Vous vous êtes sans doute retrouvés un jour, perplexes, devant vos boîtes de médicaments dont la date de péremption est dépassée. Que faut-il garder, que faut-il jeter? Les médicaments sont-ils consommables au-delà de cette date? Que risque-t-on à ingérer un comprimé périmé? Ces dates répondent-elles uniquement à des critères scientifiques, ou font-elles le jeu de l'industrie pharmaceutique, dans un pays où un tiers des médicaments vendus chaque année est jeté sans avoir été utilisé? Quelles solutions face à cet énorme gaspillage? L'équipe d'ABE a vidé son armoire à pharmacie pour enquêter et tester le vieillissement des médicaments les plus courants.
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Qui fixe la durée de vie d'un médicament et comment?
Les médicaments, comme les aliments, ont une date de péremption. Elle va, en général, de deux à cinq ans. Elle dépend de la durée de vie de la molécule active, de la forme galénique du médicament –pilule, sirop, suppositoire…- on encore de l'emballage. Elle est surtout fixée à la suite de tests réalisés par le fabricant. Ce dernier stocke des échantillons et réalise des tests de conformité après deux ans, trois ans et ainsi de suite. Un même médicament pourra ainsi avoir une durée de vie différente au cours de son exploitation. Mais pourquoi aucun médicament ou presque ne dépasse les trois ans de validité?
La date de péremption des médicaments: le test
Certains médicaments ayant dépassé leur date de péremption sont-ils encore actifs? Pour le savoir, l'équipe d'ABE a récupéré 19 médicaments issus des pharmacies personnelles de ses membres. Cet échantillon a été complété par des médicaments issus du Centre universitaire romand de médecine légale qui a réalisé les analyses de ce test. Le laboratoire a testé l'efficacité de ces médicaments qui avaient tous une date de péremption dépassée, parfois de plusieurs années.
Pour cette analyse, le laboratoire a testé uniquement les principes actifs. Il n'a réalisé aucune évaluation du vieillissement des excipients, cette partie du médicament qui lui donne sa forme. Sur ces 19 produits, 16 sont jugés stables. Le laboratoire a fait la comparaison avec les mêmes médicaments fraîchement achetés dans le commerce, en calculant une marge de tolérance.
On estime qu’un médicament est stable – autrement dit, que la dose efficace pour l’effet recherché est toujours présente - entre 90% et 110% de la dose annoncée par le fabricant.
On a ensuite regroupé ces médicaments par famille. Voici les résultats de notre test:
Les médicaments qui agissent sur le métabolisme et le système digestif:
Omeprazol STADA
Date de péremption: mai 2014 Principe actif: 95% Médicament stable
Primpéran
Date de péremption: juillet 2013 Principe actif: 90% Médicament stable
Motilium
Date de péremption: janvier 2014 Principe actif: 100% Médicament stable
Omed antacid
Date de péremption: mars 2014 Principe actif: 80% Médicament non stable C’est le seul médicament de cette famille emballé dans un flacon. Les pilules sont donc régulièrement exposées à l'air. Ce qui peut expliquer un vieillissement plus rapide des comprimés.
Les médicaments qui concernent le système cardiovasculaire:
Amlodipine
Date de péremption: mai 2012 Principe actif: 110% Médicament stable
Les médicaments qui concernent le système nerveux:
Distraneurin
Date de péremption: février 2014 Principe actif: 80% Médicament non stable. Ce médicament est conservé en flacon. Les pilules sont donc régulièrement exposées à l'air. Ce qui peut expliquer un vieillissement plus rapide des comprimés.
Zaldiar
Date de péremption: juillet 2013 Principe actif: 50% Médicament non stable. Les deux principes actifs qu’il contient ont perdu jusqu’à 50% de leurs propriétés. Ce médicament a sans doute été conservé dans de mauvaises conditions.
Aspirine
Date de péremption: mai 2011 Principe actif: 90% Médicament stable.
Contre-douleurs P
Date de péremption: août 2013 Principe actif: 95% Médicament stable.
Lyrica
Date de péremption: septembre 2013 Principe actif: 100% Médicament stable.
Treupel en suppositoires
Date de péremption: février 2002 ! Principe actif: 100% Médicament stable.
Dafalgan
Date de péremption: mars 2004 Principe actif: 105% Médicament stable.
Les médicaments agissant sur le système musculaire:
Ecofenac
Date de péremption: avril 2013 Principe actif: 110% Médicament stable.
Irfen
Date de péremption: novembre 2011 Principe actif: 110% Médicament stable.
Méfénacide
Date de péremption: mai 2013 Principe actif: 90% Médicament stable.
Naproxène
Date de péremption: août 2013 Principe actif: 110% Médicament stable.
Ponstan 500
Date de péremption: octobre 1998 Principe actif: 110% Médicament stable.
Voltaren
Date de péremption: novembre 2002 Principe actif: 100% Médicament stable.
Les médicaments concernant le système génito-urinaire et les hormones sexuelles:
Viagra
Date de péremption: avril 2000 Principe actif: 105% Médicament stable.
Sur 19 produits, 16 sont donc stables. A se demander si leurs dates de péremption ne pourraient pas être rallongées. Il faudrait toutefois réaliser des tests à plus grande échelle et également tester les excipients. Ces derniers peuvent en effet se détériorer et être contaminés par des organismes extérieurs. Mais les fabricants souhaitent-ils voir la durée de vie de leurs médicaments augmenter?
Les risques d'un médicament périmé: le point avec le Dr Bertrand Kiefer, rédacteur en chef de la Revue médicale suisse
Que faut-il faire lorsque l'on a encore un médicament périmé, le garder? le jeter? Que risque-t-on à les ingérer? Ces dates répondent-elles uniquement à des critères scientifiques, ou alors font elles le jeu de l'industrie pharmaceutique dans un pays où un tiers des médicaments vendus chaque année est jeté sans avoir été utilisé?
Un grand gaspillage de médicaments en Suisse
Le gaspillage de médicaments représente cent tonnes de déchets par année rien que pour le canton de Genève. L'une des explications, des dates de péremption très faibles, de deux à cinq ans en moyenne. Pourtant, correctement conservés, nombre de médicaments restent actifs bien au-delà de ces périodes. Comment évaluer et allonger les durées de vie des médicaments? Quels sont les risques? La pharma, Swissmedic et la Conférence internationale sur l'harmonisation se renvoient la balle. Mais d'autres méthodes existent pour lutter contre le gaspillage. En Angleterre, par exemple, les traitements sont vendus au détail. Une voie que la Suisse pourrait suivre?
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