400 milliards de dollars, c’est ce que pèse ce marché florissant et en expansion des transferts d’armes. Une industrie de l’armement qui est dominée par les Etats-Unis et la Russie, respectivement 30% et 24% des exportations d’armes dans le monde, et boostée par une demande croissante en Asie. Entre 2007 et 2011, les cinq plus grands importateurs d’armes étaient tous des Etats asiatiques.
Mais l’Asie produit aussi des armes à l’image de la Chine qui est passée du statut de premier importateur, jusqu'en 2007, à celui de grand exportateur (6e rang mondial en 2011). Le marché de l’armement souffre d’un manque cruel de d’encadrement à l’image de l’échec des négociations onusiennes engagées en juillet 2012 sur un traité sur les ventes d’armes.
Devant un tel constat, peut-on parvenir malgré tout à réglementer ce marché qui échappe à tout contrôle ? Geopolitis décrypte les mécanismes de cette gigantesque industrie et les implications géopolitiques qui en découlent.
L'invité: Colin Archer, Secrétaire général du Bureau international de la paix.
Depuis 2000, le marché de l'armement a augmenté de plus de 60%. Un marché boosté par une demande grandissante en Asie et alimenté par les Etats-Unis et la Russie, principaux pays exportateurs d'armes. Voir l'infographie
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L'invité
L'éditorial
Interrogé en 1968 par la Télévision Suisse Romande, un marchand d’armes anglais avoue, sans cynisme, qu'il se considère comme un simple commerçant dans un marché concurrentiel, dominé par le commerce des États. Il est vrai que la vente d'armes est aussi un moyen de politique étrangère, particulièrement en cette période de Guerre froide. Au-delà de la dimension morale, c’est un domaine économique aussi bien que politique. A condition que l'opinion publique ne s'y intéresse pas trop, comme lors de la vente d'armes suisses au Biafra, à la fin des années 1970.
Un marché dominé par les Etats
Ce marchand d'armes anglais, interviewé en 1968 pour l'émission Le point, renvoie au contexte de la multiplication des conflits liés à la décolonisation ou aux conséquences larvées de la Guerre froide. Son discours fait surtout référence à deux thématiques importantes et toujours actuelles: d'une part, les État constituent les plus gros pourvoyeurs d'armes sur le marché mondial et utilisent la vente de contrats comme autant de moyens de pression ou de déstabilisations politiques et, deuxièmement, l'industrie de l'armement fait partie intégrante de l'économie d'un pays et enrichit tous les maillons de la production ayant un rapport avec ce secteur industriel.
Scandale en Suisse au début des années 70, comme le rappelle cet extrait d'archives utilisées par Tell Quel dans son reportage sur la famille Burhle diffusé le 1er novembre 1991. Des canons anti-aériens fabriqués à Oerlikon ont été vendus et ont servi au Biafra. La Suisse se retrouve salie par cette affaire, tandis que le CICR essaie tant bien que mal d'apporter une aide aux victimes. La Suisse n'a pas été le seul pays à avoir été impliqué moralement, loin s'en faut. Selon l'écrivain et cofondateur de Médecins sans frontières, Rony Brauman, la France mettait en place à l'automne 68 un dispositif clandestin d'assistance militaire tandis qu'elle mobilisait sa Croix-Rouge.
En 1985, la France passe un accord avec l'Irak pour la vente de 24 avions de combat Mirages F1. Cette vente s'inscrit dans le prolongement du soutien français à l'Irak durant sa guerre contre l'Iran. L'armée irakienne avait en effet disposé de missiles Exocet air-mer qui, selon des estimations, auraient coulé plus de cent pétroliers depuis le début du conflit.
Paradoxe de la vente d'armes entre États. Durant la première guerre du Golfe, en 1991, la France se trouve du côté de la coalition emmenée par les Etats-Unis contre l'Irak. Or, l'armée iranienne dispose d'armes performantes d'origine française, notamment des Mirages F1, des missiles Exocet, Crotale et AS30. Un reportage du journal télévisé met en exergue le revirement de la politique étrangère de Paris qui, longtemps, a joué la carte de l'Irak dans la région du Golfe.