Le bambou n'est pas qu'une plante ornementale:ustensiles de cuisine, parquets et textiles profitent de l'image nature du bambou. La réalité est différente: le procédé de transformation du bambou en fibre textile implique une chimie lourde qui fait que le bambou, produit naturel, anti-transpirant, bactéricide, y perd hélas toutes ses vertus.
Faux étiquetages : une inconnue dans son assiette !
Il y a du laxisme et des erreurs chez les distributeurs ! Des mots qui frappent, en tête d’un communiqué tout récent des chimistes cantonaux. Et cette expérience, vous êtes plusieurs à l’avoir faite. Une famille amatrice de cerises a ainsi acheté « Les plus grosses cerises de Suisse » à la Coop. Problème : elles provenaient de Hollande !
Entretien avec Patrick Edder, chimiste cantonal (GE) : les erreurs dans l’origine affichée des fruits et légumes en magasins ne sont pas exceptionnelles, loin de là !
Visite d’une bambouseraie
Le bambou a plein d’atouts : il pousse très vite, il est peu sensible aux parasites et n’a donc pas ou peu besoin de pesticide. « L’herbe à dinosaure », comme on l’appelle encore en Chine, séduit de plus en plus l’Occident. Mais ce matériau est-il vraiment écolo ?
Le bambou n’est pas un arbre, mais une plante. Elle peut atteindre vingt mètres de haut et son tronc dix centimètres de diamètre.
ABE s’est rendu à Anduze. Entre Nîmes et Alès, au sud des Cévennes, se trouve la plus grande bambouseraie d’Europe. 15 hectares de bambous, une merveille pour les yeux, pour l’âme et les oreilles.
En Europe, le bambou ne pousse pas à l’état naturel. Il est importé d’Asie, d’Afrique ou encore d’Amérique du Sud. Il en existe 1’500 espèces et on en trouve 200 à Anduze où il s’est parfaitement acclimaté depuis les premières plantations en 1856.
Muriel Nègre,
Présidente de La Bambouseraie nous accompagne lors de notre visite : « Le créateur, Eugène Mazel, a eu cette idée de génie de monter tout un système hydraulique, qui est propre à la Bambouseraie, un système de canaux, qui fait que l’eau serpente dans le parc. »
La bambouseraie appartient à la famille Nègre depuis 1902. Une histoire d’amour qui dure depuis 108 ans. Muriel Nègre apprécie le calme de sa bambouseraie : « Le lieu apaise. C’est l’ambiance qui veut ça. Je pense que c’est le mélange d’ombre et de lumière. On est relié à quelque chose d’essentiel, à la nature et souvent, lorsque l’on est citadin ou que l’on mène une vie stressante, on oublie ce rythme de la nature. Ici, on retrouve ce qui nous a construit. »
Le bambou possède son propre vocabulaire. Les pousses de bambou qui s’élancent vers le ciel sont des turions, comestibles dans la plupart des espèces. Les tiges souterraines s’appellent des rhizomes. Le bambou pense aussi à l’avenir de la planète. Il fixe plus de CO2 et libère plus d’oxygène qu’un arbre. Mais il demande quelques précautions.
Comme nous le rappelle Muriel Nègre, le bambou « c’est comme tous les végétaux. Si vous n’y apportez pas un minimum d’attention, si vous ne le nourrissez pas, comme un être humain, il sera moins beau, moins gros et deux fois par an on apporte des nutriments au sol. On a aussi une politique de ne pas laisser trop de tiges et on éclaircit. C’est pourquoi on a des allées assez clairsemées avec la lumière qui rentre. »
Classée monument historique, la Bambouseraie d’Anduze est depuis des générations un temple à la gloire du bambou. Comme un morceau d’Asie transplanté dans le Sud de la France.
Plus récemment, le bambou est devenu très à la mode. La Bambouseraie a développé une pépinière qui couvre une quinzaine d’hectares. Là, un million de plants d’une centaine d’espèces différentes grandissent en pot. C’est le travail de Simon Crozet, pépiniériste : « Ce sujet, qui a été prélevé il y a un an et demi, est en parfaite santé, prêt à être expédié et d’ailleurs il a donné pleinement satisfaction il y a trois semaines de ça puisque ce chaume là, qui va faire presque 13 mètres de haut, est sorti il y a trois semaines. »
Le bambou a tout de même un défaut, il est un peu voyou. Sous la terre, ses rhizomes se croient tout permis. Simon Crozet ne compte pas se laisser déborder : « J’ai souvent l’habitude de dire que le bambou, c’est un peu comme un enfant, il faut savoir le canaliser, lui donner ses limites. Sinon, on se fait déborder et par la suite, effectivement, on a beaucoup d’ennuis et beaucoup de tracas. »
Et pour le canaliser, Simon Crozet connaît plusieurs méthodes : « C’est un petit entretien, couper les jeunes pousses, le simple fait de passer la tondeuse permet de contenir les massifs de bambous et sinon, après, il y a un moyen plus drastique, c’est la barrière anti-rhizomes. »
En polypropylène, la barrière se place à 50 cm de profondeur tout autour du massif de bambou. Elle empêche les rhizomes de prendre trop de liberté.
De la pépinière, les bambous partent chez des paysagistes ou des jardineries dans l’Europe entière, y compris en Suisse. Le bambou a une ultime qualité, il n’est pas frileux.
En effet, selon Simon Crozet « Le bambou résiste très bien au froid. Parmi ces 1500 espèces, il y a les bambous tropicaux et les bambous tempérés. En Chine et au Japon, les rigueurs de l’hiver imposent des températures de moins vingt-cinq degrés et les bambous que nous cultivons résistent à ces températures. »
Le bambou : le test
Pourquoi confier à un laboratoire six ustensiles de cuisine et un parquet en bambou, une plante réputée totalement écologique ?
« Il suffit de regarder comment est fait un bambou. Grosso modo c’est un tube et on en fait des carrés de bois. Il faut bien s’imaginer que pour faire un carré avec un tube, il y a un petit peu de travail. Il va falloir découper ces lamelles, les coller, mettre de la chimie autour, ça ne me paraît pas du tout étonnant. »
Nous avons demandé au laboratoire de rechercher deux éléments qui peuvent avoir un impact sur la santé: les COV ou composés organiques volatiles, présents dans les colles et les vernis et l’acide acétique, utilisé dans le bambou pour limiter son absorption d’humidité.
Vincent Perret, directeur Labtox « a trouvé des grandes quantités d’acide acétique, un irritant et des aldéïdes, également irritants. En revanche, nous n’avons pas trouvé de produits sensibilisants, ou pouvant provoquer des allergies, ou encore de produits cancérigènes. »
Les analyses du laboratoire ont débouché sur les résultats suivants :
avec un taux très faible de composés organiques volatiles et d’acide acétique, la planche à découper qui s’en sort le mieux est une planche achetée chez Interio.
En deuxième position, on trouve encore une planche à découper, un article Fine Food de la Coop. Cette planche a, elle aussi, des valeurs très faibles en COV et en acide acétique.
Le troisième du classement n’est pas un ustensile de cuisine, c’est un parquet, acheté chez Hornbach. Son taux de COV est faible, mais il dégage le taux d’acide acétique le plus élevé du test.
Vincent Perret:
« Un mètre carré de parquet, c’est 10'000 cm2. Ca nous fait 10'000 fois ces 7 à 8 microgrammes. Si on a de grandes surfaces, il faut s’attendre à de fortes concentrations émises, surtout au début lorsque l’on a posé ce parquet. C’est d’autant plus important, dans ce cas, à penser à renouveler l’air et à ouvrir les fenêtres. »
En quatrième position, on retrouve une planche à découper vendue chez Manor. Elle présente une particularité : elle dégage des composés organiques volatiles, mais elle n’a pas d’acide acétique.
Au tour des saladiers maintenant, avec en cinquième position, un produit de la maison Ekobo. Son taux de COV est assez élevé, mais il n’émet pas d’acide acétique.
Il s’agit d’une production artisanale qui revendique une philosophie proche des produits Max Havelaar. Il est fabriqué au Vietnam selon la technique ancestrale du lamellé-collé. Le bambou est coupé en fines lamelles qui sont tournées, puis collées. La colle provient de l’arbre à pain qui est un produit naturel.
L’extérieur est recouvert de laque naturelle. Mais c’est la couleur qui pose problème. Confirmation avec Simon Crouzet, à la fois pépiniériste et co-fondateur d’Ekobo : « Malheureusement, on n’a pas un produit encore totalement abouti, notamment pour les couleurs, il y a encore de la chimie. Mais on recherche et on va trouver des pigments naturels. On va essayer de revendiquer un produit totalement écolo et bio. On n'en est pas encore là, on s’en approche. »
Si Ekobo importe des produits fabriqués au Vietnam, ce n’est pas un hasard. Simon Crouzet défend ce choix : « Dès le début, on voulait une approche dans le genre Max Havelaar. Le Vietnam a été mal utilisé par les Occidentaux. Nous ne sommes pas d’accord avec cette approche-là et nous avons contacté directement les villages. On n’a pas imposé un mode de vie, un savoir-faire. On s’est imprégné de leur culture, on leur a apporté une bonne ergonomie du travail et de la sécurité. »
Il y a COV et COV. Ceux du saladier d’Ekobo mettront plus de temps à dégazer, mais ils sont moins nocifs.
On augmente encore un peu les valeurs de COV avec le saladier Micasa de la Migros.
Enfin le taux de COV le plus élevé du test – 21,64 microgrammes par centimètre carré - provient d’un plateau acheté chez Casa.
Au final, quelques précautions permettent d’éviter problèmes et désagréments. Selon Vincent Perret, Directeur Labtox « dans l’idéal, il faudrait choisir des produits qui ont déjà eu le temps de « dégazer ». Une bonne idée serait de prendre des produits non-emballés et de les laver : dans le cas de produits non-emballés, le dégazage a déjà pu s’effectuer en grande partie lors du stockage et de la mise en vente. »
Le textile en bambou
Alain Spilet, président Des Ateliers de la Maille affirme utiliser du bambou dans la production de textiles : « Notre philosophie privilégie les fibres naturelles et végétales, pour un monde vert et à l’intérieur de ces fibres, vous avez naturellement le bambou. »
Dans ce magasin situé dans une rue chic de Paris, le bambou est clairement vendu comme étant écologique.
C’est vrai que la plante consomme peu d’eau, qu’elle n’a pas besoin d’engrais, ni de pesticides. Tout change au moment où elle va être transformée en fibre textile. L’opération fait appel à une chimie très lourde.
Voici comment l’on procède. On broie d’abord mécaniquement le bambou pour en extraire la cellulose, puis on le transforme en viscose à l’aide d’hydroxyde de soude – le vrai nom de la soude caustique – et de disulfure de carbone.
Et ce dernier produit fait réagir Vincent Perret : « C’est un produit que je n’aime pas du tout. Le disulfure de carbone est un produit qui est toxique, qui est très inflammable et volatile et il fait partie de ces produits que l’on appelle CMR, une catégorie de produits qui regroupe les cancérigènes, mutagènes et roprotoxiques. C’est une norme européenne qui fixe ces définitions. Typiquement, ce produit est photo toxique. Il est très utilisé dans les laboratoires. Mais on a tendance à l’éliminer en raison des problèmes qu’il pourrait poser pour les femmes enceintes et le fœtus.
Après un tel traitement, pas étonnant qu’aucune des qualités naturelles du bambou ne survivent. D’autant plus que l’on ajoute du sel d’ammonium pour obtenir des effets bactéricides qui font joli sur l’étiquette.
Cette chimie s’évapore des vêtements, mais les résidus sont relâchés dans la nature par les usines, principalement chinoises.
Selon Martine Dascot, responsable normalisation – IFTH, nous n’avons plus affaire à du bambou : « Donc appeler cela du bambou, c’est tromper le consommateur en lui faisant croire qu’il achète un produit naturel, alors qu’il achète un produit transformé chimiquement et la transformation chimique en viscose est polluante. Ensuite, le fait d’écrire viscose de bambou n’est pas possible au regard de la réglementation européenne parce qu’il faudrait pouvoir prouver que la viscose a bel et bien été obtenue à partir de bambou et ça, à l’heure actuelle, aucun laboratoire n’est capable dans une viscose d’identifier l’arbre d’origine. »
On a bien entendu. La viscose peut parfaitement provenir d’une autre plante que le bambou, voire d’un arbre. A quand le maillot de bain en mélèze.
A Paris, Alain Spilet affirme qu’il a résolu le problème. « Nous avons n notre propre traçabilité. 1. nos propres équipes sur place qui collectent les bambous, qui les transforment, qui font cette pâte prête pour la filature. Mais ce n’est pas suffisant pour un gouvernement et même pour l’Europe. Pour cela, nos ingénieurs, moi et une équipe en Chine, avons travaillé sur l’identification de ce fil. Donc aujourd’hui, ce labo chinois a les moyens, à l’aide de microscopes, d’identifier qu’il s’agit bien d’un fil issu du bambou. »
Nous venons d’obtenir une autorisation du gouvernement français de travailler avec ce labo chinois. Ce qui l’intéresse, c’est que l’on puisse sortir de ce label « 100% viscose. » Nous, notre intérêt c’est d’identifier autre chose que « viscose issue du bambou » mais qui soit identifiée comme une matière « 100% bambou. »
Ici, les vêtements portent déjà la mention « bambou » alors que l’appellation officielle européenne, c’est « viscose. »
Qu’est-ce qui arrive à ceux qui ne respectent pas ces règles ?
Martine Dascot, Responsable normalisation – IFTH :
« Aujourd’hui, il leur arrive des amendes. Ils sont en infraction, en double infraction. La première par rapport à la directive européenne sur l’étiquetage de composition et la deuxième, qui est plus grave, par rapport au code de consommation qui dit que l’on ne doit en aucun cas tromper le consommateur. »
Les amendes, elles sont importantes ? Comment ça se passe ?
Martine Dascot, Responsable normalisation – IFTH :
« Sur la composition erronée, c’est 450 Euros par article. Ça peut effectivement représenter une somme importante en fonction du nombre d’articles vendus. »
A plus de 600 francs d’amende par polo vendu, le laboratoire chinois d’Alain Spilet a vraiment intérêt à être solide !
En Suisse, la loi est d’un vide abyssal :
« Les indications concernant le fabricant, le pays de production, la technique de fabrication (« textiles bio »), la taille, l’étiquetage des matières brutes (composition du textile) et les conseils d’entretien sont donc libres. »
La Coop a profité de cette liberté et rédigé une étiquette de composition d’un vêtement Naturaline avec la mention « 12% bambou », pour finalement prendre la décision de retirer son étiquette qui indiquait « Nature ? Yes ! », sur des articles composés de 12% de viscose.
La Migros fait plus fort encore avec une étiquette marketing « bamboo » et se justifie ainsi : le bambou est bio, le processus de transformation est peu dangereux pour l’environnement. Toujours est-il que le produit final n’a plus rien de naturel.
Même le WWF vend un polo sous le label « éco bambou. » Un comble pour un vêtement passé par le même processus chimique que les autres et dont le WWF lui non plus ne peut prouver qu’il provient réellement du bambou.
Les connexions fantômes de Sunrise :
Vous payez une connexion Internet, qui ne fonctionne plus depuis des semaines, malgré l’aide de techniciens indépendants. Etes-vous en droit de résilier immédiatement votre contrat avec l’opérateur, puisque celui-ci ne fournit plus la prestation ?
Entretien avec Me Didier Bottge
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La semaine prochaine
La semaine prochaine, ABE teste les skateboards ! Sur le marché, on trouve toutes sortes de modèles: vous avez le skateboard bon marché vendu en grandes surfaces, vous avez aussi les marques prestigieuses des boutiques spécialisées. Est-ce qu’il faut se ruiner pour se faire plaisir ? Quel modèle acheter pour débuter? Des questions qui concernent les skaters et leurs parents.