Roulez propre: c’est l’argument choc des constructeurs automobiles quand il s’agit de vendre leurs véhicules neufs. Mais en large majorité, les performances vantées par les grandes marques en matière de consommation de carburant et d’émissions de CO2 ne reflètent pas la réalité.
Comment expliquer ces différences? Existe-t-il des bidouillages lors des tests des constructeurs? Qu’est-ce cela coûte au consommateur? A Bon Entendeur a enquêté en Allemagne et à Bruxelles.
Consommation de carburant: les chiffres des constructeurs en question
Il existe 25% de différence en moyenne entre les chiffres de consommation d’essence et d’émission de C02 annoncés par les constructeurs automobiles et les mesures de ce laboratoire indépendant à Landsberg am Lech en Allemagne.
Il s’agit du centre de test de l’ADAC, l’Automobile Club allemand. Ce laboratoire, l’un des plus pointus d’Europe en matière de véhicules à moteur, teste plus de cent cinquante voitures par année, sur tous les plans, confort ou technique. Plus de trois cents critères sont évalués, y compris la consommation et les émissions de gaz, parmi lesquels le CO2, ou dioxyde de carbone.
Pour évaluer de manière parfaitement semblable et comparable chaque véhicule, le laboratoire de l’ADAC met en place un véritable simulateur routier puis réalise chaque fois le même cycle de test: un trajet réaliste susceptible de provoquer une consommation de carburant et des rejets de gaz proches de ce que le conducteur moyen va expérimenter, jour après jour.
Steve Mestdagh, responsable des tests mobilité de l’association de consommateurs européenne Euroconsumers supervise régulièrement des tests à Landsberg. Pour cet expert automobile, le problème réside dans le fait que le cycle de test d’homologation (NCEC), utilisé par les constructeurs de voiture en Europe et par l’Union Européenne, n’est pas suffisamment réaliste et sous-estime systématiquement la consommation et les émissions des voitures par rapport à une utilisation normale. Ce sont pourtant ces résultats qui sont utilisés par les constructeurs dans les fiches techniques de leurs véhicules.
Le NCEC, qui date de 1973, fait uniquement parcourir à la voiture 11 kilomètres en 18 minutes, à la vitesse moyenne de 33,6 kilomètres/heures. Les accélérations entre les différentes vitesses constantes sont faibles et la voiture ne roule que 10 secondes à 120 kilomètres/heure sur toute la durée du test. Une méthodologie pas très probante selon Euroconsumers et l’ADAC qui ont donc décidé de tester les voitures autrement.
>> Tableau comparatif des tests ADAC et des tests constructeurs
La manipulation des tests chez les constructeurs
Une consommation en carburant supérieure à celle annoncée par les constructeurs signifie autant de dépenses supplémentaires pour les automobilistes et se chiffrent en centaines d’euros par an. L’organisation "Transport et Environnement" basée à Bruxelles milite pour des transports durables. Dans un récent rapport, elle affirme que les constructeurs manipulent les tests de laboratoire et les tests routiers de leurs véhicules.
L’organisation a fait tester six voitures, en suivant exactement la même procédure que les constructeurs. Mais ses résultats ont montré que la consommation de carburant et les émissions de CO2 étaient 19 à 28 % supérieures à celle révélée par les tests officiels. L’enquête a été menée grâce à des informations confidentielles livrées par des ex-employés de grands constructeurs et par des ingénieurs indépendants.
Le rapport détaille une bonne vingtaine de trucs utilisés pour réduire la résistance à l’air et au roulement. Certains constructeurs surgonflent ainsi les pneus, d’autres déconnectent l’alternateur, ce qui bloque le chargement de la batterie. Conséquence: la voiture utilise moins d’énergie et donc brûle moins de carburant. Un procédé rendu possible par la brièveté du test.
Le fait de scotcher les portières et les grilles de ventilations, de desserrer les freins au maximum ou encore d’augmenter artificiellement la température du moteur peut aussi influencer les résultats, et faire baisser la consommation de carburant et les émissions de CO2 pendant les tests menés par les constructeurs.
Le problème, selon "Transport et Environnement", n’est pas tant que les constructeurs ne respectent pas les règles mais que les normes soient tellement laxistes et archaïques qu’elles puissent être contournées. Un nouveau test devrait être imposé aux constructeurs à l’horizon 2017.
Réaction de Marc Bocqué, responsable communication chez Peugeot
Réaction de François Launaz, vice-président d’Auto-Suisse, l’Association des importateurs suisses d’automobiles
Les explications de Françoise Weilhammer et interview de Johannes Kleis, porte-parole du BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) à Bruxelles
La pollution cachée des voitures neuves
Peut-on protéger l’environnement en gardant sa vieille voiture? C’est la thèse que défend le Neuchâtelois Lucien Willemin dans son livre "En voiture Simone". Son raisonnement est basé sur ce qu’on appelle l’énergie grise, soit toute l’énergie, la pollution cachée dans chaque objet qui nous entoure.
Selon lui, une voiture ne pollue pas seulement en rejetant du CO2 lorsqu’elle roule en Suisse. Le coût pour l’environnement est déjà conséquent lors du processus de fabrication puis non négligeable lorsque le véhicule doit être détruit. Le message de l’auteur est donc d’accepter de rejeter un peu plus de CO2 en usant au maximum le parc automobile existant en Suisse afin d’éviter une pollution chimique ailleurs.
A Neuchâtel, Lucien Willemin a été entendu par le gouvernement qui a intégré la notion d’énergie grise dans le calcul de la nouvelle taxe automobile, entrée en vigueur en janvier 2014. Les autorités cantonales ont ainsi inclus un facteur de pondération en déduisant 8 francs par année d’âge du véhicule.
Malgré la prise en compte de l’énergie grise, ce sont toutefois les émissions de CO2 qui pèsent le plus lourd dans le calcul du montant de la nouvelle taxe. Les automobilistes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’acheter une nouvelle voiture moins polluante vont devoir payer plus d’impôt. Lucien Willemin, par exemple, a vu sa taxe passer de 478 CHF à 621 CHF, soit une augmentation de 30%.
Conduite: comment diminuer sa consommation de carburant
Une conduite appropriée de son véhicule permet de limiter les rejets de CO2 dans l’atmosphère. Steve Mestdagh, responsable des tests mobilité de l’association Euroconsumers, nous livre ses conseils (en vidéo).