En septembre 2015, ABE révélait qu’il y avait des résidus de glyphosate dans l’urine de près de 40% d’un échantillon de la population romande. Aujourd’hui, nous avons fait tester une vingtaine d’aliments courants, que nous mangeons quotidiennement comme des pâtes ou des biscuits, pour voir s’ils contiennent des traces de cet herbicide très contesté. Le glyphosate est l’herbicide le plus employé dans le monde, notamment sous la forme du Round Up, le produit phare de la multinationale américaine Monsanto. Rappelons qu’en mars 2015, le glyphosate a été classé cancérogène probable par le CIRC, le centre de recherche sur le cancer de l’OMS, une classification débattue par plusieurs instances de régulation européennes. A quelles doses les consommateurs sont-ils exposés au quotidien ? D’où proviennent les résidus de cet herbicide? Que font les autorités de surveillance en Suisse? ABE fera aussi le point sur ce qu’on désigne déjà comme les "Monsanto Papers": des documents internes qui montrent que la multinationale américaine connaissait depuis les années 90 la dangerosité potentielle du glyphosate.
Du glyphosate dans vos aliments: le test d'ABE!
L’utilisation du glyphosate dans l’agriculture
Différents tests le prouvent : nous avalons via notre nourriture des résidus de glyphosate. De plus en plus de voix s’élèvent à travers le monde pour dénoncer l’utilisation des pesticides dans l’agriculture. La multinationale américaine Monsanto, son désherbant total « Round Up » et le glyphosate qu’il contient sont devenus les symboles de cette lutte. Alors qu’aux Etats-Unis, le Round Up est un élément clé du développement des cultures OGM, il est uniquement pulvérisé dans les champs en Suisse pour éliminer les mauvaises herbes et les repousses avant de semer les cultures. Dans d’autres pays européens, cet herbicide est aussi utilisé peu avant la récolte pour accélérer la maturation de la plante. Plusieurs études depuis les années 80 ont étudié la toxicité de cet herbicide pour la santé des sols, des animaux et des hommes, ainsi que les effets sur les cours d’eau. C’est en mars 2015 qu’il a été déclaré cancérogène probable pour l’homme par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) qui fait partie de l’OMS.
Les «Monsanto papers»
Le 16 mars dernier, la justice fédérale américaine a rendu accessibles plus de 250 pages de correspondance interne de la firme Monsanto. Ces documents attestent d’une part de la volonté de la multinationale de cacher la dangerosité du glyphosate en la minimisant dans des études rédigées par elle-même puis largement diffusées. On y apprend d’autre part que le glyphosate a également bénéficié de protections haut placées. L’accès à ces documents va aider les centaines de plaignants, employés agricoles ou fermiers victimes de cancers qu’ils estiment consécutifs à une utilisation prolongée du glyphosate, à se faire entendre.
Le premier test de glyphosate
Des résidus de glyphosate ont été détectés dans l’urine de près de 40% d’un échantillon de la population romande en septembre 2015. Pour vérifier la corrélation avec la consommation de céréales, nous avons fait tester 16 aliments courants susceptibles d’être consommés plusieurs fois par semaine voire tous les jours : des pâtes et des spaghettis, des céréales du petit-déjeuner, des biscuits et des biscottes, des chips, de la farine et du pain. Des résidus de glyphosate ont été détectés dans 6 de ces 16 produits. Pour évaluer l’importance des résidus de cet herbicide, nous avons utilisé comme référence la limite maximum autorisée dans le blé qui est équivalente à 10'000 ppb (part par milliard), comme il n’existe pas de norme pour les produits composés. Les résidus détectés sont bien en-dessous de cette limite. Vincent Perret, toxicologue indépendant, estime que ces résultats sont plutôt rassurants, mais soulèvent des questions : nous ne connaissons pas les effets cumulatifs et chroniques de la consommation régulière de tels résidus. Le glyphosate est le principe actif du Round Up mais ce produit contient également de nombreux adjuvants. Sarah Gnoni, présidente de ToxicFree Suisse, juge inquiétante notre ignorance actuelle sur «l’effet cocktail» potentiel dans notre corps de toutes ces substances cumulées.
Du glyphosate dans vos aliments: le test
Des résidus de glyphosate ont été détectés dans 6 de ces 16 produits.
A noter: pour évaluer l’importance des résidus de cet herbicide, nous avons utilisé comme référence la limite maximum autorisée dans le blé qui est équivalente à 10'000 ppb (part par milliard), comme il n’existe pas de norme pour les produits composés.
Vincent Perret, toxicologue indépendant, estime que ces résultats sont plutôt rassurants, mais soulèvent des questions: nous ne connaissons pas les effets cumulatifs et chroniques de la consommation régulière de tels résidus. Le glyphosate est le principe actif du Round Up mais ce produit contient également de nombreux adjuvants. Sarah Gnoni, présidente de ToxicFree Suisse, juge inquiétante notre ignorance actuelle sur «l’effet cocktail» potentiel dans notre corps de toutes ces substances cumulées.
Voici le résultat de ces analyses:
MÜSLI TRAUBEN NUSS - CROWNFIELD
Taux de glyphosate: 17 ppb
PENNE RIGATE - BARILLA
Taux de glyphosate:
30 ppb
SPAGHETTI N.12 - DE CECCO
Taux de glyphosate:
32 ppb
ZWIEBACK CLASSIC - ROLAND
Taux de glyphosate:
44 ppb
SPAGHETTI RISTORANTE & DIVELLA - DENNER
Taux de glyphosate:
62 ppb
MULTI CHEERIOS - NESTLE
Taux de glyphosate:
111 ppb
Entretien avec Françoise Weilhammer
Quel pourrait être l’effet de ces très faibles doses cumulatives? Nous avons effectués quelques calculs. D’ici la fin de l’année, la Commission européenne doit décider d’un renouvellement de l’autorisation du glyphosate sur 10 ans. L’enjeu est immense.
Les effets du glyphosate sur des rats de laboratoire
Une équipe de chercheurs indépendants, menée par le professeur Gilles-Éric Séralini, a mené durant 2 ans une étude sur les effets du Round Up sur des rats de laboratoires. L’une des doses testées, 0,1 microgramme par litre est qualifiée de très faible, c’est une dose admise dans l’eau du robinet en Europe. Cette étude a révélé que les rats développaient des pathologies du foie et des reins. Selon Robin Mesnage, toxicologue et généticien moléculaire qui a fait partie de l’équipe, il faut maintenant vérifier si ces effets sont reproductibles en faisant d’autres études. Les maximums des résidus de glyphosates fixés par les autorités sanitaires sont-ils toujours valables? Les études indépendantes coûtent cher et pour l’instant ce sont les autorités sanitaires se reposent surtout sur les études faites par l’industrie.
La fabrique de Zwieback Roland
Nous avons contacté les fabricants des produits testés et qui contiennent des résidus de glyphosate, on vous livre leurs réactions. Nous avons rendu visite à la fabrique Roland où sont fabriquées les biscottes Zwieback dans lesquelles on a détecté 44 ppb de glyphosate. Consciente du problème et désireuse d’en tenir compte, la société Roland a commencé à prendre des mesures avec ses fournisseurs. La teneur en pesticides des lots de blé est systématiquement contrôlée afin d’opérer une sélection. La société essaie d’autre part de privilégier les blés d’origine suisse et européenne, bien moins susceptibles de contenir du glyphosate que des blés d’origine d’Amérique du Nord par exemple.
Un deuxième test de glyphosate effectué par l’OSAV
Suite à un postulat de la Commission de la Science qui demande une étude sur l’impact du glyphosate, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) a testé 170 produits alimentaires de toutes sortes dans ses propres laboratoires à Berne. Ces produits ont été sélectionnés car fabriqués avec des matières premières provenant de l’étranger où l’usage du glyphosate est plus intensif qu’en Suisse. Des traces ont été découvertes dans toutes les catégories de denrées alimentaires. Aucune trace n’a été détectée par contre dans les produits pour bébés et pour les enfants. A l’image du test organisé par ABE, des résidus plus importants ont été trouvés dans les produits à base de céréales. Le rapport de l’OSAV sera transmis à l’Office Fédéral de l’Agriculture qui décidera des éventuelles mesures à prendre. Mais pour le responsable de l’évaluation des risques de l’OSAV, aucune mesure urgente ne doit être prise, car les traces retrouvées sont très faibles.
Entretien avec Françoise Weilhammer
Des tests ont été réalisés dans d’autres pays comme le Canada et les Etats-Unis avec des résultats parfois plus inquiétants.
Du glyphosate mais aussi des adjuvants dans les herbicides
Dans toutes les différentes formules d’herbicide à large spectre sur le marché, le principe actif (le glyphosate dans le cas du Round Up) n’est jamais utilisé seul : il est accompagné d’adjuvants utilisés pour pouvoir augmenter sa pénétration et sa stabilité afin de garantir sa toxicité. Des métaux lourds ou des perturbateurs endocriniens peuvent ainsi entrer dans la composition du produit. Et de nombreux scientifiques estiment que ces adjuvants posent problème. De son côté, l’OSAV reconnaît que nos connaissances sur les résidus des adjuvants dans les denrées alimentaires ainsi que sur leurs effets potentiels sur la santé sont limitées. La Commission européenne est justement en train de légiférer pour que les ingrédients soient bien déclarés sur les étiquettes.
Entretien avec Stéphane Fontanet
Nous avons demandé à 39 communes de Suisse romande si elles utilisaient des pesticides dans leurs parcs et jardins.
Incitation aux agriculteurs à réduire les pesticides
Un projet, cofinancé par la Confédération et le canton de Berne, vise à inciter les agriculteurs à réduire la pollution des cours d’eau causée par les pesticides. Le non recours aux herbicides totaux est une des 11 mesures au choix proposées. Les agriculteurs intéressés sont subventionnés et peuvent ainsi tester sans risque des nouveaux procédés. Cela peut amener à redécouvrir d’anciennes pratiques comme l’élimination mécanique des mauvaises herbes ou l’utilisation d’engrais verts.
Entretien avec Stéphane Teuscher, directeur de la vulgarisation agricole vaudoise Prometerre
Prométerre, par l’intermédiaire de sa filiale ProConseil, a analysé plusieurs dizaines d’échantillons de denrées alimentaires des produits de boulangerie, des pommes, des légumes, de la bière et du vin pour savoir d’où proviennent les résidus de glyphosate retrouvés dans l’urine des consommateurs.