurant avec une magnifique terrasse, en plein mois d'août. Comme ça faisait six semaines que j'étais enfermée, j'ai profité d'aller manger. On a mangé dehors, ensuite on est allé marcher. Puis on est rentré à Genève, normal. »
Cette opération au laser, le docteur Schizas la pratiquait au début des années 1990. A son avis, cette technique n'a pas tenu ses promesses : « Il manque à ce jour des études prospectives randomisées pour ce genre d'opération. Ça ne veut pas dire que ça ne marche pas. Mais on n'a pas la preuve qu'elle est équivalente à ce qu'on fait maintenant. »
Cette opération au laser, qui se pratique depuis plus de 20 ans, a pourtant été efficace sur Monique Second, comme pour de nombreux autres patients. Mais elle ne comprend pas pourquoi sa caisse maladie, Assura, ne la rembourse pas : « Je suis fâchée, révoltée, je dirais même. Cette opération coûte 4.200 francs. Une opération traditionnelle coûte beaucoup plus cher, et elle est remboursée. Je suis assurée en privé. J'ai 2.500 frs de franchise. L'opération coûte 4.200 frs. A part payer mes cotisations, l'assurance n'a pas beaucoup déboursé pour moi, en tout cas pendant ces dernières années. »
La réponse d'Assura est brève : la LAMal ne l'y oblige pas. Du coup, son assurance complémentaire, également Assura, ne veut pas entrer en matière.
Curieusement, il y a plus de 20 ans, l'opération au laser de l' hernie discale était remboursée. Mais, en 1997, elle est sortie du catalogue des prestations, le fameux sésame pour être remboursé par les caisses maladies. A l'Office fédéral de la santé publique, qui gère ce dossier, personne ne se souvient pourquoi.
Pour qu'un nouveau type d'opération entre dans le fameux catalogue des prestations, elle doit répondre à 3 critères : efficacité, adéquation et économicité.
L'opération au laser de Monique Second a coûté 4.200 francs. Si elle avait subi une opération classique à l'hôpital de Genève, son opération serait revenue à 12.200 francs, soit près de 3 fois plus. Mais sa caisse maladie n'aurait payé que 4.400 francs, le solde de 7.800 francs étant à la charge du canton de Genève.
Pierre Berger est lui aussi fâché contre ses caisses maladie. Lors d'un contrôle de routine, il découvre qu'il a un cancer de la prostate. Cet entrepreneur vaudois a le choix entre 3 traitements : une radiothérapie qui l'oblige à aller tous les matins à l'hôpital pendant plusieurs semaines. Pas très pratique lorsqu'on dirige une entreprise ! Coût du traitement : 23.000 frs
Autre solution : l'ablation de la prostate avec une hospitalisation une dizaine de jours et de gros effets secondaires. Son coût : 27.000 frs. Reste un traitement par ultrasons focalisés à haute fréquence (HIFU). Pierre Bergé choisi ce traitement, qui à l'hôpital de Nyon, lui coûtera 20.000 frs.
Pierre Berger est lui aussi fâché contre ses caisses maladie. Lors d'un contrôle de routine, il découvre qu'il a un cancer de la prostate. Cet entrepreneur vaudois a le choix entre 3 traitements : une radiothérapie qui l'oblige à aller tous les matins à l'hôpital pendant plusieurs semaines. Pas très pratique lorsqu'on dirige une entreprise ! Coût du traitement : 23.000 frs
Autre solution : l'ablation de la prostate avec une hospitalisation une dizaine de jours et de gros effets secondaires. Son coût : 27.000 frs. Reste un traitement par ultrasons focalisés à haute fréquence (HIFU). Pierre Bergé choisi ce traitement, qui à l'hôpital de Nyon, lui coûtera 20.000 frs.
Pierre Berger n'a pas souffert de son opération : « Je crois que ça a duré deux heures. Le principe des ultra-sons, c'est qu'ils brûlent les cellules qui sont cancéreuses. Ils chauffent, je crois à 100 degrés, mais d'après mon Dr, c'était nouveau. A mon réveil, rien, pas de douleur, rien du tout. Aucun problème. Y ' avait mon voisin, qui lui s'est fait enlever la prostate, il avait des souffrances épouvantables. Il ne supportait pas la morphine. Il a dit, jamais je referai ça. »
Pierre Bergé débourse près de 8.000 francs de prime d'assurance par an. Lors de son séjour à l'hôpital, en semi-privé, il partage sa chambre avec un assuré en division commune. Et la différence entre les deux est un peu maigre : « j'étais en demi-privé, mais avec quelqu'un qui était en chambre commune, ce qui n'est pas trop normal. Petite histoire de la rose. On a demandé ce que c'était. Alors, le lendemain, la rose était sur ma table, parce que j'étais en demi-privé et lui en chambre commune.
On peut se demander si ça vaut vraiment la peine de payer autant !
Même s'il se pratique dans 350 centres en Europe, ce traitement aux ultra-sons ne figure pas dans le catalogue des prestations. Malgré tout, Pierre Bergé souhaite que ses assurances lui remboursent au moins les frais d'hospitalisation, c'est-à-dire le gîte et le couvert, et les honoraires du médecin. Et, selon son avocat Gilles-Antoine Hofstetter, ce serait possible :
« Dans certains cas, dans ma pratique, nous avons une prise en charge partielle des frais d'hospitalisation par l'assurance de base à raison de forfaits, forfaits hospitaliers prévus par les conventions cantonales, type convention d'hospitalisation. Mais encore une fois, c'est à bien plaire de l'assureur. »
Tant qu'une opération ne figure pas dans le catalogue de prestations, les caisses maladie remboursent au cas par cas. Mais pourquoi est-ce que ce traitement, meilleur marché que les autres, n'est pas pris en compte ? Interrogée, Sandra Schneider, Responsable de la division prestations à l'OFSP, répond que « cette prestation, c'est une des prestations où on est en train d'examiner si les conditions de l'efficacité, adéquation ou économicité sont remplies. Il y avait un 1er examen et il y avait des questions encore ouvertes et on n'a pas encore des réponses satisfaisantes, c'est pour ça que la prestation n'est pas encore à rembourser par l'assurance maladie. »
Alors, qui décide du remboursement d'une nouvelle opération ? Le dernier mot revient au Département fédéral de l'intérieur, sur recommandation d'une commission qui répond au nom obscur de Commission fédérale des prestations générales et des principes (CFPP).
Au sein de cette commission, les assureurs sont évidemment bien représentés : ils détiennent un quart des sièges : sur 20 membres, on compte 5 assureurs et 6 médecins. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cette commission ne fonctionne pas vraiment bien.
Jacques de Haller, président FMH juge le travail de la Commission fédérale des prestations générales et des principes inefficace . : « C'est affreusement long, compliqué et à peu près totalement inefficace. Je m'explique : je m'excuse de dire ça aussi clairement, mais c'est une commission d'une trentaine de personnes, qui se réunit 2 fois par an, de temps en temps. La séance est annulée, donc ça ne fait plus qu'une séance. Et puis, il faut qu'on règle un certain nombre de prestations qu'on nous a soumises. Et donc par séance, 700 à 800 pages de papier, dont un certain nombre de membres de la Commission arrive à prendre connaissance. Mais ce n'est pas compatible avec un emploi du temps normal. »
Comme toujours, il y a des exceptions. Le Dr. Emilano Giostra , médecin en transplantation et gastroentérologie au HUG, garde un bon souvenir de son exposé présenté devant la Commission fédérale des prestations et des principes : « c'était une très bonne ambiance. Cette commission a fait son travail de manière très professionnelle. »
Accompagné d'éminents professeurs des centres de transplantation, il était venu défendre la greffe du foie prélevée sur un donneur vivant. En effet, au début des années 2000, certaines caisses maladie ne remboursaient que les greffes de foie, prélevées sur un cadavre.
Selon le Dr Emiliano Giostra, certains dossiers sont traités de manière illogique : « ce qui est aberrant dans cette histoire, c'est qu'on pourrait comprendre que l'assurance refuse de payer l'opération du donneur, mais on ne comprend pas pourquoi elle refuse de rembourser l'opération du receveur, car s'il reçoit un rein cadavérique ou d'un donneur vivant, ça n'a aucune importance. »
Puisque les caisses ne remboursaient pas cette greffe, l'Hôpital de Genève a dû suspendre son programme pendant deux ans. Les médecins ont donc décidé d'agir, comme nous l'explique le Dr Emiliano Giostra : « nous avons eu recours finalement au service d'un lobbyiste qui nous a aidés, expliqués et qui a organisé avec tous les centres de transplantation suisse une présentation commune à la Commission des prestations de l'OFAS pour « vendre » notre greffe donneur-vivant et pour que cette commission accepte de la mettre sur le catalogue et qu'elle soit donc remboursée par toutes les caisses maladie. On a dû faire une présentation détaillée et extensive de tous les aspects de la greffe donneur-vivant : les aspects éthiques, les résultats, les problèmes, les conséquences, l'aspect juridique, financier pour convaincre cette commission de rembourser cette prestation. »
Grâce à leur intervention, les greffes du foie sur la base de donneur-vivant sont désormais intégrées dans la loi sur la transplantation depuis 2005 et entièrement remboursées par les caisses maladie.
Ce qu'en disent les tribunaux
Pour convaincre cette commission, ces médecins spécialistes ont dû sortir la grosse artillerie, vous l'avez entendu. Le problème de cette commission, c'est son fonctionnement, et il n'y a pas que Jacques de Haller qui le dit, mais aussi des parlementaires: leur rapport critique, l'arbitraire de certaines décisions, donc sur ce qui doit être ou ne pas être pris en charge par les caisses maladie. Ce rapport parle aussi de manque de transparence, d'absence de critères d'évaluation précis, et j'en passe ! Dans ce contexte, que peuvent faire celles et ceux qui sont finalement les victimes de ce système, qui se retrouvent avec des factures de milliers de francs ? Il n'y a pas 36'000 solutions ! Il faut avoir le courage de se battre devant les tribunaux pour faire modifier ce fameux catalogue des prestations ! Et parfois ça marche !
Béatrice Chevalley a reçu une partie du foie de sa sœur, un don fait du vivant du donneur : «pas mal de gens qui sont décédés, parce qu'ils n'ont pas reçu d'organe compatible alors que la greffe est possible grâce à une personne vivante. Aujourd'hui, cela laisse la possibilité aux gens de donner une partie de son foie. D'autant que le foie est un organe fabuleux , car il se reconstruit. Après six semaines j'avais un foie normal alors que j'avais reçu la moitié du foie de ma sœur. Que je remercie encore... »
Après l'euphorie de la greffe de foie, le choc de la facture : quatre ans avant que la loi n'entre en vigueur, Béatrice Chevalley a reçu plusieurs factures pour un montant total de 500.000 francs après sa transplantation.
Pour elle, la somme était conséquente : « ça fait pas mal d'argent à prendre sur le salaire de mon mari. A l'époque, j'étais mariée et on avait deux enfants. Je trouvais pas ça normal, et surtout pas humain. »
Impossible pour Béatrice Chevalley de payer une telle somme. Cette Genevoise a recours à un avocat, un ténor du combat contre les assurances dites sociales, Me Mauro Poggia : « Comment va la santé... ? Vous aviez fait l'objet de certaines poursuites, particulièrement mal vécues. Vous aviez d'abord la préoccupation de votre santé. » !
Le Tribunal fédéral lui a donné raison : Béatrice Chevalley obtient la rétroactivité de la loi et donc le remboursement intégral de sa greffe du foie. Selon Me Mauro Poggia qui se souvient du dossier : « le juge fait preuve d'une grande réserve lorsqu'il s'agit de mettre à charge de l'assurance de base des prestations qui ne sont pas clairement dans les listes établies par le Conseil fédéral. Mais là, c'était un peu trop gros. »
Mais est-ce que les malades parviennent souvent à faire valoir leur droit au Tribunal Fédéral des assurances ? Selon Mauro Poggia, avocat : «si une prestation n'est pas sur la liste, c'est vrai que c'est souvent peine perdue de se battre. Si l'on refuse la prise en charge d'un traitement de manière arbitraire, le juge pourrait intervenir. Mais trop souvent, les juges sont frileux à mettre le doigt dans de tels examens. Ils ne veulent pas faire le travail du CF qui a une armée de spécialistes pour changer les listes aussi souvent qu'il le veut. »
Nicole Tozzini a aussi lutté contre une assurance : « C'est pas dans votre règlement, mais c'est pas la loi votre règlement. Il me semble quand même qu'au niveau de la législation ,c'est pas possible qu'on puisse considérer qu'on laisse tomber un patient qui ait besoin d'un traitement médical qui se trouve en danger et que simplement l'assureur maladie me réponde, « non, ce n'est pas dans notre règlement. On n'entre pas en matière. Ça me semble étrange.»
Cette colère, Nicole Tozzini l'a piquée contre une caisse maladie neuchâteloise pour défendre les intérêts de son pupille, Christian Furrer. Il est victime d'une maladie rare, la spondylarthrite ankylosante. Après une opération de la dernière chance, ce Neuchâtelois reste paralysé des deux jambes et souffre le martyr : « ça fait extrêmement mal. Ça m'empêchait de dormir pendant la nuit. Ça me réveille. C'est très douloureux. C'est un peu comme si j'avais des crampes permanentes. »
Heureusement, l'Hôpital de Genève découvre un traitement qui le soulage : le botox. Christian Furrer a pu être ainsi en partie soulagé : « Ça m'a beaucoup apaisé, directement. J'ai vu une grande différence. J'ai réussi à dormir correctement, à avoir moins de spasmes. »
Ça tombe, bien, le botox figure dans la « Liste des spécialités » remboursées par la LAMal. Seulement, voilà, il y a un hic : son utilisation est réservée aux apoplexies cérébrales. Et manque de chance, Christian a eu une apoplexie de la moelle épinière. Personne ne remarque la subtilité, sauf la caisse maladie qui, du coup, cesse de rembourser les injections de botox. Mais comment est-ce possible?
Selon Sandra Schneider, Responsable de la division prestations à l'OFSP , la limitation des usages de médicament se fait par catégories : « on n'a pas mal de médicaments sur la liste où on a limité l'usage, ça veut dire que c'est juste dans certains cas à rembourser par l'assurance maladie et pas par l'autre, parce que les critères ne sont pas remplis. Justement, dans ce cas-là, c'est pas une maladie qui figure sous les limitations de prise en charge par les caisses maladie. »
Pourtant, le botox est le seul traitement pour cette grave maladie. Tous les médecins consultés par Christian Furrer sont d'accord sur ce point. Tous, sauf un : le médecin conseil de sa caisse maladie.
Dans le cas de ce monsieur, il était en train de mourir, on ne fait pas exception dans ce cas-là ? Selon Sandra Schneider, Responsable de la division prestations à l'OFSP, certaines exceptions sont possibles : « il y a une exception. Ça s'appelle le off label use. Le off label use, c'est d'après la jurisprudence du TF, ça peut donner la base pour faire une exception si quelqu'un a des conséquences graves ou aurait des conséquences graves pour sa maladie et risque de mourir dès qu'on utilise un médicament qui n'est pas autorisé ou qui n'est pas limité par l'assurance maladie. Mais là, il y a vraiment des exceptions et on doit regarder chaque cas individuel par le médecin conseil. »
Ce qui signifie que lorsqu'une maladie grave vous ronge, votre salut ne vient pas de votre caisse maladie, mais des tribunaux. Ça fait peur.
Nicole Tozzini, curatrice, ne s'explique pas le fonctionnement de la LAMal : « Je trouve ça quand même absurde qu' au niveau fédéral, on ait mis dans les mains des sociétés anonymes qui sont censés faire plutôt des bénéfices, du CA, un pilier social comme la LAMAL. C'est là qu'on voit, en conséquence de ça, qu'il y a des décisions absurdes sur la vie et sur la santé des citoyens en CH, quoi. »
Christian Furrer a donc pris un avocat pour faire valoir ses droits. Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat Christian Furrer revient sur ce dossier :« nous n'avons eu d'autre choix d'invoquer un principe général : l'assurance maladie a l'obligation de prendre en charge une médication si celle-ci est nécessaire pour traiter une grave maladie s'il n'y a pas d'alternative thérapeutique, ce qui était le cas de M. Furrer. »
Le Tribunal fédéral des assurances leur a donné raison, au bout de 3 ans de procédure. Entre-temps, Pro-Infirmis a avancé l'argent. Mais 3 ans d'attente, pour se faire rembourser un médicament, c'est quand même long.
Pour Mauro Poggia, c'est plus le système que les assureurs qui pose problème : « La faille du système est trop grande pour que l'assureur ne s'y engouffre pas. Si l'assureur a le moyen de ne pas payer, il ne va pas s'en priver. Ce serait contre-nature... »
La (non) couverture de la médecine préventive
Du point de vue des caisses maladie qui nous ont répondu, le principe général est très clair : je vous cite la réponse que nous a envoyée la CSS : « en tant qu'assureur, nous n'avons pas le droit de rembourser dans l'assurance de base une prestation qui ne figure pas sur la liste ». Même type d'affirmation du côté d'Helsana et de Santé Suisse. Vrai si ce n'est que « un remboursement hors liste » est possible à certaines conditions, quand le traitement est indispensable, qu'il n'y a pas d'alternative, comme l'affirme l'avocat Gilles-Antoine Hofstetter. Ce qui est très rarement remboursé, dans le cadre de l'assurance de base, c'est la prévention, sauf rares exceptions. Or certaines femmes atteintes du cancer du sein souhaitent une ablation préventive de leur deuxième sein. Vous allez comprendre pourquoi, et là aussi, il y a bien des chances, disons des risques qu'elles doivent le payer de leur poche !
Anne Dobler a été victime d'un cancer du sein, il y a 12 ans. Opérée d'urgence, elle a subit une mastectomie, une ablation du sein gauche. L'an dernier, les violentes douleurs ont repris. Son cancer a récidivé, mais il était encore plus profond que la première fois : « il y avait une partie de la tumeur mise sur la cage thoracique. Il a fallu enlever trois côtes, une partie du sternum et refaire une partie en ciment médical.... A la suite de cette opération, on m'a pris un grand dorsal pour me faire une greffe à l'endroit où on avait éliminé les muscles pour accéder à la cage thoracique. »
Tous ces traitements lui ont valu 2 mois et demi d'hospitalisation et des souffrances au quotidien. Pour éviter de revivre à nouveau ce cauchemar, elle voudrait se faire enlever le 2e sein à titre préventif: « Je ne suis pas du tout prête à revivre ce que j'ai vécu il y a 12 ans et ce que je viens de vivre : les douleurs très fortes, qui génèrent de l'angoisse. Il y a un mal être évident. Depuis 12 ans qu'on m'a enlevé le sein gauche, mon épaule droite s'est affaissée, .. il y a un déséquilibre au niveau du poids, car j'ai un sein volumineux. Et j'ai des répercussions au niveau du dos ».
Sa caisse maladie lui impose des tests génétiques. Si son cancer est héréditaire, Anne Dobler sera remboursée. En cas de réponse négative, son assureur ne déboursera pas un centime.
Après une année passée à lutter contre le cancer du sein, de nombreux examens, traitements et autres interventions au CHUV, Natalia Teyssier s'est résignée à subir une ablation du 2e sein à titre préventif, même si cette opération n'est pas remboursée par sa caisse maladie. « Même si ce n'est pas héréditaire, je ne voulais pas prendre le risque de me retrouver dans quelques années avec un cancer du sein à droite. Personne ne peut me garantir que je n'aurai pas un autre cancer de l'autre côté.»
Sans cette intervention, Natalia Teyssier aurait dû attendre, chaque année, avec angoisse, les résultats de ses contrôles médicaux. Pourtant, comme nous le confirme le Dr. Jean-François Delaloye, professeur associé et médecin-chef du Département de gynécologie-obstétrique, Centre du sein au CHUV les coûts sont équivalents : « quand vous additionnez le prix de, la mammographie, plus l'échographie, plus l'IRM, vous arrivez au prix du geste lui-même, la mastectomie. Ce qui coûte cher, c'est l'hospitalisation et la reconstruction. Une patiente qui a le sein droit malade et qui demande d'enlever le sein gauche, ça rajoute trois quart d'heure d'opération, disons une heure peut-être, sans reconstruction. Un point c'est tout. »
Mais les caisses maladie ne remboursent pas cette opération à titre préventif, sauf si le cancer du sein est d'origine héréditaire. Pour Natalia Teyssier, cette vision à court terme a un prix : « Je ne veux pas revivre ça. Je ne veux pas l'imposer à ma famille, mes amis... A tous ces gens qui ont été autour de moi cette année.»
En économisant sur la prévention, les caisses maladie jouent au poker : si leur assuré n'a pas de récidive, elles gagnent et ne déboursent pas un centime. Mais si leur assuré rechute, au final, le traitement du cancer du sein, sera extrêmement coûteux. Mais le système de la LAMAL ne les incite pas à réfléchir sur le long terme.
On voit que le principe d 'efficacité, d'adéquation et d'économicité « que doit respecter la commission pour décider si un traitement doit être remboursé ou non », est interprété de manière qui laisse parfois pantois ! D'ailleurs, le rapport des parlementaires dont je vous parlais auparavant, dit aussi que cette commission devrait être mieux documentée.
Entretien avec Jean-Bernard Pillonel, Directeur général adjoint ASSURA
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